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Le diagnostic, 9 fois sur 10, repose sur ce que dit le patient. Si on ne l’écoute pas…
Le diagnostic, 9 fois sur 10, repose sur ce que dit le patient. Si on ne l’écoute pas…
©Reuters

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"Ce médecin est froid et dur, mais il est compétent." Une phrase qui ne servirait qu'à nous rassurer...

Martin Winckler

Martin Winckler

Martin Winckler (Marc Zaffran) a été médecin généraliste en France, à la campagne et en service de planification hospitalier de 1983 à 2008. Il est l'auteur de romans et d'essais, en particulier La maladie de Sachs, Le Choeur des femmes et Nous sommes tous des patients Son site : www.martinwinckler.com

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Atlantico : Le milieu médical et hospitalier est perçu comme solidaire. Médecins, infirmiers, internes, etc. sont de toute façon "obligés" de s'entendre... sauf quand certains médecins se montrent sévères voire irrespectueux envers les autres. Cela a-t-il une influence sur la guérison des malades ? Les médecins désagréables sont-ils moins efficaces ?

Martin Winckler : Le milieu hospitalier n’est pas homogène. Il est le siège de beaucoup de conflits, qui sont passés sous silence par intérêt ou par peur d’être licencié(e). Il est très difficile de critiquer une institution de l’intérieur sans être mis à part ou viré. La prédominance des médecins interdit aux infirmières, aux sages-femmes, aux médecins en formation de critiquer ce que font les praticiens hospitaliers. Or, sans critique exprimable, aucune amélioration n’est possible. Et ça n’est pas propice au soin. Personnellement je pense que l’on ne peut pas être compétent si on est psychologiquement inapte. La bonne communication ne remplace pas la compétence technique, mais les deux sont indispensables. Dire : « ce médecin est froid et dur, mais compétent » c’est seulement une manière de se rassurer. S’il n’entend pas ce que vous dites, s’il ne répond pas à vos inquiétudes, s’il ne vous parle pas, comment peut-il être compétent ? La première obligation d’un soignant, c’est le respect pour l’autre. Où est le respect, dans le silence ?

Cela influe-t-il sur le capacité à diagnostiquer ?

Bien sûr. Le diagnostic, 9 fois sur 10, repose sur ce que dit le patient. Si on ne l’écoute pas…

Comment expliquer cette attitude d'une profession dont on pourrait considérer que la mission est de prendre soin des autres ?

Très simplement : la formation des médecins est encore conçue comme la formation d’une « élite ». Implicitement, cette « élite » vaut mieux que les gens dont elle s’occupe. Et certains de ses membres considèrent que ça les autorise à se comporter comme ils veulent. Le fait de devenir médecin ne rend pas moralement irréprochable. Pour avoir une attitude morale, il faut y travailler ; il ne faut pas faire passer ses désirs, ses préférences, ses valeurs, avant celles des autres. Or, tant qu’ils se prennent pour les membres d’une élite, les médecins se sente autorisés à le faire.

La formation des médecins est-elle trop axée sur la technique et pas assez sur le rapport humain en France ? Qu'en est-il dans d'autres pays ?

Ce n’est pas spécifique à la France, c’est vrai dans tous les pays industrialisés, en raison du caractère commercial de la santé. La technologie est une exploitation commerciale exagérée, exponentielle, de techniques scientifiques censées aider la pratique médicale, et non s’y substituer. A l’hôpital, on est très sensible aux sirènes de l’industrie, on achète et on utilise beaucoup de machines, et on finit par subordonner la formation des médecins à l’utilisation des machines. Inévitablement, ça éloigne les médecins des patients. Si j’imagine qu’une machine me donnera le diagnostic plus facilement et de manière plus fiable que le dialogue et l’examen clinique, alors je regarderai l’écran, pas le patient.

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