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Pourquoi Richard Nixon n'est pas seulement l’homme du Watergate
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Légende noire

Suite à la commémoration des 50 ans de l’assassinat de Kennedy est sortie une imposante biographie de Richard Nixon. Antoine Copppolani, son auteur, tente le pari de passer outre la légende noire. S’il évoque la face sombre de « Trick Dick » (Dick le truqueur, son surnom), l’historien tente de peindre un portrait équilibré du 37e président des États-Unis, dont l’impact sur l’Amérique mérite d’être réhabilité.

Atlantico : Dans l’introduction de votre livre, vous écrivez que le tribunal de l’histoire ne doit pas exister. Pourtant la grande partie de l’historiographie autour de Richard Nixon se révèle être un procès à charge. Comment l’expliquez-vous ?

Antoine Coppolani :Le défi principal lorsqu’on fait une biographie de Richard Nixon, c’est de maintenir la balance égale.Beaucoup d’historiens, pour des raisons idéologiques ou politiques, ont accentué la face sombre de Nixon, en oubliant ses succès. Si on veut reprendre la métaphore de la justice, l’historien doit être un juge d’instruction qui doit instruire à charge et à décharge. J’ai essayé d’avoir cette conception dans mon livre en évoquant bien évidemment sa part sombre, avec le Watergate en point d’orgue, mais également ses nombreux succès politiques.

Pendant sa carrière, on l’a traité de nazi (campagne présidentielle de 1972), on a dit qu’il était pire que Satan. George Lucas s’est même inspiré de lui pour construire son personnage de l’Empereur dans la Guerre des Étoiles. Pourquoi, comme l’a mis en évidence l’historienne Joan Hoff, Nixon est « l’homme qu’on aime haïr ».

Ce sentiment est venu très tôt. Dès 1946 et sa première élection. Le Watergate, en 1974, demeure évidemment la cerise sur le gâteau. C’est Richard Nixon qui a bâti lui même cette réputation sulfureuse. Il avait une manière très agressive de mener les campagnes. Il suivait à la perfection le principe de son conseiller, Murray Chotiner, pour qui les électeurs ne votaient pas pour une idée, mais contre une idée ou un homme. La Guerre froide et la lutte contre le communisme sont venues télescoper cette image d’homme dur. Ces éléments en ont fait un personnage extrêmement polarisant. Sans oublier qu’au début de sa carrière, il n’était pas du sérail. C’était un jeune républicain, fils d’épicier venu de l’Ouest californien. Il était à l’extérieur des cercles de Washington. Comme c’est un personnage qui divise profondément, il a agrégé autour de lui et de sa longue carrière, un éventail d’ennemis assez large et puissant.

Est-ce que comme le dit Henry Kissinger, son conseiller aux relations internationales, Nixon est l’un des plus grands présidents américains ?

Du fait de sa face sombre –  et personne ne peut l’effacer –  Richard Nixon n’est pas un Lincoln ni un Roosevelt. Mais dans la politique menée, notamment internationale, ses succès éblouissants en font un des très grands présidents. Il a rapproché la Chine communiste de Mao des États-Unis, il a amorcé la Détente avec l’URSS, a signé des accords pour la limitation des armes (accords SALT) et a mis fin, et ce n’est pas rien, à la guerre du Viêt Nam. Avec Kissinger, ils ont mis au centre des relations internationales américaines, la notion de Realpolitik. Le bilan est donc plutôt positif. Bien sûr, il y a eu des tragédies sanglantes au niveau régional (Chili, Cambodge et lors de la guerre indo-pakistanaise), mais si on change d’échelle, à un niveau global, les succès de Nixon sont tout à fait indéniables.

Pour les affaires internes, il n’était pas un républicain dur et voulait par exemple instaurer un système d’assurance-maladie qui selon le Prix Nobel d’Économie Paul Krugman était plus ambitieux que celui mis en place par Obama...

C’est vrai. Mais sur le plan intérieur, c’est assez différent. Autant la politique étrangère passionnait Nixon, autant la politique intérieure le préoccupait moins. Il trouvait cela ennuyeux. Comme il avait coutume de dire, il s’agissait de « construire des appentis chez les bouseux ». De plus, il n’a jamais eu la majorité au sein des deux chambres et Nixon ne voulait pas s’abaisser à négocier avec des ennemis politiques. Mais au-delà de ça, Richard Nixon était tout sauf un dogmatique, surtout à l’aune des républicains actuels. Aujourd’hui, il serait considéré comme un Rino (Republican in name only : un républicain qui n’en a que le nom). Ce fut un progressiste qui est aujourd’hui en voie de disparition dans le parti républicain. Il voulait instaurer le Family Assistance Plan, une réforme sociale ambitieuse, mais qui n’a pu trouver un consensus.

Malgré son apport à la France, en termes de modernité, Napoléon III n’a jamais réussi à dépasser Napoléon le petit, le brûlot de Victor Hugo. Nixon arrivera-t-il à dépasser Les hommes du Président - film traitant du scandale du Watergate ?

Son image reste et restera marquée par le Watergate. Ce fut le seul président obligé de démissionner pendant son mandat. Nixon le disait lui-même que les deux événements qui resteront de sa présidence seront l’ouverture de la Chine et le Watergate. Mais l’appréciation négative de ses cinq ans à la tête des États-Unis devrait s’atténuer. Les Américains savent que ce n’est le pire des présidents qu’ils ont eus à la tête de leur pays.

A lire : Richard Nixon, d’Antoine Coppolani, Fayard, 2013, 32 €

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