Comment réconcilier la France avec l'audace ?

La nouvelle qui a fait écarquiller les yeux de tout le petit monde qui suit l'actualité du business technologique fut l'acquisition par Facebook, pour 2 milliards de dollars, de l'entreprise Oculus VR. Cette entreprise fabrique un casque de réalité virtuelle dont tous les critiques disent qu'il est bluffant. Oculus VR a pu se lancer grâce à Kickstarter, une des plus grosses plates-formes de crowdfunding—après quelques expériences décevantes dans les années 90, la plupart des grandes entreprises qui dominent le monde de l'électronique pour grand public avaient abandonné le concept.

Autre nouvelle cette semaine : selon plusieurs enquêtes dans la presse, Apple se prépare à lancer non seulement une montre digitale—ce à quoi tout le monde s'attend—mais une qui serait truffée de senseurs pour mesurer les divers paramètres de santé du propriétaire—activité physique et ainsi de suite—et liée à une application qui permettrait de suivre et gérer sa santé en temps réelle.

Pendant ce temps, Google, qui n'est plus un moteur de recherche depuis longtemps, continue ses expérimentations folles : voitures sans conducteurs ; ballons lancés à haute altitude pour fournir de l'accès à internet sans fil gratuit à haut débit partout sur la planète ; recherche sur l'intelligence artificielle ; et même expériences pour allonger la durée de la vie.

Toutes ces entreprises ont une origine en commun, la Silicon Valley. Et leurs initiatives ont un mot en commun : l'audace.

Ce mot était un mot français ; “L'audace, toujours l'audace,” nous disions. Puis, “L'impossible n'est pas français.” Plus récemment, “On n'a pas de pétrole, mais on a des idées.” Aujourd'hui, cette phrase fait rire.

Aujourd'hui, qui ne dirait pas que la valeur la plus répandue dans la société française est le cynisme ?

Au fil de ces chroniques, je parle le plus souvent de concepts économiques, parfois de stratégie d'entreprise et de science politique. Mais un thème qui revient parfois, c'est la culture.

On peut envisager toutes les réformes qu'on veut, on peut mette en place toutes les structures, au final, ce qui détermine la politique et l'économie d'un pays, c'est sa culture.

La culture nous façonne, mais nous pouvons aussi la façonner.

Je ne veux pas sombrer dans le déclinisme que je dénonce : il y a beaucoup de réservoirs d'audace en France. Nous avons de nombreuses entreprises innovantes—plus que l'Allemagne, par exemple, qu'on entend toujours vanter de partout. Des entreprises comme Carmat ont une vision véritabement audacieuse. Il est possible de créer des géants du web, en France, comme Critéo ou Vente Privée. Des entrepreneurs comme Xavier Niel montrent le chemin à prendre.

Oui, tout n'est pas perdu, loin de là.

Mais s'il y avait une “réforme” à faire, plus que toutes celles dont on entend parler au fil de semaine, ça serait peut être celle-là, la vraie réforme. L'audace.