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Bercy nous raconte des histoires, les exilés fiscaux qui reviennent ne sont pas les bons
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Le gouvernement et Bercy en particulier n’arrêtent pas de claironner le retour de Suisse des exilés fiscaux. Les chiffres avancés sont certainement les bons mais ce retour n’empêche pas les nouveaux de partir se mettre à l’abri de la surfiscalisé française. Selon les avocats spécialisés, on traiterait depuis le début de l’année dernière une centaine de gros dossiers par semaine. Ça représente des sommes dix fois plus élevées que celles qui sont censées revenir.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Bercy se glorifie d’un phénomène qui n’était pas inquiétant et se tait sur les départs qui, eux,  sont de vrais marqueurs d’inquiétude. Selon les services du ministère du budget, (Bernard Cazeneuve), les demandes de régularisations selon des modalités applicables depuis juin sont un vrai succès. L’administration fiscale aurait vu revenir 15 813 contribuables ayant un compte non déclaré à l’étranger. Ces retours auraient déjà rapporté 230 millions d’euros, tous les dossiers en cours d’instruction représentent  2,4 milliards d’avoirs.  Sur 2014, le budget a programmé un retour d’impôt de 1 milliards d’euros. Et bien évidemment le succès de cette opération est lié à l’effort de l’État qui a ramené à 15% le taux de pénalité fiscale pour les fraudeurs passifs et à 30% pour les fraudeurs actifs. Donc ce n’est pas une amnistie, mais ça lui ressemble. 

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Quand on le regarde à la loupe, ce bilan est décourageant. Désolant même.

  1. Le retour des capitaux placés illégalement à l’étranger est dû à cette pseudo amnistie fiscale  mais au fait aussi que les banques suisses se sont engagées à être transparentes. Donc elles ont prévenu leurs clients qu'ils étaient priés de déménager leurs petits trésors. Et où aller ? Toutes les destinations proposées sont lointaines et peu sûres.
  2. Bercy joue habilement sur la confusion entre les contribuables exilés illégalement (plus de 15 000) et qui se sont renseignés, et ceux qui ont véritablement entamé une procédure d’arbitrage (2 631 dossiers) et enfin ceux qui ont été traités et qui ont donc payé leur amende, (241 dossiers). Entre ceux qui pensent à rentrer et ceux qui acceptent de rentrer, il y a une marge importante.
  3. Ceux qui rentrent, vraiment ne sont pas super riches. Les dossiers déposés aujourd’hui portent sur des sommes inférieures à 100 000 euros. De qui se moque-t-on ?  100 000 euros, de quoi acheter un parking à Paris. Pas plus. A qui appartiennent donc « ces énormes fortunes » ? Principalement à des français qui habitent la France et qui ont hérités d’un compte  sur lequel des parents ou des relations leur avait laissé une queue d’héritage. Il est évident que ces héritiers ont sauté sur l’occasion offerte pour rapatrier cet argent sans pénalité. Pour rendre légal, pour blanchir en quelque sorte de l’argent qui au départ n’était sans doute pas très propre. Des avoirs qui ne l’étaient pas, à cause de leurs ancêtres peu scrupuleux. Les grosses fortunes elles ne rentrent pas.

Mais, au-delà cette fraude des grosses fortunes placées illégalement en Suisse et qui peuvent aller  aussi bien au Qatar ou à Dubaï, ce dont on ne parle pas, c’est l’existence d’un exil totalement légal qui s’est accéléré depuis un an.

Les grosses fortunes qui demandent un déménagement à Genève, Bruxelles ou au Luxembourg sont de plus en plus nombreuses. Bercy ne donne pas ces chiffres. Les contribuables fuient les droits de succession et l’ISF. On trouve les patrons qui vendent leur entreprise pour partir en retraite, on trouve les héritiers de grands groupes qui n’ont pas le bénéfice de l’exonération, on a aussi les patrons de fonds d’investissements. Tous ceux qui ont investi leur fortune dans des start-up mais qui ne les gèrent pas, tous les propriétaires d’hyper-marché qui lâchent prise. Sans parler, et c’est d’actualité, des Peugeot qui, maintenant qu’ils sont évincés de l’entreprise vont évidemment aller se cacher pour éviter l’ISF… et rejoindre leurs cousins de l’autre coté de la frontière  suisse.

Toute cette évasion commence à être intéressante à partir de 10 millions d’euros de fortune. C’est  le prix d’un immeuble à Paris ou d’un très gros commerce, ou même d’une PME.  Ils sont entre 5 000 et 10 000 a être dans ce cas, des porteurs d’avoir pour des montants de 5 à 10 milliards d’euros. Ils ont en toute légalité, avec Bercy négocié leur exil.  Pour information, 10 millions d’euros de fortune,  c’est minimum 150 000 euros d’ISF. Pas négligeable par les temps qui courent.

Mais ce n’est pas tout : il y a enfin les fourmis qui veulent éviter l’impôt sur le revenu, et…  les frais de chauffage. La classe moyenne française qui n’a pas d’autre fortune qu'une résidence secondaire et une retraite confortable (entre 5000 et 10 000 euros par mois,) cette classe moyenne française s’en va aujourd hui résider en toute légalité dans des paradis fiscaux spécialement aménagés pour eux. Dans le tiercé gagnant des destinations préférées des retraites françaises :

- Le  Portugal qui sort de la crise grâce à cet afflux de capitaux. Depuis un an, le Portugal aurait gagné 2 milliards d’euros.

- Le Maroc, mais ce n’est pas nouveau.

- La Floride et l’Île Maurice ... mais c’est un peu loin. Les retraités français qui sont aisés pour échapper au fisc,  ont aussi de petits enfants qu'ils veulent voir assez souvent. Ces destinations attirent les plus riches de la classe moyenne.

Ceci étant, tous ces pays ont des avantages identiques. Ils sont baignés par le soleil, avec un immobilier chic et pas cher à cause de la crise qui a écrasé les prix. Et des services pas chers. Un couple de fonctionnaires en retraite qui a du mal à finir le mois à Paris vivra comme un nabab  à Lisbonne ou à Agadir.

Cet exil là est parfaitement  légal. Bercy ne pourra pas s’y opposer. Donc il ne s’en vente pas. Il préfère se réjouir de retrouver tous ceux qui ont eu « la malchance » d’avoir un ancêtre un peu voyou qui avait planqué de l’argent en Suisse et qui cherche à le récupérer aujourd’hui. Alors plutôt que de le ramener en cash en petite quantité quand ils rentrent  des sports d’hiver, ces héritiers  préfèrent payer la taxe et tout retrouver. La taxe coûte moins cher que le TGV. Mais de là à dire qu’ils marquent le retour de la confiance dans les vertus du modèle français, faut pas exagérer. 

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