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Les instituts de sondage s'engagent à ne pas communiquer les résultats du vote aux journalistes étrangers
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Twitter parle aux Français

Les instituts de sondage misent sur la discrétion envers les médias suisses et belges, qui sont généralement informés avant la fermeture des bureaux de vote du verdict des urnes.

(Mis à jour vendredi 20 avril à 18h35)

Atlantico a contacté des journalistes belges et suisses pour recueillir leurs témoignages suite à l'annonce des instituts de sondage français. David Haeberli, rédacteur en chef adjoint de la Tribune de Genève nous a déclaré :  « L’officialisation de la décision des sondeurs de ne pas transmettre d’informations avant la fermeture des isoloirs en France va changer les moyens d’arriver à nos fins. Mais nous avons toujours l’intention de les diffuser. Nous n’aurons plus de sources officielles, mais les informations nous parviennent quand même… Il y aura toujours quelqu’un qui aura intérêt à les faire circuler… ». De son côté Charline Vanhoecker, journaliste à la RTBF (radio télévision belge francophone), explique : « Nous ne sommes pas sous le coup de la loi française, alors nous ferons notre travail. Il ne s'agit pasde fanfaronner, ni de montrer qu’on a les résultats avant, mais tout simplement d'avoir de quoi alimenter nos journaux du soir qui commencent vers 19h -19h30. »

(Mis à jour vendredi 20 avril à 16h15)

Les instituts de sondage se sont engagés ce vendredi à ne pas communiquer les résultats du vote de dimanche prochain aux médias étrangers. En effet, ces derniers (RTBF et TSR notamment), qui ne risquent pas d'amendes puisque la législation française ne s’applique pas à eux,  avaient affirmé ces derniers jours qu’ils feraient "circuler l’information". D'où la responsabilité des instituts français de ne pas être à l'origine de fuites, lesquelles pourraient se répercuter très vite grâce aux réseaux sociaux. 

Cette annonce des instituts de sondage intervient juste après la publication jeudi par le parque de Paris d'un communiqué, stipulant que des poursuites judiciaires seraient engagées à l'encontre de ceux qui diffusent, le jour des premier et second tour de l’élection présidentielle, des estimations de résultats ou de sondages avant 20h. L'article L52-2 du code électoral interdit en effet de publier ou de commenter dans les médias et sur Internet des sondages, des estimations ou des résultats, à partir de samedi minuit et jusqu'à dimanche, 20 heures. En cas de violation de cette loi, l'amende est de 3750 euros pour la diffusion d' un résultat partiel et peut atteindre jusqu'à 75 000 euros pour la diffusion d'un sondage. C'est la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale qui jouera le rôle du gendarme.

Pourtant Nicolas Sarkozy a déclaré ce jeudi sur Europe 1 qu’il ne serait "pas choqué" par la publication des résultats dès 18h30 comme souhaite le faire Libération. "Non, franchement, ça ne me choque pas, parce que le monde est devenu un village", a répondu le président-candidat à une question sur ce sujet. Delphine Batho, la porte-parole de François Hollande a estimé que la règle de publication des résultats devait être respectée car elle permet de ne "pas influencer les électeurs jusqu'à la fermeture des bureaux de vote". Il y a très peu de risques toutefois que l'élection soit invalidée en cas de fuite.

Sur Twitter, c'est l'effervescence : les internautes cherchent à contourner l’interdiction de publier les résultats avant 20h en mettant en place des messages codés. Parmi les tweets envisagés : "Le flan est au four" qui fait référence au surnom Flamby donné à François Hollande. Si les discussions tournent autour de "tomates mûres", ce sera Jean-Luc Mélenchon qui aura son ticket pour le scrutin du 6 mai. La tomate faisant bien-sûr référence au rouge, couleur du Front de gauche.

A chaque candidat sa couleur et son fruit : Pour François Bayrou, ce sera l'orange, couleur du Modem et pour Eva Joly, représentante d'EELV, se sera la "pomme granny".

