Et si le président débarquait par surprise à Davos ? Voilà ce qu’il pourrait y faire… <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande.
François Hollande.
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Alors que le forum économique de Davos vient de démarrer ses travaux pour 5 jours, la rumeur d’une arrivée de François Hollande circulait dans les lobbies d’hôtel et les couloirs du Palais des Congrès. Il faut dire que, cette année encore, la petite station suisse chère à Thomas Mann qui y avait découvert "la montagne magique" va attirer le gotha du pouvoir mondial. Près de 2500 banquiers et chefs d’entreprise se réunissent aux côtés d’une bonne centaine de chefs d’état et de gouvernement, de banquiers centraux et de quelques célébrités du monde des arts et de la culture.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Sharon stone sera là, comme chaque année, avec Bono du groupe U2. Ils ont même convaincu l’acteur Matt Damon de se joindre à eux. Non pas pour faire le show (ils resteront à leur place sagement), mais pour travailler et s’imprégner de ce qui se passe dans le monde. Aux cotés d’Angela Merkel, de David Cameron, du Premier ministre australien Tony Abbott, de la présidente du Brésil Dilma Rousself, ou du premier ministre japonais Shino Abe, sans parler de la plupart des chefs d’États africains et du Moyen Orient, François Hollande ne dépareraient pas. "Il aurait besoin de s’expliquer au monde entier" disait-on dans l’entourage de  Maurice Lévy, président de Publicis.  "L’image de la France n’est pas bonne. Or, la France a besoin du reste du monde." 

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Il faut dire qu'à l’Élysée, il en a été fortement question, de ce voyage au lendemain de la conférence  de presse. Puisque l’objectif du virage social-démocrate du Président français est maintenant de séduire les marchés et les chefs d’entreprise, il n’y avait pas de meilleur endroit à deux heures de Paris que Davos. Jusqu’au dernier moment, il en a donc été question. Jusqu’au dernier moment, le président a failli venir. Un peu avant Noël, une trentaine de chefs d’entreprise du CAC40 étaient venus à l’Élysée le supplier d’être présent à Davos.

François Hollande prétextant un rendez-vous avec le Pape au Vatican, survolera les Alpes sans s’arrêter, mais il aurait promis à Christophe de Margerie, président de Total, que l’année prochaine, juré craché, il viendra à  Davos. Il faudra donc attendre un an de plus, le temps que le virage économique soit négocié en France et surtout que l’aveu du péché de social-démocratie lui soit pardonné par la famille socialiste.

On en est là en France. Les leaders d’opinion pensent que l’opinion publique française n’aime pas Davos. Davos serait "trop chic, trop libéral, trop anglo-saxon". Les chefs d’État français se sont donc toujours refusé à faire le déplacement. Nicolas Sarkozy est le seul chef d’État à être venu. Jacques Chirac a failli venir, comme François Hollande, il avait accepté pour se décommander au dernier moment et envoyer une vidéo enregistrée. L’exercice plutôt maladroit avait été mal perçu par la communauté internationale des affaires.

Pour tous les participants à Davos ces absences stigmatisent la difficulté des gouvernances françaises à assumer une économie désormais mondialisée.

En l’absence de François Hollande, la France sera cette année représentée par trois ministres. Par Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères qui garde un œil sur  la conférence de paix sur la Syrie. Par Fleur Pellerin, qui va retrouver ses amis geeks  de la Silicon valley. En effet, la plupart des grands acteurs du digital et du e-commerce seront là. Et Pierre Moscovici, le ministre de l’économie qui va passer les quatre jours à convaincre les patrons du monde entier des potentialitésfrançaises.

Si Pierre Moscovici est décidé à mouiller sa chemise auprès des industriels du monde entier, c’est parce qu'il considère que nous souffrons de préjugés et d’a priori. Il faut donc compenser ce déficit d’explication. Christophe de Margerie, le président de Total a pris l’initiative d’organiser un diner avec les plus grands patrons du monde, pour permettre au ministre de s’expliquer vendredi soir sur l’avenir de la zone euro et les conditions de redressement économique. Problème : beaucoup de patrons savent qu'on peut souffrir de bien d’autres choses que de préjugés défavorables.

