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Quand le Maroc s'invite dans le grand malentendu entre la France et l'Afrique
©Reuters

Quitte ou double

Le roi du Maroc Mohammed VI entame une grande tournée de visites dans des États africains. Il se présente de cette manière comme un relai de stabilité politique et économique fort, sur lequel la France a intérêt à s'appuyer si elle veut éviter l’enlisement au Mali et en Centrafrique.

Ahmed Charaï

Ahmed Charaï

Ahmed Charaï est directeur de la Publication du Magazine Hebdomadaire "L’Observateur du Maroc"  et du Site d'information www.Kifache.com , Président de MED Radio, Radio Nationale d'information (www.medradio.ma) , et Président du Conseil d'Administration du quotidien arabophone marocain "Al-Ahdath Al-Maghrebiya". 

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Ne nous voilons pas la face ! La France ne pouvait pas ne pas intervenir au Mali, seule manière de stopper l’avancée des extrémistes, au même titre qu’elle ne pouvait rester les bras croisés en République Centrafricaine, pour des motifs humanitaires évidents mais aussi pour éviter que le chaos gangrène l’Afrique.

La France savait qu’elle risquait de se retrouver bien seule du fait d’une Europe politique qui demeure une fiction et des réticences générales de l’Allemagne face à toute intervention extérieure et face à des opérations soupçonnées à tort ou à raison d’arrières pensées néo-coloniales. Mais, le poids de l’histoire est important et la France a une responsabilité dans le tracé des frontières qui ont « dessiné » des pays, des Etats souvent déconnectés des populations avant que la France-Afrique ne soutienne à bout de bras potentats et régimes corrompus et au mieux autoritaires. Les déficiences démocratiques d’aujourd’hui sont aussi, en partie, les conséquences de ces choix. En partie seulement car en Afrique la notion de citoyenneté reste à inventer et que les problèmes de sous-développement y sont immenses.

Il n’est pas étonnant dans ces conditions que l’issue des opérations au Mali et bien plus encore en Centre Afrique suscite débat et interrogations. Car l’enlisement militaire menace. Comme les Américains en Afghanistan et en Irak, les forces françaises sont engagées dans un combat sans issue parce qu’il n’est pas sous tendu par un projet politique, la tenue d’élections ne pouvant être considérée partout et en toutes circonstances comme l’alpha et l’omega de tout règlement politique. La sécurisation des territoires, quand elle est acquise demeure aléatoire. Elle n’est ni pérenne, ni annonciatrice d’une nouvelle ère. Les processus politiques sont très difficiles à mettre en œuvre dans des sociétés où la gestion des conflits interconfessionnels ne peut s’improviser et où le sous-développement reste un problème majeur. Pourtant, le continent africain, peut potentiellement être un moteur de la croissance au niveau mondial. Rappelons seulement que le taux de croissance de l’Afrique a été de 5,6 % en 2012. Mais cela cache des réalités très différentes. Cette croissance ne concerne pas tous les pays. La différence n’est pas liée aux seules richesses naturelles, mais à la bonne gouvernance et à la stabilité politique. Le Ghana s’en sort beaucoup mieux que la RDC, pourtant pays riche en minerais.

Stratégiquement, Paris peut d’autant moins ignorer ce potentiel que la concurrence y est de plus en plus rude. L’espace francophone peut devenir un véritable outil de co-développement. C’est l’un des biais, les plus concrets pour que la France ne soit plus seule dans ses interventions et qu’elle puisse répondre à la nécessaire mise en place d’une vision globale. Elle peut y avoir des alliés. A commencer par le Maroc, ami sûr et loyal.

En dépit de l’affaire du Sahara, du retrait de l’Union Africaine, Rabat a réussi ces dernières années une réelle percée en Afrique subsaharienne. La politique voulue et menée par le roi Mohamed VI s’articule autour de trois points : le soutien de processus démocratiques, le co-développement et le respect des spécificités culturelles. Dans le cadre de la lutte anti-terroriste, le Maroc offre un appui qu’il est seul à pouvoir offrir : le soutien à un Islam tolérant et ouvert. Le Roi, Amir al Mouminine - Commandeur des croyants, est reconnu comme tel depuis des lustres par les musulmans d’Afrique Noire. La Zaouia des Tidjanes perpétue un rapport séculier entre l’institution monarchique et l’Islam d’Afrique noire, parce que ce sont les Marocains qui ont introduit cette religion dans ces contrées.

Fort de ces « fondamentaux », le Maroc entend développer des relations à la fois fructueuses et sereines avec son prolongement africain. Les différentes visites royales mettent en évidence des projets de coopération étatiques. Mais la présence en Afrique d’entreprises et d’institutions marocaines - banques, bureaux d’études, cadres de haut niveau - est tout aussi importante. Ce maillage renvoie quasiment à la préhistoire un Edem kodjo (ancien secrétaire général de l’OUA), qui a poussé Rabat hors de l’organisation panafricaine en acceptant la RASD en son sein. Aujourd’hui, il est clair que Rabat a renoué les fils de l’Histoire. La visite de Mohammed VI au Mali , deux fois en moins de six mois, constitue un moment fort de cette stratégie qui a vu Rabat accueillir 500 imams maliens dans le cadre d’un plan de formation au sein des institutions religieuses…

Ces efforts dans la gestion des tensions religieuses vont de pair avec la volonté de donner corps à un véritable co-développement. Le Maroc y a bien sûr un intérêt particulier, lui qui ambitionne de devenir le hub pour les investissements en Afrique. Mais sur le terrain, une véritable coopération s’est installée. Une multitude d’accords ont été signés. Ils concernent des secteurs très divers, allant de l’eau à la santé. Le Maroc apporte son expérience, la qualité de ses gestionnaires. Le secteur privé a suivi. Les trois plus grandes compagnies marocaines ont des filiales partout où c’est possible en Afrique. Les télécoms, les sociétés de BTP¨, essentiellement dans le logement social, sont omniprésentes.

Déterminé à renforcer les liens humains et les échanges avec l’Afrique, le Maroc a développé une politique d’accueil, d’abord des dizaines de milliers d’étudiants, mais ensuite de tous les migrants, y compris clandestins.

Il y a sans doute là une voie privilégiée pour éviter que la France ne s’enlise dans des conflits sans fin. Développer une alliance autour d’une vision globale reste un impératif pour à la fois assumer ses responsabilités et assurer ses intérêts dans un continent où plus personne ne peut prétendre être en terrain conquis. Le cadre de cette alliance existe : c’est la francophonie. Paris et Rabat peuvent y former un tandem. Parce qu’ils ont la même vision. Et les mêmes intérêts.

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