Le foot sera sûrement au cœur des timelines.  Ne vous étonnez pas si vous voyez passer des tweets comme : "Les Pays-Bas devant la Hongrie à la mi-temps", faisant allusion aux origines hongroises de Nicolas Sarkozy.




Eva Joly est assimilée à la Norvège, son pays natal, Jean-Luc Mélenchon lui, hérite du Maroc où il est né, et parfois de l’URSS. François Bayrou est représenté par le Béarn. Les "twittos" préviennent :  "Si vous voyez un tweet qui donne les Pays-Bas vainqueurs de la demi-finale d'Eurovision devant la Hongrie, l'URSS & le Béarn, vous saurez !".

Certains préfèreront donc la "solution météo" : "Si on donne dimanche les températures des Pays-Bas, de la Hongrie, de la Norvège ou du Béarn, c'est répréhensible ?"






                                                                                                                                 ******

Atlantico a interrogé Francis Balle, professeur de sciences politiques à l’université Paris-II Panthéon-Assas, spécialiste des médias.

Atlantico : A l’heure de l’Internet, où le monde n’est plus qu’un village global, est-il légitime d’interdire la publication des résultats de l’élection présidentielle avant l’heure officielle de 20h ?

Francis Balle : La stupidité ne date pas d’aujourd’hui, mais d’hier. Depuis longtemps, certains VIP avaient le droit de connaître ce que le « bon peuple » , lui, ne connaissait pas. Soit parce qu’ils résidaient aux frontières et étaient capables d’acheter les journaux étrangers, qu’ils étaient invités aux déjeuners de ces mêmes journaux, ou qu’ils disposaient d’un accès à l’Internet avant sa démocratisation.

Avec la propagation de l’Internet, avec la plus grande capacité pour tout un chacun de se procurer des journaux étrangers en librairie, avec la possibilité d’écoute des radios étrangères qui ne sont pas tenues de respecter la loi française, il y a déjà bien longtemps par conséquent que cette loi est contournée. Aujourd’hui, elle n’a plus lieu d’être, puisqu’elle est ridiculisée.

Dans ces conditions, pourquoi s’entêter à faire perdurer une loi dépossédée de sa légitimité ?

Évidemment, ceux qui organisent la grande messe télévisée du 20H ont tout intérêt à ce que cette loi continue à être mise en application. Reste que les grandes chaînes disposent de plateformes Internet, si bien que personne n’arrive à saisir la raison de cet entêtement.

La situation est devenue totalement absurde. La loi est obsolète, puisque tout le monde connaît les résultats électoraux dès 18H à la sortie des urnes. Les chaînes de télévision ne font que « meubler » jusqu’au 20H, tout en prétendant ne pas connaître les résultats…

La loi considère que ce n'est pas la prise de connaissance des résultats qui est considérée comme un délit, mais leur publication...

Oui, puisqu’il s’agit de « recel d’informations » aux yeux de la loi. Cette publication des résultats de la présidentielle aura lieu quoiqu'il arrive, ne serait-ce que par le biais des réseaux sociaux.

Comment imaginer que la Justice puisse réellement avoir la capacité de réprimer et punir les contrevenants si la situation est généralisée ?

Dès lors que la loi n’est pas abrogée, on voit mal comment l’appareil d’État pourrait ne pas sanctionner ceux qui la transgressent. Reste encore une fois l’absurdité de la situation.

La France est-elle un cas à part ?

Il n’y a pas d’équivalent à cette présente loi dans les autres pays. En France, nous avons toujours eu vis-à-vis des sondages les mêmes « préventions », et donc par conséquent les mêmes inquiétudes vis-à-vis du libre arbitre des électeurs. Nous faisons exception en France, et sommes tournés en ridicule.

L’avenir le dira, mais il semble impossible de ne pas en finir avec cette loi au cours du prochain quinquennat.

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