Le réchauffement climatique est-il en train de nous congeler sur pieds ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Femme assise dans un siège de glace.
Femme assise dans un siège de glace.
©Reuters

Ça caille !

- 20°C, voire - 40°C dans certaines régions : les États-Unis font face à une vague de froid, la plus dure depuis 1993. La fonte des glaces, due au réchauffement climatique, pourrait expliquer ce refroidissement temporaire. Mais pas seulement...

Frédéric Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Atlantico : Une vague de froid polaire sévit actuellement aux États-Unis. Les températures sont exceptionnellement froides, jusqu'à - 53°C dans le Montana lundi, des niveaux jamais atteints depuis 20 ans, alors qu'au pôle Sud la température n'était que de - 34°C. Comment expliquer de tels records et différences ? Le dérèglement climatique est-il pour quelque chose dans ces phénomènes ? Si oui, Comment agit-il ?

Frédéric Decker : Une bulle d'air glacial s'est détachée du vortex polaire pour migrer très au sud, à travers le Canada puis la majeure partie des États-Unis. Il s'agit de la vague de froid la plus sévère depuis 1993. Mais dans le passé, les États-Unis ont connu bien pire encore : en 1993, la vague de froid et de neige descend du Canada jusqu'au nord du Mexique, avec 4m50 de neige par endroits ; l'hiver 1976-77 a vu un grand blizzard traverser une grande partie des États-Unis. En 1968, Chicago a été coupée du monde pendant plusieurs jours, bloquée par 80 cm de neige. En 1922, le mercure dégringole à -48°C dans le Wisconsin, soit 35°C sous la normale saisonnières ! A ne pas comparer avec les -53°C estimés au vent en ce moment : la température officielle (sous abri) est plus élevée (mais de -32°C tout de même !)

Quand il fait très froid quelque part, il fait très doux ailleurs, le climat s'autorégule. La douceur européenne actuelle est d'ailleurs partiellement liée à la vague de froid nord-américaine. Et rien d'étonnant à voir -34°C au Pôle Sud : c'est la période la plus "chaude" de l'année là-bas, en plein cœur de l'été de l'hémisphère sud. Il peut même faire jusqu'à 10°C sur la frange littorale de l'Antarctique.

On ne peut pas relier un phénomène météorologique isolé au réchauffement climatique, aussi extrême soit-il. En revanche, la répétition anormale d'un phénomène pourrait éventuellement être liée au réchauffement. Ce n'est pas le cas avec cette vague de froid : l'Amérique du Nord a connu plusieurs hivers consécutifs normaux, voire doux ces dernières années. Les Canadiens se plaignaient même de "ne plus avoir d'hivers..."

Constate-t-on réellement une tendance à des hivers de plus en plus froids ? 

Pas du tout. Comme je le disais précédemment, l'Amérique du Nord sort d'une série d'hivers doux. 2013-2014 semble rompre cette série (mais l'hiver n'est pas fini, et New York battait un record de chaleur vers Noël avec... 22°C !). Pas de signe de refroidissement non plus chez nous en France : les hivers se sont réchauffés de 1,4°C depuis les années 50. Les hivers des années 2000 ont été un peu moins doux que la décennie 90 (0,5°C de moins), mais bien plus doux que les décennies précédentes. On ne peut pas conclure à un "refroidissement" sur une période si courte, et la tendance claire reste au réchauffement jusqu'à aujourd'hui.

A quel sort doit s'attendre l'Europe, y compris dans les pays du sud, dans les semaines qui viennent ? 

La bonne nouvelle, c'est la fin des intempéries parfois violentes que nous subissons depuis Noël. Le baromètre est en hausse, les pluies vont donc reculer ces prochains jours, y compris au Royaume-Uni. La situation va pouvoir s'améliorer nettement sur le front des inondations en Bretagne, et les vagues vont diminuer franchement sur la côte atlantique.

La douceur, remarquable actuellement, va reculer à partir de vendredi. Nous retrouverons alors des valeurs presque de saison, ou légèrement au-dessus des normales saisonnières. Mais pas de vague de froid à l'horizon pour les 10-15 prochains jours en raison d'une NAO (Oscillation Nord Atlantique) qui devrait rester positive. Pour la suite, rien n'est sûr, mais la tendance pour février serait entre "normal" et "doux"... sachant que cette tendance n'est fiable qu'à 60 %.

Le sud de l'Europe devrait connaître des conditions plutôt printanières avant l'heure, douces et sèches. La faute à un anticyclone méditerranéen difficile à déloger et des anomalies tropicales de convection.

Plus largement, comment les choses pourraient-elles évoluer dans les années à venir ? 

Sauf "accident naturel" tel qu'une ou plusieurs éruptions volcaniques intenses, susceptibles de refroidir l'atmosphère, le réchauffement est censé se poursuivre. Ces dernières années, malgré une activité solaire particulièrement faible, les thermomètres n'ont pas réussi à descendre, tout au plus à stagner à un niveau élevé par rapport au siècle passé. On peut donc craindre une reprise ou une accélération du réchauffement au retour d'une activité solaire plus forte. Mais l'évolution climatique reste assez difficile à cerner, nous n'en connaissons pas tous les rouages. Je suis d'avis que des surprises sont possibles, dans un sens ou dans l'autre.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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