Comment les émoticônes pourraient bien être en train de changer notre cerveau <!-- --> | Atlantico.fr
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Les émoticônes sont devenus presque indispensables dans nos textos.
Les émoticônes sont devenus presque indispensables dans nos textos.
©Pixabay

:)

:) ou :'(, ça vous parle ? Les émoticônes sont devenus presque indispensables dans nos textos, nos petits messages, on en deviendrait presque des caricatures. Mais comment ces séries de ponctuations nous sont-elles devenues si familières ? C'est sans doute parce que notre cerveau s'est adapté à ce nouveau langage.

Atlantico : Des chercheurs australiens ont démontré que la vision d'un émoticône entraînait une activité cérébrale. Concrètement, que cela signifie-t-il ?

Christophe Pallier : La vision de n'importe quel objet ou de n'importe quelle scène provoque une activation cérébrale. La question de savoir si le cerveau a une façon particulière de traiter les émoticônes pourrait se traduire par : existe-t-il une aire spécialisée dans le traitement des émoticônes ? Il me semble probable que ce soit l'aire de traitement des lettres (et suites de lettres) qui décode les émoticônes.Mais dire que les émoticônes sont traités comme des visages me paraît franchement alambiqué.

Thomas Hannagan : Toute stimulation visuelle entraîne une activité cérébrale chez le sujet bien-voyant, mais l'originalité de l'étude est de comparer la réponse cérébrale obtenue pour les émoticônes à celle, bien mieux connue, que l'on obtient pour la perception des visages. Notre cerveau a-t-il une façon particulière de traiter les émoticônes ? Le fait-il comme s'il s'agissait de véritables visages ? 

D'après cette étude, le traitement des émoticônes repose plus sur le calcul de la configuration générale des traits que dans le cas des visages. L'étude montre que lorsque visages et émoticônes sont retournés de 180° (ce qui inverse la configuration des traits), le décor temporel du traitement est différent : les émoticônes sont plus affectés. 

Pourtant, l'étude, qui consistait à utiliser l'électrophysiologie pour déterminer le motif de l'activité électrique dans le cerveau, lorsque les participants regardaient des émoticônes, révèle qu'il n'existe pas de réponse neurologique innée. Peut-on alors parler de réponse neurologique culturelle ?

Christophe Pallier :Oui. L'apprentissage modifie notre cerveau. Notre perception est influencée par nos connaissances, et n'est donc pas entièrement innée. Pensez, par exemple, au fait qu'on perçoit ou non des différences entre phonèmes en fonction des langues que l'on connaît.

Quel serait l'effet d'un émoticône sur une personne qui ne sait pas ce que c'est ? Et sur une personne qui ne sait juste pas ce que celui qu'elle regarde signifie ?

Christophe Pallier : Probablement la même chose qu'une suite de caractères sans signification.

Thomas Hannagan : Cette personne reconnaîtrait sans doute la référence au visage dès la première exposition à des émoticônes simples - ce qui explique d'ailleurs leur succès. Le traitement des visages est une tâche très importante chez l'homme. On sait, par exemple, depuis plusieurs décennies, en particulier grâce aux travaux de Mark Johnson et ses collègues à Birkbeck College (Londres), que même les nouveau-nés montrent une préférence marquée pour des stimuli qui évoquent des visages, similaires en esprit aux émoticônes de cette étude.

Qu'est-ce que cette découverte implique sur l'évolution du fonctionnement de notre cerveau ? Les émoticônes vont-ils finir par nous faire penser, raisonner différemment ? Comment ?

Christophe Pallier : Rien de ce que j'ai lu sur cette recherche ne permet d'aller aussi loin. Mais bien entendu, les émoticônes servent à (essayer de) transmettre une émotion ou un contexte car le langage écrit est très appauvri par rapport au langage oral ou à l'interaction en face-à-face. Donc, c'est un apport intéressant à l'écriture.

Thomas Hannagan :Toutes les tâches que nous effectuons au quotidien modifient le fonctionnement de notre cerveau mais dans une mesure qui dépend fortement de leur importance pour nous et de leur fréquence. Je pense que, contrairement à la reconnaissance des visages ou à la lecture, le traitement des émoticônes reste marginal selon ces deux critères. En dehors des émotions plus ou moins agréables qu'ils peuvent introduire dans le texte, leur impact à long terme sur nos processus cognitifs est sans doute négligeable.

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