Les Assises de la fiscalité des entreprises face au piège des fausses bonnes idées<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce mercredi 29 janvier débutent les Assises de la fiscalité des entreprises
Ce mercredi 29 janvier débutent les Assises de la fiscalité des entreprises
©REUTERS/Arnd Wiegmann

Début d'allègement ?

Ce mercredi 29 janvier débutent les Assises de la fiscalité des entreprises. Pouvoirs publics et représentants du patronat négocient. Leur but ? Essayer d'alléger les impôts qui pèsent sur les sociétés françaises et faire des propositions pour préparer le projet de loi de finances 2015.

Michel Taly

Michel Taly

Michel Taly est avocat fiscaliste au sein du Cabinet Arsene Taxand. Il est spécialiste de la politique fiscale à l’Institut de l’entreprise. Il a supervisé la réalisation du rapport de l'Institut de l'entreprise Mettre la fiscalité au service de la croissance.

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Atlantico : Quelles sont les idées reçues que peuvent avoir les pouvoirs publics sur la fiscalité des entreprises ?

Michel Taly : Une illusion couramment répandue est que, en l’absence de marge de manœuvre budgétaire pour baisser fortement le montant des prélèvements, on pourrait choisir de se concentrer sur quelques entreprises en leur appliquant une baisse plus faible. Ou encore, à montant constant, on pourrait choisir de répartir la charge différemment. C’est une grave erreur de raisonnement : il n’y a pas d’un côté des entreprises qui ne peuvent pas supporter les niveaux actuels de prélèvements et de l’autre, des entreprises qui le peuvent et pourraient même supporter plus !

Contrairement à la logique de l’impôt sur le revenu, pour lequel les transferts de charge correspondent à de véritables transferts de pouvoir d’achat, les modifications de charges entre entreprises déstabilisent les relations à l’intérieur et à l’extérieur de chaque entreprise, avec des effets sur les salaires, les prix (qui sont aussi souvent les coûts d’autres entreprises). Au total, même les bénéficiaires apparents des transferts ne sont pas forcément gagnants in fine. Je ne saurais trop déconseiller le jeu consistant à modifier la répartition de la charge avec un montant de baisse globale trop faible et a fortiori sans baisse du tout.

On montre toujours du doigt le taux effectif d'imposition pour les sociétés du CAC 40 à  8 %. En réalité ce taux est critiquable sur le plan méthodologique, et pourtant il est toujours cité dans les médias et par tous les gouvernements. Cela est dû à une vision manichéenne selon laquelle les petites entreprises seraient nécessairement plus vertueuses que les grandes. Mais ce ne sont pas seulement les grandes entreprises qui pratiquent l'optimisation fiscale.

10 entreprises du CAC 40 ne paieraient pas d'impôt sur les sociétés : beaucoup disent que c'est la preuve qu'elles pratiquent l'optimisation fiscale, mais personne ne se demande si elles sont effectivement en mesure de s'acquitter de l'impôt. En réalité les charges sur les grosses entreprises sont tellement élevées qu'elles ne parviennent pas à gagner d'argent, ce qui explique qu'elles préfèrent se développer à l'étranger. Ce n'est donc pas en s'acharnant sur elles qu'on résoudra les problèmes de compétitivité de la France.

En outre, la comparaison entre petites et grandes entreprises est biaisée par l’usage de l’excédent net d’exploitation comme critère d’analyse : en effet, certains éléments sont traités avant ce solde comptable pour les petites entreprises et après pour les grandes. C’est le cas des financements de matériels (les petites ayant plus recours au crédit-bail et non à l’emprunt) … mais aussi des techniques d’optimisation (qui reposent plus, chez les petites,  sur les recettes et les charges que sur les frais financiers).

Une réforme fiscale visant à faire peser l'impôt sur les résultats plutôt que sur l'activité, comme l'évoque le gouvernement, est-elle pertinente ? Dans quels pièges risque-t-on de tomber ?

Les deux impôts les moins perturbants pour l’entreprise sont l’impôt sur le bénéfice et celui sur le chiffre d’affaires, car leurs effets sont plus faciles à déterminer. L’impôt sur le bénéfice est normalement répercuté sur l’actionnaire et celui sur le chiffre d’affaires sur le client. En revanche, toutes les autres assiettes sont plus perturbatrices car leur effet est plus difficile à déterminer et elles sont même parfois difficilement prévisibles. Donc, toute réforme ramenant sur le bénéfice un impôt reposant actuellement sur une autre assiette est en principe une bonne chose. En revanche, se rapprocher du bénéfice, mais en s’arrêtant en route sur des agrégats comptables intermédiaires me paraît dangereux, car cela engendrera des transferts de charges non maîtrisés sans que l’on soit sûr que l’entreprise puisse les absorber, puisqu’on sera resté sur une assiette incluant des coûts.

Les entrepreneurs espèrent faire acter une baisse du volume de l'imposition. Comment faire pour que cet allègement soit bénéfique pour la croissance ? Les entrepreneurs n'ont-ils pas besoin d'une rationalisation plutôt que d'un allègement fluctuant de l'imposition ?

Le seul fait de poser cette question est révélateur d’un procès d’intention : selon la théorie économique, toute baisse des charges crée forcément de la croissance. La question suggère qu’il y aurait des utilisations d’une baisse des charges qui ne seraient pas bénéfiques. En clair, disons-le, garder l’argent pour les actionnaires ! Et il faudrait donc des règles. Mais on ne peut pas déterminer le meilleur usage pour toutes les entreprises ! Selon leur situation, certaines auront besoin de donner la priorité à la baisse de leurs prix, d’autres à l’investissement, ou à l’ajustement des salaires, que des marges trop faibles avaient trop contraints … et d’autres, ce n’est pas un gros mot, devront augmenter leur dividende qui avait été trop réduit voire supprimé.

A quels impôts concernant les entreprises faudrait-il s'attaquer en priorité ?

Il faut d’abord réduire les impôts qui pèsent de façon opaque sur des agrégats comptables intermédiaires ou des postes de charges.

Quelles sont les concessions que doivent faire les entreprises ? Quels seraient les impôts qu'elles voudraient voir baisser mais qui ne doivent pas forcément l'être ?

On parle de baisser une charge fiscale et sociale déraisonnablement élevée, notamment par rapport aux autres pays. Je ne vois pas pourquoi il faudrait consentir des concessions pour un tel mouvement. En revanche, on sait bien que certaines réformes sont plus difficiles que d’autres. Par exemple, un des impôts qui pèse sur un agrégat intermédiaire, la cotisation sur la valeur ajoutée, finance les collectivités locales, ce qui rend le problème plus complexe.

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