Sarkozy, Juppé, Fillon, Copé… : qui a le plus d'idées pour l'UMP ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Si Nicolas Sarkozy revient, il devra renouveler "son stock d'idées", selon Alain Juppé.
Si Nicolas Sarkozy revient, il devra renouveler "son stock d'idées", selon Alain Juppé.
©Reuters

Tête pensante

Pour Alain Juppé dans les Inrockuptibles, si Nicolas Sarkozy revient, il devra renouveler "son stock d'idées". L'ancien Premier ministre ouvre ainsi un nouveau front à l'UMP.

Atlantico : Dans un entretien accordé aux Inrockuptibles, Alain Juppé a évoqué l'hypothèse d'un retour de Nicolas Sarkozy en politique, non sans attaquer l'ancien chef de l'État. "Si c'est lui qui devient le champion de l'UMP, il faudra qu'il renouvelle son stock d'idées", a ainsi commenté l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, ouvrant ainsi un nouveau front au sein de l'UMP. Après les oppositions Fillon – Copé et Copé – Sarkozy, voici l'opposition Juppé – Sarkozy. Mais, en prenant au mot Alain Juppé, lequel des quatre a réellement le plus d'idées pour l'UMP ?

Thomas Guénolé : De très loin, Nicolas Sarkozy est le personnage politique ayant le plus profondément renouvelé le projet politique de la droite, de 2002 à 2007 pour l'essentiel. D'une part, il a été le premier sous la Ve République à incarner simultanément les quatre droites contemporaines : libérale, gaulliste, morale, sécuritaire. D'autre part, il est allé jusqu'à incorporer dans le projet de la droite des idées majoritairement rejetées par son propre camp : la discrimination positive et le financement public des mosquées, par exemple.

Vient ensuite François Fillon,  qui, dans son livre La France peut supporter la vérité, a déroulé un programme de gouvernement quasiment complet, mais assez peu innovant. En substance, il reprenait la ligne néogaulliste de Philippe Séguin, ainsi que l'obsession hayekienne d'un Raymond Barre pour l'équilibre comptable des finances publiques. Alain Juppé, à ma connaissance, n'a apporté aucune idée neuve à la droite depuis plus de quinze ans. Quant à Jean-François Copé, bien qu'il ait écrit plusieurs livres, ces derniers sont très pauvres en contenu programmatique : ils relèvent plus d'éditoriaux, ou de journaux de bord de sa vie politique.

Benoît de Valicourt :  Tout le monde évoque l'hypothèse d'un retour de Nicolas Sarkozy, comme si nous attendions le Messie, mais je crois qu'il ne faut pas se tromper, le retour de Nicolas Sarkozy n'en est pas réellement un puisqu'il n'est jamais vraiment parti, en tout cas pas comme l'avait fait Lionel Jospin lors de sa cuisante défaite de 2002. J'ai moi-même pu constater cet hypothétique retour du Président Sarkozy à travers la lettre que m'a adressé son directeur de cabinet, Michel Gaudin, quelques jours avant sa mise en examen, dans laquelle il me dit " ... Cependant aujourd'hui il a souhaité une période de retrait de la vie politique nationale" ; c'était il y  a 3 mois.

Aujourd'hui rien a changé, Nicolas Sarkozy est toujours en retrait de la vie politique nationale mais il occupe le devant de la scène people, chemise largement ouverte sur sa chaîne en or ! Et c'est peut être là le début des idées du nouveau Nicolas Sarkozy, plus poujadiste que buissoniste, c'est à dire plus en communion avec les idées de millions de Français qui veulent vivre du fruit de leur travail, dépenser leur argent comme bon leur semble plutôt que d'être bercés par les théories néo-conservatrices d'intellectuels qui ont le temps de réfléchir à quoi devrait ressembler la France si le Buisson ardent révélait le Messie. Ni Copé, ni Fillon n'ont des idées et c'est bien là le problème car il ne peut y avoir de compétition. Quant à Alain Juppé, il est certes comme un bon vin, mais il n'a pas apporté d'idées novatrices qui permettent d'imaginer la France dans 20 ans.

Qu'est-ce qui, d'un point de vue idéologique, différencie réellement ces quatre hommes forts de l'UMP ?

