Pourquoi la simplification administrative restera un serpent de mer tant qu'on en confiera l'exécution à la fonction publique<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande va de nouveau évoquer ce jeudi à Toulouse la question de la simplification des démarches administratives.
François Hollande va de nouveau évoquer ce jeudi à Toulouse la question de la simplification des démarches administratives.
©Reuters

Pas si simple

Quasiment un an après les premières annonces du "choc de simplification" des démarches administratives, François Hollande remet le sujet sur la table. Mais des changements rapides et spectaculaires de l'administration française semblent peu probables.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico :  François Hollande va de nouveau évoquer ce jeudi à Toulouse la question de la simplification des démarches administratives, un thème récurrent depuis son accession au pouvoir en 2012. Pourtant, les avancées sur cette question semble bien minces. Les administrations peuvent-elles réellement réussir via la seule incitation politique ce "choc de simplification" ?

Éric Verhaeghe : Les fonctionnaires en poste ont tous connu au moins une vague de simplification administrative. Chaque président ou chaque Premier Ministre promet toujours la même chose. Comme cette promesse est un dossier auquel personne ne croit et qui ennuie tout le monde, il se résume généralement à un appel à idées dans les services, qui nourrissent un décret qui paraît au Journal Officiel dans une indifférence générale. Et qui ouvrent une course à une nouvelle complexification. Il faut toujours avoir en tête que la première occupation d'un fonctionnaire livré à lui-même dans un bureau consiste à créer une procédure, puis à vérifier son bon respect par les administrés. La complexité administrative est la raison d'être du fonctionnaire. Il suffit de lire les instructions fiscales pour le mesurer: les fonctionnaires bercyens, qui sont inutilement pléthoriques, justifient leur emploi par une complexité totalement démentielle.

Cette simplification administrative a été réitérée lors des vœux télévisés du président de la République comme un objectif pour 2014. Quelles sont les avancées que l'on peut vraiment espérer de la part des administrations cette année ? Quelles sont celles qui au contraire, alors qu'elles étaient annoncées, risquent de rester au stade du vœu pieux ?

Le sujet de fond, tout le monde le sait, est celui de la perception des impôts sur le revenu à la source, c'est-à-dire sur la fiche de paie. Du jour où les impôts ne sont plus prélevés à l'issue d'une procédure annuelle de déclaration horriblement compliquée et consommatrice de main-d'oeuvre inutile, du jour où ils sont perçus mensuellement par les employeurs avec une correction annuelle notifiée par les services fiscaux, on simplifie fortement la vie des Français. Cet objectif est réaliste. Il suppose simplement de vaincre la résistance des syndicats implantés à Bercy, et singulièrement de la CFDT qui détient un bastion là-bas. Vous remarquerez d'ailleurs que la CFDT est très hostile à une fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu. Cette hostilité s'explique d'abord par la réticence de la section syndicale de Bercy qui craint de voir les effectifs du fisc fondre comme neige au soleil, ensuite par la crainte de voir la gouvernance paritaire de la sécurité sociale disparaître. 

François Hollande étant un président issu d'un parti souvent proche des intérêts de l'administration et de la fonction publique, le choc de simplification qu'il appelle de ses vœux lui serait-il vraiment profitable ? Le projet ne risque-t-il pas de se heurter au mur des réalités politiciennes ? 

Je poserais volontiers le problème de façon un peu différente. La complexité administrative est un vieux débat en France. Lisez la description de l'administration française d'Ancien Régime par Tocqueville, et vous vous apercevrez que ce sujet est à la fois un poncif vieux comme la France et une marque de fabrique dans notre pays. La France a toujours eu, même au Moyen-Age, des bureaux remplis de fonctionnaires obscurs occupés à demander des justificatifs et à ratiociner sur le respect des consignes. François Hollande le sait. Quand il a promis son choc de simplification, on pouvait imaginer qu'il y avait urgence à y procéder. Résultat: neuf mois après, on commence à peine à se demander à quoi il pourrait ressembler. Il faut bien occuper l'opinion quand on n'a pas de bons chiffres à produire sur le chômage.

L'administration française n'étant pas toujours très réactive quand il s'agit de se réformer, quels sont les sources de pression extérieures pouvant faire bouger rapidement les lignes ? Si l'administration fait défaut, qui peut être l'instigateur d'un "choc de simplification" ? 

Je vais rabâcher mes antiennes. Premier point: il faut responsabiliser les hauts fonctionnaires en prévoyant leur licenciement pour faute lorsqu'ils n'atteignent pas leurs objectifs financiers au sens large, c'est-à-dire simplification administrative comprise. Aujourd'hui, un haut fonctionnaire qui échoue est affecté dans un corps d'inspection où il travaille quelques heures par semaine pour un salaire net variant de 4.000 à 10.000 euros mensuels. Ce n'est évidemment pas une manière satisfaisante de responsabiliser. Deuxième point: c'est aux citoyens eux-mêmes de régler cette affaire. Il y a une règle intangible à suivre lorsque vous recevez un courrier avec une Marianne en en-tête: ne l'ouvrez jamais et regardez le temps qu'il faut à l'administration pour vous envoyer le même courrier en recommandé avec accusé de réception. Si vous n'êtes jamais relancé, c'est que ce courrier ne servait à rien et vous avez fait oeuvre utile en créant votre propre choc de simplification. 

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