Le témoignage de Jean-Louis V., 61 ans, généraliste qui a suivi Gabin avant sa mort consécutive à une dénutrition "extrême" le 7 juin 2013, était très attendu par la cour d'assises de la Creuse qui juge depuis lundi à Guéret Edouard Ruaud, 40 ans, et Céline Vialette, 34 ans, accusés de "privations de soins et d'aliments".
A 22 mois, Gabin pesait 5,8 kg, le poids d'un nourrisson de 3 mois.
Convoqué comme témoin, le médecin devra répondre dans quelques mois devant le tribunal correctionnel de "non-assistance à personne en péril", "fait rare" selon l'association partie civile L'Enfant Bleu.
Bouc et cheveux poivre et sel, en veste de cuir, le praticien qui a fait valoir ses 38 ans de services, a assuré à l'audience n'avoir jamais rien vu d'"alarmant" à l'examen de l'enfant, à sept reprises, en quinze mois entre janvier 2012 et avril 2013.
"Bien habillé", "d'un aspect correct" : "il n'y avait pas de signe de négligence", ni de maltraitance, poursuit-il. "A posteriori, j'aurais dû m'y pencher".
- "Vous le déshabilliez, vous preniez sa mesure et son poids ?", lui demande la présidente.
- "Pour ne pas trop le perturber, je ne le déshabillais pas complètement à chaque fois", se justifie le témoin.
- Pourquoi le carnet de santé n'était-il pas annoté systématiquement ? - Les parents "ne l'avaient pas toujours sur eux".
- "Quelqu'un vous a dit que cet enfant ne marchait pas ?", continue la présidente. Là encore, le médecin mis en difficulté concède son ignorance.
La veille, les experts avaient évoqué à la barre une "situation de négligences et de carences extrêmement sévères", comme causes de la mort. Le médecin "aurait dû l'adresser à un centre de pédiatrie", a assuré le docteur Caroline Rey-Salmon, pédiatre légiste.
"Il n'avait que la peau sur les os", assène jeudi la présidente, "ses yeux sortaient de ses cavités. Vous ne l'avez pas vu". Et il y a un autre "problème": pourquoi ne pas avoir demandé d'analyse de sang, ni s'être interrogé sur sa psychomotricité ?
- "Je conçois a posteriori que j'ai fait une grossière erreur. Je n'imaginais même pas l'état de son lieu de vie. Je n'avais pas l'impression visuelle d'un enfant dénutri en souffrance, j'ai eu tort. Croyez bien que je le regrette", déclare le médecin, admettant une "erreur d'appréciation".
"Les médecins, vous êtes les premiers à repérer la maltraitance", l'a tancé Me Yves Crespin, avocat de l'Enfant bleu.
"Je n'ai qu'une seule question", a déclaré dans sa plaidoirie en fin de journée Me Crespin. "Comment en France, au XXIe siècle, un enfant peut-il mourir de faim et de soif ?".
"Personne ne sait, les parents ne le savent pas, la famille ne sait pas. Selon elle, l'enfant mangeait bien. Le médecin ne le sait pas", s'est-il indigné. "On attend d'un médecin qu'il pèse, qu'il mesure, qu'il voit si l'enfant peut marcher, s'il a une croissance et un développement normal".
Revenant sur les parents, l'avocat, a affirmé: "Ce ne sont pas des monstres. Ce ne sont pas des cas sociaux. Ils sont insérés, ils sont entourés, ils gagnent relativement leur vie. Que s'est-il passé ces trois derniers jours ? On ne comprendra jamais". "Ils ont lâché prise", et leur fils a coulé avec eux, a-t-il estimé.
Réquisitoire et verdict sont attendus vendredi.
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