Municipales : les clés du vote des Français<!-- --> | Atlantico.fr
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Quelles sont les clés du vote des Français aux Municipales ?
Quelles sont les clés du vote des Français aux Municipales ?
©Reuters

Sondage exclusif Ifop/Atlantico

Selon un sondage Ifop/Atlantico, les élections municipales de mars devraient être marquées par un vote sanction à l’égard du gouvernement, en particulier en raison de la politique fiscale de ce dernier. Pourtant contrairement à ce que l'on pourrait penser, le mécontentement des électeurs pourrait ne pas profiter tant que cela à l'UMP.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Lorsque l'on compare le niveau d'intérêt des Français pour les élections municipales, on constate qu'en 2007-2008, en seulement trois mois il est passé de 24 à 44 %, tandis que sur la même période en 2013-2014 il est resté à 40 %. Quels événements peuvent expliquer ce décalage ?

Jérôme Fourquet : A quelques mois de l'échéance, le niveau est relativement identique, mais on n'a pas assisté à la fin de l'année 2013 à une montée en puissance de la thématique des municipales comme cela avait été le cas en 2007-2008. En dépit de la couverture médiatique importante de la "bataille de Paris", on s'aperçoit que les Français n'ont pas la tête à cela, certainement à cause du taux de chômage élevé et des difficultés économiques. En 2008, nous nous trouvions dans la suite de l'élection présidentielle, qui avait suscité un intérêt fort, grâce notamment à l'idée selon laquelle le politique pouvait changer les choses. Aujourd'hui l'heure est à la morosité et à la défiance.

L'indice d'abstention pour les deux tours devrait être relativement élevé, à 35 % en moyenne. Comment expliquer qu'un scrutin qui touche de près la vie quotidienne des citoyens ne mobilise pas plus les foules ? Le phénomène s'est-il aggravé ?

Ces élections vont avoir lieu dans un contexte de chômage, de difficultés, et de défiance très forte à l'égard du politique. François Hollande est le président le plus impopulaire de toute la Ve République, et malgré cela l'UMP voit elle aussi sa cote stagner à un niveau plutôt médiocre. Par conséquent une grande part de la population pense qu'il n'y a pas grand-chose à attendre de ce type de scrutin. Ceci dit, les maires restent les responsables politiques les mieux notés par les Français.

Pour ce qui est de l'abstention, celle-ci reste constante par rapport au dernier scrutin. Sachant que 2008 avait été marqué par un record d'abstention pour des élections municipales.

L'indice d'abstention chez les 18-24 ans est de 56 %, puis ne cesse de se réduire au fil des générations, pour atteindre 20 % chez les 65 ans et plus. Faut-il s'inquiéter du désintérêt des jeunes pour les élections locales, ou s'agit-il d'un phénomène normal, qui se résorbe avec l'âge ?

Tendanciellement, l'abstention est bien plus forte chez les jeunes que chez les générations les plus âgées, car le degré d'insertion dans la vie sociale des premiers est moins élevé, la distance au politique est plus forte, et l'acte de vote est moins sacralisé. L'âge aidant, on peut s'attendre à un changement dans le rapport à la chose politique, mais il faut tout de même avoir en tête que les générations précédentes n'ont pas évolué dans le même climat social et politique, ce qui permet de prédire que l'abstention continuera de progresser. Car cette progression de l'abstention ces 20 à 30 dernières années est à la fois le fait d'une démobilisation des électeurs, qui pensent que gauche ou droite, cela revient au même, et que le politique ne peut rien changer à leurs conditions de vie, et aussi le fait de l'arrivée de générations beaucoup moins politisées, nées avec la crise et qui ont un regard désabusé dès le début.

Le taux d'abstention est de 54 % chez les sympathisants Verts. Ce chiffre n'est-il pas paradoxal, pour une tendance politique qu'on attendrait ancrée dans l'action locale, la préservation de l'environnement ? A l'inverse, d'où le FN tire-t-il son élan mobilisateur (22 % d'abstention seulement) ?

