House of Cards : avant de vous jeter sur la saison 2, petit retour sur ce qui est crédible et ce qui l'est moins dans la série star de Netflix<!-- --> | Atlantico.fr
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Franck Underwood (Kevin Spacey) est-il un congressiste caricatural ?
Franck Underwood (Kevin Spacey) est-il un congressiste caricatural ?
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Carré d'as

La saison 2 de la série à succès "House of Cards" est mise en ligne ce samedi. Le show se déroule dans les coulisses du pouvoir américain et raconte les trahisons qui s'exercent au plus haut niveau. Barack Obama lui-même s'est dut impatient de découvrir la suite des aventures de Franck Underwood.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : La saison 2 de la série House of Cards est mise en ligne ce samedi sur le site internet NetFlix. Cette série à succès raconte l'histoire de Franck Underwood, membre du Congrès démocrate, et son ambition sans limite, pour gagner un poste dans l'administration américaine, quitte à trahir jusqu'au plus haut niveau. Cette série est-elle crédible ? 

Gérarld Olivier : Cette série est caricaturale. Elle est très bien construite, comme toutes les séries d'Hollywood, mais elle est l'équivalent pour le monde politique de ce qu'était Desperate Houswives à la famille et aux relations de voisinage. Elle ressemble aussi à la façon dont Tom Wolfe décrit la société américaine dans ses livres par exemple. Vous prenez un certain nombre d'extrêmes et vous les mettez bout-à-bout. Vous obtenez alors un portrait qui se tient parfaitement mais qui ne fonctionne que si l'on part du postulat que les extrêmes sont la norme.  La série est crédible comme fiction mais exagérée comme reflet de la réalité.

Par contre la série correspond exactement à l'image que beaucoup d’Américains se font du système politique. Pour eux  c'est un système corrompu, où les gens n'ont pas de foi réelle dans leur pays mais uniquement dans leur propre destin, où ils sont prêts à tout, y compris à se marcher les uns sur les autres pour parvenir à s'élever, un système où les valeurs qui ont présidé à la fondation des Etats-Unis et qui devraient guider sa vie politique, ont disparu au profit d'une ambition personnelle sans  limite, ni tabou.

La série House of Cards décrit notamment la connivence entre les médias et les hommes politiques à travers la relation, y compris de séduction, entre le membre du Congrès démocrate Franck Underwood, interprété par Kevin Spacey, et la jeune reporter Zoe Barnes. Est-ce que ce genre de proximité est crédible ?

C'est le cas aux États-Unis, mais c'est le cas partout. La presse américaine, même si elle participe à cette relation incestueuse, est assez méfiante du pouvoir. Aux États-Unis, la relation entre les médias et les politiques est une relation particulière : le pouvoir cherche à utiliser les journalistes et les journalistes se laissent utiliser jusqu'à un certain point sachant qu'eux aussi pourront trahir à la première occasion.  Parce que, pour un journaliste, se « faire un politique », c'est un moyen de faire avancer sa carrière... On sait d'ailleurs très bien où les journalistes trouvent leurs informations : si vous voulez avoir des tuyaux  sur une personnalité politique, il suffit d'aller voir son adversaire. C'est vrai aux États-Unis comme ça l'est en France. Malgré tout, la tradition des médias américains émane de l’idée qu’ils constituent un quatrième pouvoir et se doivent donc de garder leurs distances avec  la sphère politique.

La série décrit aussi un phénomène important : le poids des lobbys et leur présence dans les arcanes du pouvoir. Dans House of Cards, ils ont carrément leur entrée au Congrès. Est-ce ainsi dans la réalité ?

Cet aspect est tout à fait réel. Je ne sais pas si, dans la réalité, les lobbyistes font comme dans la série et vont directement frapper à la porte du bureau du chef de la majorité démocrate. Ce qui est sûr, c'est que les politiques et les lobbyistes dînent ensemble et se rencontrent régulièrement. La grande question pour les politiques est de savoir où placer une limite. A quel moment est ce que le travail d’information légitime et justifié d’un lobbyiste se transforme en achat d’influence. Cet aspect est spécifique au système américain.

Qu'est-ce qui explique le succès de cette série, y compris en France où, pourtant, les histoires du Congrès et de la Maison-Blanche peuvent nous paraître très éloignées ?

Tout simplement parce que cela parle de pouvoir. Les relations de pouvoir fascinent les gens, y compris en France. C'est là que la série est très bien faite. Notez que House of Cards ne parle pas des grandes questions de société du moment, l’Obamacare, la mondialisation, la mariage gay, … Le jeu politique n’existe pas en termes de débats d’idées mais uniquement en termes d’ambitions personnelles et de vengeance.  Il est ramené à un rapport de force quasi animal, où le plus malin, le plus filou, le plus dénué de scrupules l’emporte…

Il faut également souligner que ce pouvoir fascine notamment parce que le monde politique américain est extrêmement puissant. Washington D.C est une ville dont la fonction a toujours été d'être la capitale fédérale du pays. La ville n'existait pas avant que les États-Unis ne deviennent les États-Unis, c'est-à-dire un État fédéral. C'est une ville qui a été entièrement créée pour être le siège du pouvoir politique. Il y a là les élus, les lobbystes, c’est-à-dire les représentants de tous les secteurs d’activité du pays, les avocats qui écrivent les lois, et les clubs de pensées ou les anciens du gouvernement se recyclent. Vous avez donc ici toute l'émanation du pouvoir. Sa capacité à fasciner en est décuplée.

La froideur humaine de la ville que l'on voit dans la série est donc réelle ?

Oui, tout à fait. "Si vous voulez un ami à Washington, prenez un chien", disait Harry Truman. C'est une phrase que tout le monde a entendue ici.

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