L'UMP en mal d'idées : ce que le parti pourrait importer de Londres<!-- --> | Atlantico.fr
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Quel projet pour l'UMP ?
Quel projet pour l'UMP ?
©Reuters

SOS projet

A défaut d'être capable d'en définir un, quel projet l'UMP pourrait-elle "acheter" ?

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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La droite modérée française peut-elle s'inspire de l'expérience David Cameron ? Pour tenter de répondre à cette question, il faut à la fois se remémorer le programme du parti conservateur britannique de 2010 (Invitation to join the government of Britain, the conservative manifesto 2010) mais également analyser la façon dont la coalition entre conservateurs et libéraux démocrates a mené les affaires britanniques depuis près de quatre ans maintenant.

Quel était le programme conservateur en 2010 ?

Les conservateurs de David Cameron ont fini en tête des élections britanniques de mai 2010 dans le double contexte de l’énorme choc récessif qu’a connue l’économie britannique en 2008-2009 mais également de l’usure des travaillistes au pouvoir sans interruption depuis 1997.

Le programme tory a tenté de faire la synthèse entre les valeurs conservatrices traditionnelles et une réflexion sociétale plus fondamentale via la thématique de la « Big Society » qui fait en France l’objet d’études approfondies par l’Institut de l’Entreprise. La  « Big Society » proposait des solutions innovantes aux difficultés économiques, sociales et sociétales de la Grande-Bretagne et s’éloignait d’une partie de l’héritage thatchérien : David Cameron avait ainsi rejeté en 2005 l’individualisme radical du « there is no such thing as society » de Margaret Thatcher en indiquant que la société existait même s’il s’agissait de quelque chose de différent de l’Etat.

La « Big Society » voulait ainsi dépasser l’alternative entre Big Government et Big Business, en reconnaissant et renforçant le potentiel d’un tiers secteur reflet de la société civile et des institutions intermédiaires (familles, associations, administrations locales, ONG, mutuelles, coopératives, entreprises sociales,) et affirmant vouloir donner le pouvoir au local, en quelques sorte « la Grande-Bretagne d’en bas ». La « Big Society » devait aussi permettre de soigner la « broken society », société cabossée marquée par la persistance de maux multiples : inégalités sociales, pauvreté infantile, toxicomanie et alcoolisme parmi les jeunes, grossesses précoces….

Trois principes étaient proposés pour la « Big Society » : décentralisation et subsidiarité, participation citoyenne, ouverture et partenariat devant permettre l’épanouissement du tiers secteur entre public et privé.

La « Big Society » permettait en outre d’instruire le procès en inefficacité de travaillistes ayant augmenté les dépenses publiques de 37% à 51% du PIB entre 2000 et 2009 sans que nombreux problèmes sociaux comme la pauvreté soient réellement résolus. L’« empowerment » des citoyens devrait être mise au service d’un vaste programme de réformes des services publics et de l’Etat providence dans une logique de « self-government » remettant notamment en cause la pertinence et l’utilité des échelons intermédiaires de l’Etat.

A côté de cet élément réellement nouveau, le programme incluait des éléments conservateurs plus traditionnels concernant la maîtrise des dépenses publiques ou la promotion de entrepreneuriat et des considérations liées au contexte du 2010 comme la volonté de sortir des dérives de l’économie d’endettement.

Quels sont les éléments de réalisation début 2014 ?

La commission européenne vient de sortir ses « prévisions économiques d’hiver » sur tous les pays de l’Union européenne et donc le Royaume-Uni. Sur deux critères économiques clef que sont la croissance économique (prévision de 2,5% contre 1% pour la France) et le taux de chômage (6,8% contre 11% pour la France), la performance britannique peut nous sembler très enviable, même si des déséquilibres structurels persistent, notamment les déficits jumeaux budgétaire (prévision de déficit 2014 à 5,2% du PIB) et extérieur (3,3%) significatifs et supérieurs à ceux de la France. Le Royaume-Uni a d’ailleurs perdu son AAA.