Premièrement, l'électorat des Verts est plutôt jeune, et comme on l'a vu, ce dernier participe de moins en moins aux élections. Deuxièmement, l'offre politique des Verts n'est pas toujours clairement identifiée : dans un certain nombre de villes ils font alliance avec les socialistes ou les communistes, ce qui peut amener certains à se sentir lésés en termes de contenu programmatique. Troisièmement, si on peut penser que l'échelon communal constitue le bon niveau d'intervention pour des politiques environnementales, pour autant les Verts ont collectivement une grande difficulté à coller aux questions économiques et fiscales et à se faire entendre sur ces thèmes. D'où une forte tendance à l'abstention chez ces électeurs.

Quant au FN, cette bonne mobilisation fait suite au bon score de Marine Le Pen aux élections présidentielles. Cette dynamique a déjà pu se constater lors des élections partielles à Brignoles, dans l'ancienne circonscription de Jérôme Cahuzac dans le Lot et Garonne ou encore dans l'Oise, où à chaque fois le FN a créé la surprise en atteignant le second tour et en s'approchant de la barre des 50 %. Cela pourrait se reproduire aux élections municipales 2014, du fait d'un électorat FN très mobilisé, qui a envie d'en découdre avec la gauche au pouvoir, et qui pense que leur vote a un sens et une utilité. Se présentant dans l'idée de gagner et non plus de faire de la figuration, ils sont particulièrement galvanisés.

L'idée d'un vote sanction contre le président et le gouvernement est plus forte en janvier 2014 qu'en janvier 2008 (25 % contre 16 %), mais émane principalement de l'électorat FN. Cela risque-t-il de faire perdre à l'UMP tout le bénéfice de l'impopularité de l'exécutif actuel ?

C'est toute la question de ces élections municipales. La gauche arrive dans une position plus inconfortable que celle que connaissait la droite en 2008, dans la mesure où le président de la République et le Premier ministre sont nettement plus impopulaires. La volonté de sanction est donc nettement plus forte aujourd'hui qu'à l'époque. Mais le mouvement de balancier gauche-droite pourrait être gelé, et il n'est pas du tout évident qu'un certain nombre de villes tombent dans l'escarcelle de l'UMP. Toutes nos enquêtes montrent que les candidats FN, lorsqu'ils sont présents, peuvent accrocher la barre du second tour, et servir de bouée de sauvetage à la gauche lorsque celle-ci est candidate sortante. Car en se détournant de l'UMP, une partie du vote sanction empêche cette dernière de faire tomber la majorité en place.

Parmi les enjeux relatifs à leur commune, c'est la fiscalité et les impôts locaux qui comptent le plus pour 48 % des sondés, soit une progression de 16 % en 1 an. Peut-on dire que les enjeux nationaux et locaux se confondent ? La politique fiscale menée en 2013 par le gouvernement pourrait-elle porter préjudice aux candidats de gauche ?

Il est certain que le sentiment de ras-le-bol fiscal qui s'est exprimé avec une intensité croissante au cours des derniers mois, à tel point que le ministre de l'économie Pierre Moscovici s'en est alarmé l'été dernier, et que François Hollande lui-même en a pris la mesure à la suite du mouvement des bonnets rouges, par contagion, touche le débat public local. Et il faut ajouter que les Français ont récemment reçu leur avis d'imposition. Cet enjeu sera au cœur du débat. D'ailleurs, Anne Hidalgo s'est très tôt désolidarisée du gouvernement, déclarant que les impôts des classes moyennes avaient été trop augmentés. Tout cela laisse à penser que le vote sanction à l'égard du gouvernement sera d'une grande ampleur. Le fait que la fiscalité et la sécurité fassent partie des enjeux prioritaires montre bien que ce sont des préoccupations plutôt de droite qui structurent le débat public localement. C'est un avantage indéniable pour les formations de droite, au détriment de celles de gauche.

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