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La sortie de la crise européenne sera plus fragile qu’il n’y paraît.
La sortie de la crise européenne sera plus fragile qu’il n’y paraît.
©Mottez.com

Doucement, doucement

Déflation, panne des investissements d'entreprises, décrochage continu de l'industrie... l'année 2014 laisse peu de places aux anticipations optimistes. Tour d'horizon des vœux qu'il faudrait exaucer pour sortir l'Europe de la crise.

Pascal de Lima

Pascal de Lima

Pascal de Lima est un économiste de l'innovation, knowledge manager et enseignant à Sciences-po proche des milieux de cabinets de conseil en management. Essayiste et conférencier français  (conférences données à Rio, Los Angeles, Milan, Madrid, Lisbonne, Frankfort, Vienne, Londres, Bruxelles, Lausanne, Tunis, Marrakech) spécialiste de prospective économique, son travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'ADL et Altran 16 000 salariés, toujours dans les départements Banque-Finance...), il fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, il devient en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management.

Diplômé en Sciences-économiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (PhD), de Panthéon-Sorbonne Paris 1 (DEA d'économie industriel) et de Grandes Ecoles de Commerce (Mastère spécialisé en ingénierie financière et métiers de la finance), il dispense actuellement à Sciences-po Paris des cours d’économie. Il a enseigné l'Economie dans la plupart des Grandes Ecoles françaises (HEC, ESSEC, Sup de Co, Ecoles d'ingénieur et PREPA...).

De sensibilité social-démocrate (liberté, égalité des chances first et non absolue, rééquilibrage par l'Etat in fine) c'est un adèpte de la philosophie "penser par soi-même" qu'il tente d'appliquer à l'économie.

Il est chroniqueur éco tous les mardis sur Radio Alfa, 98.6FM, et chroniqueur éco contractuel hebdomadaire dans le journal Forbes.

 

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L’année 2013 a d'abord été marquée aux Etats-Unis par la fermeture des administrations fédérales non essentielles suite à un conflit budgétaire lié au bipartisme américain. Le shutdown américain montre que les enjeux économiques aujourd’hui portent sur le déficit public, l’endettement public, et l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques de plus en plus. C’est un premier point pour l’année 2014.

Le deuxième événement est probablement le déclin de l’industrie dans bon nombre de pays occidentaux comme en témoigne la chute finale de Détroit, symbole de la prospère industrie automobile américaine. Le vœu du retour de l’industrie en 2014 en Occident est donc le second vœu pour une « bonne année 2014 ». La France bien sûr, avec la symbolique fermeture du site Peugeot d’Aulnay-sous-bois, et ses plans sociaux en cascade dans l’industrie est loin d’être épargnée par cette tendance.

Le troisième événement est le ralentissement des BRICS et autres émergents. En subissant le contrecoup de la crise en Europe et aux Etats-Unis, les croissances de la Chine, de l’Inde et du Brésil ont ralenti. Le vœu du retour de la croissance de ces pays en 2014 est donc le troisième vœu pour une « bonne année 2014 ».

Le quatrième événement me paraît être franco-français : des pigeons aux poussins, en passant par les dodos, dindons, et autres moutons, la France a passé une période de ras-le-bol fiscal sans précédent dans l’histoire moderne. Le vœu d’un apaisement fiscal en 2014 est donc le quatrième vœu. Cet apaisement fiscal nous paraît être compatible avec la lutte contre l’évasion fiscale, l’une des plus grandes injustices puisqu’elle érode la base fiscale aux dépens des contribuables.

Enfin, le cas de JP Morgan, empêtrée dans de nombreuses affaires (subprimes, violation de l’embargo avec l’Iran, affaire Madoff, emploi d’enfants de dignitaires chinois) et le cas paradoxal des bourses mondiales florissantes en fin d’année nous semblent constituer ce que l’on pourrait appeler le retour de la finance, les affaires et la spéculation. De plus, des entrées triomphales en bourse comme Twitter et des fusions spectaculaires à gros effet de levier comme celle d’Amazon et du Washington-post complètent la liste qui me paraît appartenir au même groupe : la régulation nécessaire pour 2014 du monde de la finance. Attention aux nouvelles bulles spéculatives, même si un meilleur contrôle du monde de la finance ne doit pas amener à sa stérilisation (ce qui est plus difficile). Le vœu d’une meilleure régulation financière pour 2014 est donc le cinquième vœu.