Le gouvernement Cameron a par ailleurs mené une campagne agressive de baisse des dépenses publiques passées en trois ans de 51% à 48% du PIB : baisse de la masse salariale et des effectifs publics (plusieurs centaines de milliers d’emplois supprimés, gel salarial), maîtrise des dépenses sociales (mise en place d’un plafond de prestations par ménage), transferts aux collectivités locales. Cette politique budgétaire a été accompagnée d’une politique monétaire accommodante et non conventionnelle (rachat massif de titres publics : la Banque d’Angleterre détenait 28% du stock de 1,4mds£ de dette publique fin 2013) avec au final un niveau d’inflation plus élevé que dans la zone euro (2,6% contre 0,8%) et donc un risque de déflation beaucoup plus faible.

David Cameron s’est mué en outre en ardent promoteur de l’entrepreneuriat et a baissé le taux marginal de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés. Il ne manque pas une occasion pour railler le niveau très élevé des impôts et taxes français (le fameux 75%) porteurs de projet, entreprises et banques françaises à franchir la Manche.

Si la communication gouvernementale n’utilise plus le terme « Big Society » qui a fait l’objet de critiques acerbes (l'archevêque de Canterbury Rowan Williams l’a qualifié de « verbiage destiné à cacher un retrait profondément préjudiciable de l’État de ses responsabilités envers les plus vulnérables »), les principes de cette composante centrale du projet 2010 ont trouvé plusieurs traductions concrètes. Cela a notamment été le cas dans le cadre de la réforme du système de santé (le National Health Service) avec responsabilisation des médecins traitants dans l’allocation des ressources et réduction drastique des strates intermédiaires.

Une autre grande initiative a été l’introduction dans le secteur de l’éducation des « free schools » : des groupes de parents d’élèves ou d’enseignants peuvent candidater auprès de l’Etat pour établir une école dotée d’une forte autonomie (programmes, pédagogie, recrutement du personnel enseignant et salaires) et recevoir des financements comparable aux autres établissements. 130.000 places relèvent désormais de ce système. Les conservateurs ont également fortement appuyé un développement encore plus puissant des « academies », écoles publiques instituées par les travaillistes, écoles basées sur une très forte autonomie octroyée au chef d’établissement et la possibilité de recours à des sponsors privés ou associatifs. Au total près de 2 millions de place d’écoles sont concernés par la révolution éducative britannique.

En quoi cela est-il compatible (idéologiquement et techniquement) avec la droite française ?

Rappelons-nous d’abord la considérable influence libérale et thatchérienne sur le programme de la droite de 1986 aboutissant à la première cohabitation. On n’a jamais revu une telle coloration libérale dans les programmes français depuis. Mais aujourd’hui, que pourrait reprendre la droite française d’un tel programme et de telles réalisations. Peut-elle donc s’inspirer aujourd’hui de l’expérience Cameron ?

Regardons notamment la « Big Society », un projet de réforme radicale de l’articulation entre Etat et société. D’un côté ce projet percute du côté français de la Manche le poids symbolique de l’Etat lié à son rôle historique d’élément fédérateur de la communauté nationale et la faiblesse d’une société civile elle-même structurée par sa relation avec l’Etat.

De l’autre elle interpelle l’organisation verticale et statutaire de la société française et peut en outre constituer une référence très utile pour la redéfinition et la réorganisation des services publics soumis à une double contrainte : gérer la contrainte durable sur les moyens financiers des services publics mais aussi associer davantage la société, ses exigences et son autonomie dans ses modes de fonctionnement. Cela reviendrait à un élargissement significatif du concept d’économie sociale et solidaire.

A ce titre, la révolution éducative britannique ne peut qu’interpeller un pays qui chute en la matière dans les classements internationaux depuis plusieurs années et vient de se voir attribuer une performance particulièrement médiocre en matière d’inégalité scolaire par le baromètre PISA de l’OCDE. Cette importante transformation nous interpelle par son acceptation de principe d’une multiplicité de modèles scolaires.

En revanche et en ce qui concerne la politique économique, le fait d’être ou de ne pas être dans la zone euro induit une différence structurante entre les deux pays et les modalités de leur redressement.

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