La question que se pose toujours l’ opinion qui assiste de loin au spectacle du pouvoir économique à Davos est de savoir à quoi sert ce forum  qui existe depuis 44 ans dans un lieu improbable, difficile d’accès, au cœur du massif des Grisons, et qui draine chaque année des participants payant 18 000 euros pour l’accès au forum, auxquels il faut ajouter les frais d’hébergement (et ils ne sont pas donnés), sans parler de la cotisation annuelle au club de Davos qu' il faut avoir acquittée, soit 32 000 euros. Quand on sait qu’en moyenne, le patron d’une très grande entreprise mondiale se déplace avec trois ou quatre de ses collaborateurs, ça fait cher le week-end de ski. Alors pourquoi autant d’argent dépenser ?

Davos doit son succès à la facilité de rencontre offerte entre des gens d’horizon très différents et qui ont beaucoup de mal à se rencontrer. Soit parce qu’ils sont très éloignés, soit parce que des barrières les séparent, barrières religieuses ou idéologique. Mais Davos doit son succès aussi à sa capacité de faire émerger des idées nouvelles et de définir à l’avenir les conditions de développement économique mondial.

Les plus anciens se souviennent  que c’est à Davos, qu’un jeune homme un peu timide présenta pour la première fois au monde un ordinateur gros comme une valise mais branché à l’internet. Beaucoup le considéraient comme cinglé. Le jeune homme en question s’appelait Bill Gates et il venait d’écrire le premier Windows. Les plus anciens se souviennent aussi de Mikhaïl Gorbatchev venir annoncer que le mur de Berlin était fissuré, que le monde soviétique allait craquer et que les marchés de l’Est allaient  s’ouvrir aux investisseurs occidentaux. Qui se souvient en janvier 2000 d’un Jose Bové  venu démolir le McDonald’s de Davos pour protester contre la mondialisation galopante et d’un Shimon Perez embrassant Yasser Arafat en pleine rue alors qu'au Proche Orient, Israéliens et Palestiniens se faisaient la guerre.

La plupart des événements qui ont chamboulé la planète depuis trente ans ont été esquissées et prédites à Davos par « les global leaders » participant au forum, qui les ont ensuite expliqué à leurs opinions publiques.

Enfoncée dans son conservatisme, la France est passée très souvent à coté de cette pédagogie de la modernité. Davos n’a pas inventé le libéralisme ou le capitalisme international comme beaucoup le disent. Davos a pris acte du fait qu’il n’y avait pas de  système plus efficace pour créer de la richesse que celui de l’économie de marché.

Aujourd’hui, six ans après le début de la crise financière qui a engendré la plus grave crise économique et sociale depuis l’après-guerre, les responsables de Davos ont choisi d’avertir les gouvernements et les chefs d’entreprise qu'il ne fallait pas se faire d’illusion sur la capacité à sortir de la crise et de mettre en garde la communauté mondiale de trois phénomènes :

Le premier, le plus important porte sur la difficulté de retrouver un nouvel équilibre. Pour les experts de Davos, le monde n’a pas tiré les leçons de la crise de 2007/2008.  La croissance est repartie un peu partout sur la planète mais pas en Europe. Cette croissance est repartie grâce à des injections de monnaie massive. Pour les chercheurs de Davos, il est donc évident que ça ne tiendra pas. Pour Davos, le monde entier qui fait tourner ses planches à billets est retombé dans la folie des subprimes. Des crédits faciles non garantis qui ont été inventé dans le vent de folie financière de l’Amérique de l’an 2000. La banque centrale américaine triomphait, mais l’économie réelle s’écroulait dans le monde entier.  Il est donc temps de retrouver des conditions de croissance plus réelles que financières ou virtuelles. Le temps d’assainir et d’apurer les dettes.

Le deuxième phénomène concerne la montée des inégalités. Le nombre de riches de plus en plus riches a augmenté, mais comme le nombre de pauvres n’a pas diminué, les inégalités se sont creusées au niveau mondial. C’est  évidemment, et pour tout le monde, un facteur d’instabilités, et de radicalisme religieux ou politique. Après avoir créé de la richesse, Davos  voudrait trouver les moyens de mieux la redistribuer au plus grand nombre dans les pays émergents. 

Le troisième phénomène est de répondre aux attentes de la société civile. Restaurer la confiance dans les élites et les gouvernants. En bref, comment accélérer le développement d’une classe moyenne mondiale. Sinon, c’est le populisme et le nationalisme  qui gagneront du terrain. Ce qui est à l’opposé des valeurs diffusées par Davos.

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