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Homophobie, antisémitisme : la société ne se radicalise pas, ce sont les nouveaux médias qui en donnent l’impression
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Éditorial

Le succès de "la manif pour tous" de dimanche dernier et du "Jour de colère" il y a deux semaines est analysé par beaucoup comme une radicalisation de la société.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Notre société est-elle réellement en train de se « radicaliser » ?  Le succès de « la manif pour tous » de dimanche dernier - plus de 100.000 personnes dans les rues de Paris - serait  le signe que les Français sont plus conservateurs et réactionnaires que jamais. Les slogans racistes et antisémites de la manifestation « Jour de colère » il y a quinze jours seraient la preuve que la période actuelle ressemblerait fort aux années 30, lorsque les groupuscules et les ligues fascistes tentaient de renverser la 3ème République déliquescente.

Certes, l’ancien garde des sceaux et  sénateur socialiste Rober Badinter a profondément raison de s’indigner que « c'est la première fois depuis la fin de l'Occupation que l'on entend hurler dans les rues de Paris « dehors les Juifs » ». Certes, il est grave et inacceptable de voir des extrémistes se pavaner et  faire le salut nazi. Mais il est important aussi, tout particulièrement dans ces instants de crispation et d’inquiétude, de ne pas analyser les événements à chaud et sur la base de nos sensations.

L’histoire montre en effet que le « Jour de colère », aussi irritant et choquant fut-il, n’a pas grand-chose de comparable avec la manifestation du 6 février 1934 qui fit quinze morts et des milliers de blessés devant l’Assemblée nationale. Les sciences sociales prouvent que la société française est de plus en plus tolérante et démontrent que les Français sont de moins en moins nombreux à être racistes, antisémites ou homophobes.

L’année dernière, « Des votes et des voix. De Mitterrand à Hollande » (1), fort intéressant ouvrage collectif dirigé par Vincent Tiberj, maitre de conférence à Sciences Po, se basait sur le dépouillement des enquêtes d’opinion des trente dernières années en France pour rappeler qu’à la question « Est-ce que vous pensez que les Juifs sont des Français comme les autres ? », 36% des Français seulement répondaient affirmativement dans l’immédiat après-guerre, contre près de 90% aujourd’hui. Que 20% des Français considéraient au début des années 70 que l’homosexualité était  « une façon acceptable de vivre sa sexualité » contre 90% de nos jours. Ces résultats montrent bien que l’homophobie et l’antisémitisme n’ont pas disparu, mais aussi que l’ouverture d’esprit et l’intelligence gagnent clairement du terrain.

Cette étude illustre également que, contrairement à ce que les taux de participation aux élections pourraient laisser penser, la démocratie et l’intérêt des Français pour la politique ne sont pas en régression mais qu’ils s’expriment de manière différente, par la manifestation, la pétition, le boycott, etc.  Au début des années 80, un Français sur quatre déclarait avoir manifesté au moins une fois dans sa vie. Ce chiffre est multiplié par trois aujourd’hui.

Et c’est là un paramètre important pour tenter de rassurer Robert Badinter. Les manifestations d’antisémites, de racistes et de nazillons n’ont jamais disparu. Les ratonnades organisées par les skinheads au forum des Halles à Paris, les discours moisis du Groupe Union Défense ou les bastons entre apprentis nazis et gros bras du Bétar à la sortie des studios télé des Buttes Chaumont ont toujours existé dans les années 70 et 80. La différence, c’est que si on n’entendait pas hurler « Dehors les Juifs », c’était d’abord et avant tout un problème d’acuité. A l’époque, les images télévisées ne tournaient pas en boucle, les informations ou les rumeurs ne circulaient pas à toute vitesse et gratuitement par emails, les pétitions ne rassemblaient pas des millions de signataires sur les réseaux sociaux, un site internet bien fait ne rendait pas crédibles les pires ragots et les mensonges les plus criants.

Faire évoluer les mentalités est un phénomène lent qui prend des générations. Face à la révolution des nouveaux médias, nous n’avons pas ce temps. Il nous faut apprendre à réagir et à les apprivoiser beaucoup plus vite.

(1) Des votes et des voix. De Mitterrand à Hollande. Éditions Champ social (collection Questions de société) sous la direction de Vincent Tiberj

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