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"Enfants de la Creuse" : quelle efficacité thérapeutique la résolution mémorielle peut-elle avoir ?
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Déracinés

50 ans après les faits, les députés viennent de reconnaître la responsabilité de l’Etat dans l’affaire dite des "Réunionnais de la Creuse". En cause, la migration forcée entre 1963 et 1982 par l’Etat de plus de 1 600 enfants réunionnais vers la métropole pour combler l’exode rural.

Gérard Lopez

Gérard Lopez

Psychiatre et président fondateur de l'association de l'Institut de Victimologie.

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Atlantico : Les députés votent ce mardi une résolution mémorielle sur les milliers d'enfants réunionnais déportés entre 1963 et 1982 sur ordre de l'Etat, dans le but de repeupler des départements ruraux. Quels sont les conséquences  pour ces enfants devenus adultes de cette reconnaissance collective de leur souffrance et de leur traumatisme ? Quels sont les impacts chez l'enfant d'un tel déracinement, d'une telle perte d'identité ?

Gérard Lopez : L’identité se forge dans un processus d’attachement précoce « sécure » à une personne, généralement la mère. Lorsque l’attachement, plus que l’amour... permet à l’enfant de vivre dans un climat de sécurité, il possède un fort potentiel identitaire et narcissique (l’estime de soi) qui lui permet d’affronter l’existence avec sérénité. On imagine, à la lumière de ces explications, que le déracinement peut avoir de redoutables conséquences.

La reconstruction peut-elle débuter une fois la part d'histoire éludée, dévoilée au grand jour ?

La reconstruction débute dès qu’un substitut parental permet de recréer un lien d’attachement dit sécure, bien avant que l’histoire soit éludée comme vous le dites, et fort heureusement, et le plus précocement possible. Le meilleur facteur de résilience dans les situations traumatiques, c’est le lien social, et à tout âge.

Ce début de reconnaissance intervient 20 à 40 ans après les faits, n'est-ce pas trop tard pour les victimes ?

Non, ce n’est pas trop tard. D’ailleurs, notre civilisation occidentale attache probablement trop d’importance aux liens familiaux, comme si la parenté biologique était indépassable. Ce n’est pas le cas. Chez les Romains, plus que les liens du sang, c’était le processus de reconnaissance qui fondait l’identité et pour cause : « Mater certissima, pater semper incertus... ». Mieux, une femme Yoruba ménopausée peut devenir le père d’un enfant aux yeux de tous, y compris de l’enfant qui porte son nom. Mais dans un contexte culturel où un accouchement sous X n’est plus anonyme, la reconnaissance de l’Etat français n’est pas sans importance.

Quelle est l'importance de cette vérité révélée dans la transmission de leur histoire pour les victimes et leurs familles ?

La clinique nous enseigne que les secrets de famille sont destructeurs, pour ces enfants scandaleusement déracinés, mais aussi pour les enfants adoptés.

Pierre Lassus, dans son excellent « Bienfaits et méfaits de la parentalité » (Dunod, 2013), nous explique qu’il faudrait bannir l’expression « avoir un enfant » au profit « d’être parent ». Bien au-delà des liens du sang, ce sont les liens d’attachement qui permettent de se construire ou de se reconstruire. Si cela est compris, pourquoi cacher la vérité sur son origine à un enfant qui pourra très mal vivre d’avoir vécu dans le secret d’une origine incertaine ?

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