Que pourrait finir par nous coûter le marteau pilon médiatico-judiciaire de l'affaire Dieudonné ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une fan de Dieudonné cherchant une place pour le spectacle interdit à Nantes.
Une fan de Dieudonné cherchant une place pour le spectacle interdit à Nantes.
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Effets secondaires

Il existe bel et bien un risque de dérive autoritaire quand on se lance dans les interdictions a priori et aussi un risque de donner à la "France d’en-bas" le sentiment qu’une élite dirigeante s’arroge le droit de décider ce qui est bon pour elle.

Albert C.  Querfiniec

Albert C. Querfiniec

Albert C. Querfiniec est journaliste. Il écrit pour Atlantico sous pseudonyme.

 

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Il fut un temps où la gauche, en France, prétendait incarner le combat émancipateur pour toujours plus de liberté ; elle réclamait la suppression du délit d’offense au chef de l’Etat, incrimination délicieusement obsolète, mais qui, aujourd’hui , aurait pu lui rendre service… Elle soutenait le droit à l’existence des radios que l’on qualifiait de « pirates » avant 1981… Elle prenait la défense d’ « artistes » comme l’auteur de l’ « œuvre » qui fera date dans les annales de la création contemporaine, « Piss Christ »…Elle se réunissait, sous la protection des C.R.S., au théâtre du Rond Point, pour protester contre l’obscurantisme de catholiques présumés fanatiques.

Les temps ont changé. Désormais le ministre le plus populaire du gouvernement actuel peut faire interdire les spectacles d’un humoriste provocateur. Beaucoup de citoyens français, et pas seulement des membres de la communauté juive, ont des raisons légitimes d’être choqués par les propos et les agissements de Dieudonné mais il a du métier et il jouit – on peut le regretter mais il faut bien le constater - d’une réelle popularité, notamment dans la jeune génération.

Les spectateurs éconduits, jeudi soir, à Nantes ont entonné spontanément la « Marseillaise » après avoir pris connaissance de l’arrêt du Conseil d’Etat. Cela veut bien dire que ce bras de fer politico – judiciaire (qui n’est pas terminé, car au-dessus du Conseil d’Etat en France, il y a la Cour européenne des droits de l’Homme… c’est ça aussi, l’Europe ! ) risque d’être interprété comme un combat entre les partisans de la liberté et les tenants de la censure. Où placer le curseur ? « Golgota Picnic » a pu être joué sur scène à Paris et les caricatures de Mahomet ont été publiées au nom de la liberté de création… A qui reviennent le droit et la responsabilité de dire jusqu’où ne pas aller trop loin et n’est-il pas préférable de sanctionner a posteriori quand une infraction est constatée, plutôt que d’interdire a priori ?

La belle unanimité qui s’est emparée de notre classe politique sert les intérêts de carrière de Manuel Valls même si cette affaire pose d’abord des questions de principe. Mais il existe bel et bien un risque de dérive autoritaire quand on se lance dans les interdictions a priori et aussi un risque de donner à la « France d’en-bas » le sentiment qu’une élite dirigeante s’arroge le droit de décider ce qui est bon pour elle.

La décision prise en urgence par un seul  individu, au nom du Conseil d’Etat, quelques heures à peine après un arrêt en sens contraire rendu par un tribunal administratif ne manquera pas d’accréditer la thèse d’une justice d’exception statuant dans la précipitation… Puisse ce marteau-pilon médiatique et judiciaire ne pas alimenter davantage encore le goût de la transgression et les dérapages antisémites.

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