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Comment expliquer qu'on trouve davantage de ménages aisés dans le parc locatif public que dans le parc locatif privé
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Certains sont plus égaux que d'autres...

S’il y a un domaine où l’égalité de tous devant la loi n’est pas respectée, c’est bien celui de la sélection des dossiers des demandeurs de logements sociaux. C'est ainsi que 53 000 familles disposant de revenus d’au moins 11 200 euros par mois occupent un logement HLM.

Nicolas Lecaussin

Nicolas Lecaussin

Nicolas Lecaussin est directeur du développement de l'IREF - Institut de Recherches Economiques et Fiscales. Il est aussi fondateur de Entrepreneur Junior

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Atlantico : A en croire le candidat à la mairie de Paris Charles Beigbeder, citant Vincent Benard, on trouverait d'avantage de ménages aisés dans le parc locatif public quand dans le parc locatif privé. Quelles sont les principales raisons qui peuvent expliquer ce phénomène ?

Nicolas Lecaussin : Charles Beigbeder a raison dans le sens où il existe de nombreuses familles plutôt aisées qui habitent dans le parc locatif public alors que celui-ci est normalement destiné aux ménages plus pauvres. S’il y a un domaine où l’égalité de tous devant la loi n’est pas respectée, c’est bien celui de la sélection des dossiers des demandeurs de logements sociaux. Par priorité, les gestionnaires choisissent les clientèles de la mairie, ou des catégories bien ciblées qui échappent au droit commun.
Les critères de revenus, comme on le verra plus en détail, ne sont pas les plus importants, tant s’en faut. Environ 53 000 familles disposant de revenus d’au moins 11 200 euros par mois occupent un logement HLM et, au total, environ 378 000 familles dont les revenus sont supérieurs à 4.000 euros, le plafond qui interdit théoriquement l’attribution d’un logement à loyer modéré sont bien logées dans des HLM. Toutefois, ces chiffres, bien que surprenants, cachent une réalité bien plus grave. Ils ne tiennent pas compte par exemple des milliers de logements dans les Immeubles à Loyer Normaux (ILN) construits sur des fonds publics mais non-réglementés. La Régie Immobilière de la Ville de Paris en possède un nombre considérable dont l’occupation reste secrète. A cela s’ajoutent les logements possédés par les grandes administrations et les entreprises publiques qui les louent à leurs agents. Logis-Transport par exemple est une filiale de la RATP qui gère 5 520 logements à travers 6 départements de la région parisienne. La SNCF en posséderait environ 100 000 à travers son Groupe ICF – La Sablière (troisième opérateur du logement en France !) et l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris, plus de 6 000. Ces logements financés avec l’argent public, ne devraient pas être réservés à une catégorie particulière ni exclure les plus démunis. Le logement social est une excellente « source d’électeurs ». Les maires sont très souvent présidents d’organismes gestionnaires des parcs immobiliers publics comme l’OPAC (Office public d’aménagement et de construction).

A qui incombe la responsabilité ? Est-ce la faute aux pouvoirs publics, aux ménages aisés, aux deux ?

A l’ouverture du Congrès annuel du monde HLM à Bordeaux, le 27 septembre 2011, le président de l’USH (Union Sociale de l’Habitat – l’organisme « chapeau » des HLM), Thierry Repentin, a choisi comme message de présentation celui des « riches dehors » en réclamant le départ des locataires qui gagnent beaucoup plus que le plafond des ressources. Mais il ne faut pas se leurrer. Il existe une connivence entre les bailleurs publics et les politiques. Rappelons les cas célèbres de l’appartement de Jean-Pierre Chevènement ou celui du fils d’Alain Juppé.

Quelles sont les conséquences directes et indirectes de ce phénomène ?

Le logement social est à deux vitesses. D’un côté, les HLM pour des gens très aisés qui pourraient payer des loyers substantiels mais se débrouillent pour être logés à meilleur compte en faisant jouer leurs relations, et, de l’autre, les HLM pour de vrais pauvres, HLM peu entretenues (400.000 logements sont vacants parce qu’insalubres). Théoriquement destiné aux 20 % de Français les plus pauvres, le logement social peut être obtenu par 60 % de la population.

Comment les pouvoirs publics peuvent-ils lutter contre ces excès ? 

Ce n’est pas aux pouvoirs publics de lutter contre les excès qui sont la conséquence directe de l’étatisation du logement en France. Ce qu’il faudrait, c’est la privatisation des HLM, qui rapporterait d’ailleurs 400 milliards d’euros à l’État. Une privatisation pratiquée avec succès dans plusieurs pays. Il faudrait aussi réaliser des réformes radicales dans le domaine du foncier, de l'urbanisme, du financement, de la fiscalité, des baux, etc. Il faut rendre au logement social sa vocation première : permettre aux familles et aux personnes aux revenus les plus modestes de se loger dans les meilleures conditions économiques possible.

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