Réforme des finances du Vatican : le pape François s'attaque aux choses sérieuses<!-- --> | Atlantico.fr
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Le pape François a créé ce lundi un secrétariat de l'Economie pour superviser la gestion du Vatican
Le pape François a créé ce lundi un secrétariat de l'Economie pour superviser la gestion du Vatican
©Reuters

De l'avant

Le pape François a créé ce lundi un secrétariat de l'Economie pour superviser la gestion du Vatican, sa première décision d'ampleur dans le cadre de sa grande réforme de la Curie.

Nicolas Diat

Nicolas Diat

Nicolas Diat est considéré comme un des meilleurs spécialistes du Vatican. 
 
"Un temps pour mourir" de Nicolas Diat
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Atlantico : Le Vatican annonce la création d’"un nouveau Secrétariat à l'économie qui aura autorité sur toutes les activités économiques et administratives à l'intérieur du Saint-Siège et de l’État de la Cité du Vatican", précisant qu'il sera chargé de la préparation du budget et de la planification financière. Le Vatican péchait-il particulièrement sur ce point ? Doit-on s’attendre à de profondes réformes du fonctionnement de la Curie romaine ? Peut-on parler d'une révolution pour le Saint-Siège ? 

Nicolas Diat : Oui, vu de France, l’information semble anecdotique mais il s’agit d’une petite révolution. Tout d’abord, nous devons comprendre que la création de ce nouveau Secrétariat est pour François l’aboutissement d’un long et patient travail. Le pape crée une forme de super ministère de l’économie, des finances et du travail, qui aura compétence sur l’ensemble des secteurs concernés au Saint-Siège et au Vatican. La chose semble invraisemblable mais l’Etat du pape ne disposait pas à ce jour d’un organisme unifié pour traiter les problèmes économiques. Au contraire, les responsabilités étaient dispersées entre divers organismes, ce qui avaient bien sûr une certaine tendance à générer de multiples circuits parallèles, dans lesquels un petit nombre parvenait à se retrouver, et donc à permettre des opérations peu recommandables, sans jamais traiter les vrais problèmes. Je citerais un exemple particulièrement parlant : le Vatican ne sait comment il pourvoira dans dix ans au règlement des nombreuses pensions de retraites des laïcs qui ont travaillé à son service. Effectivement, avec ce nouveau Secrétariat pour l’économie, le pape disposera d’un appareil unique pour préparer un budget annuel, assurer une planification financière, et pourvoir à l’établissement d’un bilan financier détaillé du Saint-Siège. Depuis les premières semaines de son pontificat, François a compris qu’il était impossible de laisser la matière financière dans un tel état d’opacité. Contrairement à l’opinion assez répandue, Benoît XVI lui a ouvert la voie, mais il est peu de dire que la volonté du pape argentin, reste d’une force assez redoutable. Jamais les vieux barons qui tournaient depuis tant d’années autour des cercles financiers du Vatican n’auraient pu imaginer une telle volonté de réforme de la part d’un pape ! François ferme peu à peu la page d’intrigues parfois gravissimes et il sait lui-même qu’il est engagé dans un processus irréversible. Même Jean-Paul II n’avait su gérer une telle machinerie...

Le préfet de cette nouvelle institution sera le cardinal George Pell, archevêque de Sydney, qui fait partie du G8. Il devrait prendre ses fonctions au plus tôt. Qui est-il ? Quel est son profil ?  

La nomination du cardinal australien George Pell est riche de significations ! L’archevêque de Sidney est un insubmersible qui n’a pas peur. Il n’appartient à aucune coterie romaine, et il y a peu de risque qu’il se prête aux jeux de tels ou tels intérêts particuliers. A coup sûr, il va couper les multiples branches mortes avec le seul souci de l’efficacité et du bien commun de l’Eglise. Il y a quelques années, Benoît XVI avait pensé à lui pour prendre la tête de la puissante congrégation pour les évêques. Mais une cabale de différents prélats avaient fait échouer le projet et l’ancien pape avait été peiné. Aujourd’hui, François a une grande confiance dans cet ancien joueur de basket, à la carrure d’athlète malgré ses 72 ans, dont il a pu mesurer la droiture au sein de son propre conseil des cardinaux, le fameux G8. Comme le pape, le nouveau ministre de l’économie est un homme farouchement indépendant. Plus encore, la nomination de Pell est lourde de sens pour les italiens... Voilà bien longtemps que ces derniers n’avaient plus posséder la haute main sur les finances vaticanes ! La nomination du cardinal océanien est le symbole le plus éclatant de la désitalianisation de la curie romaine.

Ce Secrétariat aura autorité sur toutes les activités économiques et administratives à l'intérieur du Saint-Siège et de l'Etat de la Cité du Vatican. De quoi faire oublier les nombreux scandales autour de l’obscure administration du Vatican ?

Il ne faut ni noircir le tableau, ni faire preuve de naïveté. Il y a bientôt deux ans, le renvoi, en pleine affaire Vatileaks, du président d’alors de la banque du Vatican, Ettore Gotti Tedeschi, ancien banquier du groupe Santander, homme compétent et honnête, par la seule volonté du cardinal Bertone, montrait bien que la machine vaticane ne fonctionnait plus. Comme je l’explique dans mon livre, Benoît XVI n’avait pas même été tenu au courant de cette décision si brutale ! Ettore Gotti Tedeschi voulait déjà engager un travail de réforme et de transparence au sein de la banque du Pape. Aujourd’hui, la nomination du cardinal Pell est une forme de revanche.   

Que penser des nominations annoncées ce week-end ?

Il y a trois leçons à retirer de ce premier consistoire du pape François. Tout d’abord, la présence de Benoît XVI, au premier rang de la cérémonie de création des nouveaux cardinaux, le samedi 22, a bien montré à quel point la cohésion reste totale entre le pape régnant, et le pape émérite. Joseph Ratzinger soutient autant qu’il le peut le travail inouïe engagé par François. Il en sait toutes les difficultés et les chausse-trappes. Ensuite, lors de son homélie de la messe de dimanche, François a signifié avec une grande vigueur aux nouveaux cardinaux, mais le message était bien destiné à tous, qu’ils n’entraient pas dans une cour, avec des avantages, des richesses et des droits acquis... Il y a bien longtemps qu’un pontife ne s’était pas adressé avec une fermeté si lapidaire à l’ensemble de ses cardinaux. Mais François connait la nécessité de telles interventions... Enfin, ce consistoire était presque historique car il signait la fin d’une époque pour l’Eglise européenne. Pour la première fois, si l’élection du pape avait lieu demain, les cardinaux issus de la vieille Europe n’auraient plus la majorité. Les origines géographiques ne font pas l’élection des successeurs de Pierre, mais ce retournement géographique est vraiment significatif de la profonde transformation du catholicisme. L’avenir de l’Eglise est au sud, le pape vient du bout du monde... Et cet homme dont les grands-parents avaient quitté l’Italie pour faire fortune loin de leurs patrie tient ferme maintenant la barre de l’Eglise romaine...  

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