A partir de là nous allons essayer d’identifier les risques majeures pour l’année 2014 pour conclure ensuite.

Dans la zone euro, la situation actuelle en matière de prévision économique pour l’année 2014 nous parait excessivement optimiste. La faiblesse du commerce international, la dynamique déflationniste, l’attentisme des entreprises et la faiblesse des progrès institutionnels notamment au sud semblent conforter l’idée d’une croissance pour la zone euro plus proche de 1% que de 1,6%. Ainsi, ce que l’on a pu observer en 2013 et les différents indicateurs économiques sèment le doute sur la réalité d’une reprise économique significative en zone euro (nettement supérieure à 1,5%) et notamment en France malgré quelques signes positifs dans les pays du sud de l’Europe (Portugal). La réduction des déficits publics continuera en France selon Natixis Research. Mais aussi en Espagne, en Italie, au Portugal et partout ailleurs à l’exception de l’Allemagne. La situation relative des banques et le niveau des taux d’intérêt bas est une situation plutôt favorable à la France.

Dans les pays du sud en particulier, les dynamiques divergentes menacent la stabilité économique des territoires. Ces pays doivent en effet mettre en place des politiques de baisse des prix pour avoir une inflation inférieure à l’inflation allemande. Mais le problème est qu’avec une inflation nulle par exemple, les taux d’intérêt réel vont dépasser les taux de croissance réels. Ceci risque de déprimer la demande et empêcher justement que cela ait un effet positif sur l’activité. Ce phénomène peut conduire à une hausse de l’endettement public et donc une nouvelle défiance sur les obligations de ces pays entraînant une nouvelle hausse du taux nominal à 10 ans. On peut donc craindre un cercle vicieux.

En France, le problème est maintenant assez bien appréhendé : la compétitivité du pays, la faiblesse de la productivité, l’attraction de la France pour les investissements. Ceci entraîne inéluctablement la faiblesse des exportations, le recul des investissements des entreprises, le recul de l’emploi. Il faut ajouter à cela d’après Natixis Research, le recul de la construction résidentielle et le niveau élevé des prix de l’immobilier. La France a de grosses difficultés face aux réformes structurelles pourtant urgentes : une obsession de la consommation qui rend difficile une réforme fiscale qui taxerait davantage les consommateurs. Le ras le bol fiscal limite considérablement les marges de manœuvre du gouvernement très impopulaire.

Nous pouvons donc identifier trois risques majeurs pour l’année 2014 : une croissance nettement inférieure aux attentes surtout en France et en Italie, le retour de la crise des dettes souveraines dans la zone euro et sa contagion vers les marchés des pays émergents, d’autant plus que beaucoup de pays émergents se fragilisent de plus en plus (déficits extérieurs, croissance plus faible, perception du risque plus forte).

Mes vœux pour 2014 sont donc les suivants : dans un contexte de ralentissement des émergents et de prévisions de croissance trop optimistes, la question de l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques au coup par coup va prendre de l’ampleur. Il ne s’agira plus d’additionner des chiffres avec des joujoux mais de faire de la politique publique qualitative de terrain. Dans ce contexte, on s’intéressera plus particulièrement à la santé de l’industrie et l’on espérera un apaisement fiscal et une plus grande simplicité et lisibilité. La remise de la France des cadres au travail en dépens, et la fin des 35h est absolument essentielle. Cet apaisement fiscal devra être compatible, donc, avec d’autres réformes structurelles. La lutte contre l’évasion fiscale devra être renforcée, l’Union bancaire en zone euro, et la régulation financière à l’échelle monde redessinées. Nous rêverions que tous ces vœux soient compatibles avec trois principes : la liberté d’entreprise et la liberté d’expression, l’égalité des chances dans les trajectoires et non l’égalité absolue, le refus de la misère.

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