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Mémoire de paparazzi : "comment j'ai réussi à photographier François Mitterrand avec sa fille cachée Mazarine"
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Bonnes feuilles

Cet homme aime voler des moments intimes. Il aime fabriquer des scandales. Chez lui, c'est une passion professionnelle et incontrôlée. De Mitterrand à Orson Welles, de Brando (Marlon) à Sarkozy, de Benoit XVI à Georges Bush (père et fils), Pascal Rostain raconte sa vie de paparazzi. Extrait de "Voyeur - Mémoires indiscrets du roi des paparazzi", éditions Grasset (1/2).

Pascal Rostain

Pascal Rostain

Pascal Rostain est une Star des paparazzi. Il "planque" pour Paris-Match depuis une vingtaine d'années. Il a "shooté" tous les grands de ce monde et ses photos (résolument indiscrètes) ont fait le tour de la planète.

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Un des plus gros scoops de l’histoire de Match sera, comme souvent, le fruit d’un coup de bol hallucinant. Sébastien Valiela et Pierre Suu, deux photographes salariés de l’agence que Bruno et moi avons créée, sont en planque devant le domicile d’Isabelle Adjani. Ils ont copiné avec la vendeuse d’un bouclard voisin, ils la font marrer, ils lui apportent des cafés et lui racontent des histoires de cul de stars françaises et internationales, le sésame qui amuse les plus récalcitrants. La vendeuse, voulant à son tour contribuer aux bavardages, leur explique un beau jour que sa gamine fréquente la même classe qu’une certaine Mazarine, qui prétend être la fille de Mitterrand. Aussitôt, nous demandons à nos deux potes de lâcher Adjani et de s’intéresser aux sorties d’écoles. Grâce aux infos de la fille de la vendeuse, ils commencent à faire de très belles photos de Zarine, sosie de son père. L’affaire ne sera toutefois complète que lorsque nous obtiendrons l’image de la gamine avec son Zident de papa.

La lycéenne et sa mère habitent rue Jacob, au-dessus du restaurant Aux assassins. Pendant que Pierre et Seb ne lâchent pas la Zarine studieuse, nous déjeunons avec Jean Montaldo, un journaliste d’investigation, fort en gueule, qui nous balance l’info capitale : Tonton déjeune chaque semaine avec sa fille. Il suffit donc de planquer tous les jours à l’heure du déjeuner et d’essayer de suivre la bagnole du GSPR quand elle viendra chercher l’enfant secret.

Le 21 septembre, la voiture officielle embarque la fillette. Seulement les superflics du GSPR ne sont pas des débutants et Pierre et Seb ont tôt fait de les perdre dans la circulation. Agacés, ils décident de rejoindre notre labo avenue George-V. Ils empruntent le prolongement de la rue Jacob, traversent l’esplanade des Invalides pour prendre à droite vers le pont de l’Alma. Et surprise, sur l’esplanade, devant le restaurant Le Divellec, ils aperçoivent les deux Safrane de Tonton, la 309 GTI blanche, les motos accompagnatrices et la voiture qui est allée cueillir Mazarine. Fébriles, ils nous appellent. On leur indique de se placer très loin, car le système de protection du GSPR est composé de deux cercles concentriques de protection. Dès qu’un individu pénètre entre les deux cercles, il est repéré et pris en tenaille. La seule façon d’espérer passer entre les mailles consiste à se placer au-delà de ce dispositif. Pierre et Seb s’installent à l’opposé de l’esplanade, derrière la balustrade du bâtiment d’Air France, à plat ventre, l’oeil collé au monstre, un 1 200 mm Nikon, le plus gros téléobjectif jamais construit.

Des années plus tard, Prouteau, le patron du prestigieux GSPR, m’expliquera que ce 21 septembre fut une des rares fois où Mitterrand et sa fille se trouvèrent ensemble sur la voie publique. D’ordinaire, ils prenaient soin d’arriver et de repartir séparément. jour-là, Mazarine, bientôt appelée « la fille cachée de la République », et Anne Pingeot, sa mère, sortent les premières du restaurant. Elles bavardent, lorsque Tonton sort à son tour, s’approche et passe tendrement la main dans les cheveux de sa fille. Cet instant d’intimité donnera à Match l’inspiration pour titrer ce reportage inédit : « Le geste de tendresse d’un père pour sa fille. »

Pour réussir un coup, la logique préparatoire ne suffit pas. Certes, il faut, comme le rappelait justement mon maître Pierre Lazareff, de la chance, viatique indispensable à l’exercice du métier de journaliste, mais la coquine est une vagabonde qui ne se laisse pas toujours apprivoiser. Chaque coup est un jeu de hasard. Un pied de nez au destin. Une improvisation radicale. Un chaos total décortiqué et dominé en quelques secondes. Tout se prépare, s’analyse, s’anticipe puis s’écroule, chahuté par des événements, des détails, des anicroches. La psychologie du gibier est insaisissable, elle s’observe mais échappe aux pronostics des chasseurs les plus avisés. En l’occurrence ce jour-là, nous aurons de la veine. Un paquet de veine. Avec le trafic des bus passant devant la cible et s’arrêtant au feu rouge, nous disposons d’une probabilité minime d’y parvenir, à peine quelques centièmes de seconde, le temps de trois photos, pas une de plus. Ce câlin présidentiel fera le tour de la planète.

Extrait de "Voyeur - Mémoires indiscrets du roi des paparazzi",  Pascal Rostain, Editions Grasset, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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