Grotesquonomics : plus fort que Karine Berger, Pierre Moscovici sauve le monde <!-- --> | Atlantico.fr
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Pierre Moscovici, le ministre de l’Économie.
Pierre Moscovici, le ministre de l’Économie.
©Reuters

Méthode Coué

A ressasser sans cesse que la courbe du chômage est sur le point de s'inverser, le ministre de l'Economie croit peut-être à la prophétie autoréalisatrice. Mais pour l'heure, son excès d'optimisme n'apporte que discrédit et défiance à l'égard de la France.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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En Juin dernier, Karine Berger, députée des Hautes Alpes nous informait de son pouvoir : "Effectivement, je suis l'un des députés les plus visibles. J'ai le sentiment surtout d'être extraordinairement influente dans l'équilibre croissance-austérité. Ma voix a fortement porté et le président de la République l'a entendue. De même pour la loi bancaire. J'avoue que cette capacité à faire bouger les lignes dès la première année de mon élection a sans doute surpris... C'est aussi le fruit de ma motivation, de mon ambition et de mon énergie".

Les résultats obtenus par la politique économique française devraient laisser quelques doutes à Karine Berger. Mais cela serait sans compter les déclarations de Pierre Moscovici, Ministre des Finances, le 7 janvier sur RTL :

"La croissance mondiale est en train de repartir, la croissance européenne repart, notamment grâce à nous, grâce aux efforts que nous avons fait pour réorienter la construction européenne, l’économie européenne est sortie de la récession".

Le ministre des finances semble assez éloigné de l’analyse de Chris Williamson, chef économiste à Markit, qui publiait son rapport sur la zone euro le 6 janvier dernier :

"Toutefois, si la reprise de la zone de la monnaie unique dans son ensemble semble être en passe de se consolider en 2014, la croissance reste inégale, les données de l’enquête suggérant notamment la possibilité d’un retour à la récession en France au cours du quatrième trimestre 2013. Si la reprise s’opérant dans le reste de la région pourrait aider l’Hexagone à revenir à la croissance, seules des réformes structurelles pourront garantir une reprise solide et durable dans la deuxième économie de l’union monétaire."

Classement des pays par niveau d’Indices PMI® :

Composites de l’Activité Globale (décembre)

Irlande 58.6 Plus haut de 2 mois

Allemagne 55.0 Plus bas de 2 mois

Espagne 53.9 Plus haut de 77 mois

Italie 50.0 Plus haut de 2 mois

France 47.3 Plus bas de 7 mois

Ironie du sort, c’est ce même jour que Jack Lew, secrétaire américain au Trésor, rendait visite au ministre. L’objectif de cette visite était de demander aux responsables européens de traiter la crise et d’en finir avec une économie européenne moribonde qui mine la croissance mondiale. Et de plaider pour des programmes de relance de la demande intérieure européenne. Bref, de passer un savon aux Européens qui restent seuls les deux pieds englués dans la crise. Ce discours des officiels américains est constant depuis des mois, et répété à chaque G20 par l’ensemble des zones économiques. Suite à cette rencontre, notre Ministre des Finances intervient alors sur twitter en faisant part de son approbation :

Le problème est bien entendu qu’encore une fois le Ministre s’égare. Comment comparer l’économie américaine dont le dernier trimestre affiche 4.1% de croissance alors que la France comptabilise un -0.1% ? Comment comparer un plan de relance monétaire de  1 trillion de dollar sur la dernière année et l’absence totale d’action du gouvernement français face à la Banque centrale européenne ? Si une chose est comparable c’est la taille du déficit pour l’année 2014, soit 4.1%. Il reste à comparer un niveau de chômage de 7% aux États-Unis contre 11% en France. Alors si les États-Unis et la France ont "une approche très convergente", il semble que les résultats par contre, divergent sensiblement.

Car la réalité est celle-ci : L’Europe est aujourd’hui le boulet de l’économie mondiale, et la France est devenue le boulet de l’Europe en cette année 2013. Ce qui rend évidemment grotesque la sortie de Pierre Moscovici.

Entre le ministre des finances Allemand, Wolfgang Schäuble qui affirmait en septembre dernier dans  le Financial times que la crise était derrière nous (ce qui lui avait valu la tirade sarcastique d’Ambrose Evans Pritchard  du Telegraph : "Je m’excuse personnellement auprès de Monsieur Schäuble, de l’avoir soupçonné de dangereuse médiocrité, d’arrogance, de superficialité, d’étroitesse d’esprit, de provincial, et de non scientifique à des degrés constants. Cela était véritablement choquant") et Pierre Moscovici, la zone euro ne risque rien. Le tandem franco-allemand veille au grain.

C’est dans ce contexte que la déclaration de Pierre Moscovici peut être appréciée comme une pierre supplémentaire apportée au colossal édifice de la défiance du public envers la parole politique. La totale négation du réel, la situation des 5 millions de chômeurs à qui on rabâche que tout va bien, que ça "repart", que la courbe du chômage n’en finit plus de s’inverser, sont autant de coups portés au Politique. Pierre Moscovici ne peut croire ce qu’il dit et ne le fait sans aucun doute que par esprit d’optimisme qui se voudrait communicatif. Il ne pourra en récolter que crispation, défiance et discrédit.

Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez le nouveau livre de Nicolas Goetzmann :Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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