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De l'inversion à la stabilisation du chômage : plus tu pédales moins fort, moins t’avances plus vite
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Éditorial

"Inversion", "stabilisation", "ralentissement de l’augmentation"… En pleine bataille sémantique autour de l’échec de François Hollande dans sa lutte contre le chômage, les vrais enjeux sont déjà ailleurs.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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"L'inversion de la courbe du chômage a été entamée". Ce refus de la réalité dont on ne sait plus s’il est le fruit d’une stratégie de communication calamiteuse ou d’un déni psychanalytique du ministre de l’Economie Pierre Moscovici montre combien l’aveu que le président de la République n’a pas tenu ses engagements brûle la bouche des membres de la majorité. Tout plutôt que de reconnaître l’évidence.

L’exercice tourne même parfois à la crise de schizophrénie. Dans son traditionnel communiqué de presse mensuel, le ministère du Travail a concédé hier que "le résultat (…) n'est pas encore le retournement attendu". Ce matin pourtant sur France Inter, Michel Sapin a encore bien du mal à assumer complètement ce retournement de discours. Au journaliste Patrick Cohen qui soutient que François Hollande a pris un "engagement", le ministre du Travail s’obstine à répéter, à la façon de la méthode Coué, qu’il s’agissait en réalité de la part du président d’un "objectif mobilisateur", pensant sans doute que cette subtilité sémantique (totalement inexacte) pourrait atténuer la violence de la gifle des derniers chiffres du chômage. Le secrétaire général de Force Ouvrière, Jean-Claude Mailly, résume assez bien le ridicule des postures gouvernementales : "On va finir par avoir l'inversion de l'inversion, c'est-à-dire l'augmentation".

Il faut dire que voilà dix-huit mois maintenant que les socialistes ressassent comme un mantra que le chômage va baisser. C’est en septembre 2012 que François Hollande s'est engagé sur une "inversion" de la courbe "d'ici un an", avant de repousser, au mois de mai dernier, l’échéance à la fin de l’année 2013. Dix-huit mois durant lesquels les chiffres des dépôts de bilan et des liquidations judiciaires des entreprises ont atteint des niveaux record en France et durant lesquels la dialectique socialiste n’a pourtant jamais cessé de fredonner l’air de la chanson de Paul Misraki "Tout va très bien, Madame la marquise". Le sujet ne serait pas si grave, on pourrait sourire en se remémorant l’air docte et hautain avec lequel la secrétaire nationale à l’économie du PS, Karine Berger (Si, si, celle-là même qui déclarait en juin dernier : "Je suis l'un des députés les plus visibles. J'ai le sentiment surtout d'être extraordinairement influente dans l'équilibre croissance – austérité") expliquait à ses détracteurs sur les plateaux de télévision qu’ils n’étaient qu’un tas de naïfs puisque la croissance et l’emploi allaient forcément revenir. C’était cyclique et donc automatique, démontrait la polytechnicienne, rédactrice du programme économique de François Hollande.

Aujourd’hui, ce débat sémantique ne doit guère passionner les 10 200 chômeurs qui ont perdu leur emploi au mois de décembre et qui ont probablement les yeux braqués sur l’avenir. Avec le virage économique présenté par François Hollande le 14 janvier, le discours officiel et le vocabulaire ont changé. Désormais, le gouvernement parle compétitivité, relance économique et baisse de charges avec le pacte de responsabilité. Le souci, c’est que le planning du gouvernement prévoit la présentation d’un projet au parlement dans le cadre de la loi de finances 2015. Cela signifie que les éventuels premiers effets de ce pacte sur l’emploi ne se feront pas sentir avant 2016… Pour quelqu’un qui voudrait se représenter à l’élection présidentielle en 2017, le calcul n’est pas stupide. Pour l’économie et pour ceux qui cherchent du travail, c’est une catastrophe. Les mots changent. Pas les maux.

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