Panthéonisation : les choix de François Hollande entre symbolique et stratégie de com’<!-- --> | Atlantico.fr
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Quatre nouvelles personnes vont faire leur entrée au Panthéon.
Quatre nouvelles personnes vont faire leur entrée au Panthéon.
©Reuters

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Vendredi, au mont Valérien, François Hollande a annoncé le transfert au Panthéon, en mai 2015, des cendres de Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay. Un choix ô combien symbolique pour lui

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Vendredi, au mont Valérien, François Hollande a annoncé le transfert au Panthéon, en mai 2015, des cendres de Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay. Quel message politique faut-il voir dans la panthéonisation de ces quatre grandes figures de la seconde guerre mondiale ?

Jean Garrigues : Il y a d'abord une sorte de tradition qui veut que le président marque un peu sa trace dans l'histoire par l'intermédiaire des choix de panthéonisation. Il y a toujours une intention derrière le choix qui est fait. Ce n'est ainsi pas un hasard si le général de Gaulle avait choisi Jean Moulin. Pour ce qui est de François Hollande, il y a une volonté de saluer la résistance en période de crise. En plus, trois d'entre eux, Germaine Tillion, Pierre Brossolette et Jean Zay, étaient des personnalités de gauche. Pierre Brossolette était un socialiste, Jean Zay un radical ministre du Front populaire et Germaine Tillion était une sympathisante de gauche. C'est donc un message de résistance face à une conjoncture difficile. Telle est l'idée fondamentale : au fond, François Hollande est celui qui résiste à la crise comme ont résisté à l'oppression allemande ces personnalités.

Il y a, qui plus est, deux dimensions importantes. La première est la parité. Le fait d'avoir choisi deux femmes et deux hommes s'inscrit dans la continuité de la politique menée actuellement en faveur de l'égalité des sexes. La deuxième est le fait d'avoir choisi Jean Zay qui est l'homme de la grande réforme éducative du Front populaire, d'une sorte de démocratisation de la culture, ce qui là-aussi est l'un des axes de la politique menée par François Hollande.

En quoi le choix de François Hollande diffère-t-il de ceux des présidents précédents ?

Il y a chez François Hollande l'idée que l'on peut être déporté à Ravensbrück comme ce fut le cas pour Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, on peut avoir été fait prisonnier et choisir le sacrifice plutôt que l'abdication. C'est donc vraiment l'idée de résistance face à la crise qui est mise en avant. Nicolas Sarkozy, lui, avait choisi Aimé Césaire. Derrière, il y avait l'idée de reconnaissance de la diversité, du rassemblement trans-courants puisque Césaire était un homme de gauche.

Mais le message n'est pas toujours aussi appuyé qu'avec François Hollande. Lorsque François Mitterrand a fait entrer au Panthéon Pierre et Marie Curie, il y avait une volonté d'égalité. Jacques Chirac a fait entrer André Malraux pour affirmer son héritage gaulliste et Alexandre Dumas. Ce sont des choix moins politiques ou politisés que ne l'est celui de François Hollande. Même avec Malraux, il y avait beaucoup moins de volonté de coller à la contemporanéité des personnalités choisies. Le choix d'Alexandre Dumas le prouve puisqu'il n'avait aucun lien direct avec la politique de Jacques Chirac.  En général, le message est plus généalogique, plus ancré dans l'histoire et moins référé à l'actualité.

Pour le grand public, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay ne sont pas forcément très connues. De ce point de vue, le choix de François Hollande n'est-il pas surprenant ?

Il est vrai que ces personnalités ne sont pas connues du grand public. Depuis plusieurs années, il y a l'idée que l'on n'a pas assez rendu aux femmes résistantes. De la même manière, Jean Zay est une personnalité importante qui méritait d'être saluée, un ministre du Front populaire, un grand humaniste et un grand patriote. On a l'impression d'un choix issu en grande partie d'un débat intellectuel. On peut donc mettre au crédit de François Hollande que son choix n'est pas démagogique. Il n'est pas allé dans le sens de la Vox Populi. Il aurait pu choisir des personnalités plus "basiques" comme Léon Blum par exemple. D'autres noms courraient comme Simone de Beauvoir, des femmes emblématiques.

Il était quasiment sûr que l'on allait vers un choix paritaire mais choisir Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz plutôt que Simone de Beauvoir, c'est indiquer clairement que l'on veut saluer la résistance. Dans le même ordre d'idée, certains avait émis l'hypothèse de Pierre Mendès-France mais ce choix aurait conduit à une réflexion sur la gauche plutôt que sur la résistance. On choisit des hommes et des femmes de gauche - hormis Geneviève de Gaulle-Anthonioz - mais qui sont tous associés à cette période

Propos recueillis par Sylvain Chazot

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