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Les appartements récents ne mesurent plus que 60,5 m² en moyenne.
Les appartements récents ne mesurent plus que 60,5 m² en moyenne.
©Reuters

Toit, toit, mon toit

L'habitat des Français se rétrécit en zone urbaine sur les 30 dernières années. Ainsi, les appartements récents ne mesurent plus que 60,5 m² en moyenne en 2003 contre 65 m² à peine six ans plus tôt. Un phénomène aux explications économiques mais également sociologiques.

Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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Atlantico :  Comment expliquer, sur le temps long, une telle diminution de la surface des habitats en milieu urbain ? Quelles sont les explications économiques ? Le rétrécissement des appartements en zone urbaine ces dernières années est-il également une conséquence de la crise ?

Michel Mouillart : Quand on regarde sur une longue période, c'est en milieu urbain que la taille des logements se réduit le plus rapidement. En situation de crise économique ou de contraction des aides publiques pour accéder à la propriété par exemple, le phénomène se retrouve également en zone rurale. Mais généralement, le mouvement est plus marqué en zone urbaine. Pourquoi ? On pense évidemment à un effet de la crise qui impacte le pouvoir d'achat des ménages et rend difficile le financement de projet immobilier plus ambitieux. C'est évident : en situation de crise, les financements sont moins faciles ou moins importants et on va donc chercher des logements moins coûteux, donc plus petit.

Mais il faut aussi se souvenir que la pression de la demande étant là, l'augmentation du nombre de ménages se traduit par la raréfaction des surfaces foncières disponibles. En milieu urbain, on a cette conséquence-là avec des  logements construits qui, au-delà même de l'effet prix, sont moins spacieux du fait de la réduction des surfaces foncières disponibles. On peut échapper à cela si on densifie ou si on construit plus haut mais on bien vu au cours des dernières années que c'est une opération très difficile à mettre en œuvre.

Pourtant, la France ne manque pas encore de terrains constructibles…

Il est vrai que la France ne manque pas de foncier : on a des terrains pour construire. Mais il est rare parce qu'il est cher, encore plus là où on en a besoin. On aurait besoin de construire plus sur les zones les plus convoitées, les plus denses, comme dans les grandes agglomérations, et c'est là que le foncier est le plus cher. Et donc les produits qui vont sortir de terre sont à un niveau d'achat ou de loyer élevés. On va donc être encore une fois sur un mouvement de réduction de la surface pour entrer dans le budget des ménages.

Quelles peuvent être les raisons sociales de cette évolution ? La mutation de la famille, l'augmentation du nombre de divorces, par exemple, a-t-elle un lien sur la crise du logement ?

Les habitudes des ménages se sont transformées avec l'augmentation du nombre de divorces, la séparation des couples, la recomposition des familles, etc. Il y a donc derrière ce phénomène de diminution de la surface des logements des mouvements socio-démographiques qu'il ne faut pas perdre de vue. Cela nous renvoie à autre chose qu'à la rareté foncière, que le pouvoir d'achat ou les aides, ça nous renvoie aux comportements sociaux des acteurs économiques. La séparation est associée à un appauvrissement de l'une ou des deux parties, d'un alourdissement de la charge au logement et donc, du même coup, à  une recherche d'économie sur l'espace, source de coût. Cet élément vient se surajouter aux facteurs économiques évoqués avant. 

Par rapport au logement, le divorce est l'un des problèmes qui est amplifié tous les grands mouvements évoqués précédemment : deux personnes en couple sont plus faciles à loger que deux individus tous seuls. Et lorsqu'il y a des enfants, le droit de visite ou l'hébergement nécessite le maintien de capacité d'accueil dans le logement qui vont être contraintes par les ressources du ménage.

Enfin, le mouvement de rurbanisation se traduit inévitablement par la recherche de la ville ou de ce qui lui ressemble. Le coût que les uns et les autres acceptent de supporter pour être dans la ville ou à proximité se paye en termes de surface habitable. C'est un mouvement de transformation des habitudes puisqu'on ne vit plus à la ville comme on vivait à la campagne et qui creuse le fossé entre habitat rural et habitat urbain.

Le développement démographique des années 1960 a-t-il eu un impact direct sur la taille des appartements ?

Au cours des 50 ou 60 dernières années, le mouvement lourd est celui de la taille des ménages, ce qui pour beaucoup signifie réduction de la taille du logement. Mais n'oublions pas que la société, d'une manière générale, s'est enrichie, ce qui a donc permis un usage plus large de l'espace.

De ce point de vue, le mouvement de réduction de la surface a donc été contrebalancé en partie par une recherche d'une plus grande aisance dans les logements. D'autant que l'augmentation de la durée de vie se traduit par l'augmentation de la taille des unités/habitations : la surface disponible s'accroit quand les enfants partent du logement, si les parents y restent. Ce mouvement vient perturber les évolutions précédentes.

Quid de l'habitat en milieu rural ?

Les élus locaux ont là-aussi des préoccupations en termes d'occupation de l'espace : préservation des terrains agricoles, recherche d'une moins grande dispersion de l'habitat, lutte contre l'étalement... Même en milieu rural on finit par trouver ces mêmes raisons qu'en milieu urbain pour expliquer la raréfaction de la surface foncière disponible.

Mais d'une manière générale, la taille des logements reste plus grande en milieu rural qu'en milieu urbain. En milieu rural ou sur les villes de moins de 2 000 habitants, la disponibilité de l'espace permet encore de contenir le mouvement de diminution des surfaces.

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