Thomas Guénolé : Nicolas Sarkozy vient de la droite libérale, a su incarner les quatre droites en 2007, et s'est progressivement enfermé dans la droite sécuritaire jusqu'à sa campagne de 2012 sur la ligne Buisson. François Fillon vient de la droite gaulliste, lui a ajouté une droite libérale hayekienne quand il était Premier ministre, et depuis 2012 il essaie de parler des langues qui lui sont étrangères : celles de la droite morale et de la droite sécuritaire. Alain Juppé vient de la droite gaulliste, mais il y a belle lurette qu'exception faite de la politique diplomatique et militaire, ses positions sont de droite libérale. Quant à Jean-François Copé, il vient de la droite libérale, mais depuis 2012 et la campagne pour la présidence de l'UMP il a migré vers la droite sécuritaire.

Benoît de Valicourt : Ils ont un corpus idéologique commun basé sur le libéralisme économique et la nécessaire indépendance du citoyen pour conduire sa vie. Mais cela s'arrête là car les quatre hommes ont une approche des valeurs de droite oscillant entre droite valoisienne pour ne pas dire radicale et droite traditionnelle. Ces quatre hommes ont une approche différente de gérer l'adhésion des 35% de Français aux idées de Marine Le Pen. François Fillon et Alain Juppé sont génétiquement opposés à tout rapprochement dans une tradition élitiste qui veut que la politique de droite soit réservée aux compagnons du gaullisme. Pour Jean-François Copé, il ne faut pas faire rentrer le loup dans la bergerie ! Il serait obligé de remettre les clefs de la rue de Vaugirard à Marine Le Pen sans avoir eu le temps de mettre au broyeur sa note sur la théorie du genre ! Quant à Nicolas Sarkozy, le pragmatisme semble l'emporter, sans ces 35% pas de retour possible ....

Les commentateurs évoquent souvent une crise de l'autorité au sein de l'UMP. Mais le principal parti d'opposition ne souffre-t-il pas, également, d'une crise idéologique ? Si oui, quelle est son origine ? Comment la résoudre ?

Thomas Guénolé : Il y a incontestablement une crise d'autorité à l'UMP. A cela deux coupables : Nicolas Sarkozy, et Jean-François Copé. Nicolas Sarkozy, parce qu'il se refuse à reprendre la tête de l'UMP mais empêche systématiquement tout chef d'émerger à sa place à sa tête, ce qui en fait le pompier pyromane de son parti. Jean-François Copé, parce que comme le lui a rappelé Franz-Olivier Giesbert, il ne peut avoir aucune autorité à la tête de l'UMP dès lors qu'à tort ou à raison, il personnifie pour son propre camp la victoire en trichant. Dans ces circonstances, l'on peut se demander s'il ne serait pas préférable que Jean-François Copé rende service à son parti en démissionnant de sa présidence. Dans ce cas, pour que les institutions de la droite concordent avec le leadership de fait de la droite, il faudrait que Nicolas Sarkozy redevienne président de l'UMP.

Benoît de Valicourt : Oui la crise d'autorité existe depuis l'élection de Monsieur Copé mais ce n'est pas le plus grave. Le parti est surtout verrouillé de l'intérieur, il tourne en vase clos, incapable de s'oxygéner, de se régénérer. Il se veut populaire mais n'en a que le nom même si parfois il laisse Nadine Morano parler au peuple. L'UMP n'a pas su s'adapter au piège tendu par les socialistes, elle n'a pas su anticiper la progression du FN parce qu'elle a eu peur de l'influence des bien-pensants de gauche qui on su en 30 ans redéfinir le sens des mots et conditionner une génération. Pour résoudre cette crise, il n'y a qu'une seule solution : régénérer l'appareil mais pas avec des Geoffroy Didier ou des Jérôme Lavrilleux qui sont l'exemple type des cadres inféodés. Il faut des hommes et des femmes libres, capables de s'opposer à leurs aînés parce que la société évolue et que nous ne devons pas devenir des néo-conservateurs mais des conservateurs modernes en phase avec notre époque.

Le salut de l'UMP, notamment dans la perspective de 2017, ne passe-t-il pas par d'autres personnalités, plus jeunes, comme Bruno Le Maire, Nathalie Kosciusko-Morizet ou Benoit Apparu par exemple ?

Thomas Guénolé : Si l'un d'entre eux était une relève naturelle pour le leadership de l'UMP, il se serait déjà imposé pour prendre la suite de ses aînés. Dans les années 2000, Nicolas Sarkozy, lui, n'avait attendu la permission de personne.

Benoît de Valicourt : Je ne sais pas si les personnes ci-dessus sont réellement libres même si je crois que Monsieur Apparu a montré un certain courage au moment des débats sur le mariage pour tous. Mais les dinosaures du parti sont-ils prêts à se retirer sagement, demandez à Madame Alliot-Marie ?

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