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Austérité et immigration : les recettes dont les Britanniques pensent qu'elles feront d'eux la première puissance économique européenne d'ici 2030
©Reuters

Preum's

D'après le Center for Economics and Business Research (CEBR), un think tank britannique eurosceptique, la Grande-Bretagne deviendra la première puissance économique d'Europe en 2030, doublant ainsi l'Allemagne.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 26 décembre dernier, le CEBR, (Centre de recherche économique et des affaires basé au Royaume -Uni), publiait son classement économique, pays par pays, et selon des prévisions allant jusqu’à l’horizon 2028.

« Selon nos prévisions, la France sera l’un des pays les moins performants, glissant progressivement de la 5e place à la 13e place du classement d’ici à 2028. La faible croissance engendrée par une forte pression fiscale est la problématique majeure. De plus, la France partage les problèmes de la zone euro ; une faible exportation et une devise qui se déprécie ». Autant les inquiétudes relatives à la place de la France dans l’économie mondiale sont légitimes, autant les prévisions du CEBR ne sont pas convaincantes. Les perspectives envisagées pour la France ne relèvent ici non pas de problèmes économiques, mais d’un désastre complet. L’institut ne prévoit aucune croissance en France sur un horizon 5 ans, et même pire, une récession de 1.6% sur l’ensemble de la période. La principale donnée utilisée pour justifier un tel phénomène est la valorisation de la monnaie européenne, vouée selon le CEBR à une baisse drastique au cours des prochaines années. Cette perception semble curieuse dans une situation ou la monnaie unique a été la devise occidentale la plus forte au cours de l’année 2013, et de très loin par rapport au dollar américain ou au yen japonais.

Mais l’organisme britannique va plus loin, et envisage la situation du Royaume-Uni sous un jour très flatteur : « Selon nos prévisions, le Royaume-Uni sera le deuxième pays le plus performant des économies occidentales, après les Etats-Unis. Une démographie positive rendue possible par l’immigration, une plus faible exposition à l’euro zone que d’autres pays européens, ainsi qu’une faible pression fiscale selon les standards européens, permettront une croissance plus rapide que dans la plupart des économies occidentales. »

Ainsi, selon le CEBR, le Royaume-Uni va rapidement ravir à la France sa 5e place au classement des économies mondiales, pour finir au 7e rang en 2028 (l’Inde et le Brésil passent devant), et largement devant la France qui plonge au 13e mondial, derrière la Corée, la Turquie et le Canada.

Les principaux supports de cette réussite britannique sont ainsi pointés ; austérité et immigration.

Austérité

Les politiques d’austérité menées au Royaume-Uni sont très différentes de celles menées dans le reste de la zone euro. En effet, bien que le gouvernement tende à baisser le volume des dépenses publiques, celles-ci sont compensées par un double plan de relance. Pour une part, les déficits sont maintenus à des niveaux très élevés, soit 7% pour cette année 2013, après avoir atteint un seuil de 11% pour l’année 2010. Et pour une autre part, un plan de relance monétaire supérieur à 20% du PIB du pays. Cette double relance permet en effet au Royaume-Uni de réduire son train de vie à long terme et ainsi accroître son potentiel de croissance, et ce, toujours pour le long terme.

Le graphique suivant permet de mesurer les efforts menés sur le nombre de fonctionnaires depuis l’arrivée du gouvernement de David Cameron en 2010 :

http://www.ons.gov.uk/ons/rel/lms/labour-market-statistics/december-2013/sty-public-sector-employment.html

Comme le démontre le schéma, cette réduction d’effectifs est réelle mais tient compte d’un double phénomène : l’accroissement très important des effectifs suite à la nationalisation des banques lors de la crise financière, et la sortie des « English Colleges » de ces mêmes effectifs en 2012. Malgré tout, la baisse est réelle et en ressort une stagnation du nombre de fonctionnaires sur les 10 dernières années.

Cette baisse d’effectifs est une réussite car elle a été concomitante à grand nombre de créations d’emplois dans le secteur privé. Au 3e trimestre 2013, et comparativement au 3e trimestre 2012 52 000 emplois publics avaient disparu, alors que 537 000 postes avaient été créé dans le privé (données « Office for National Statistiques »).

Ce type d’efforts a permis au Royaume-Uni de maintenir une pression fiscale modérée, et ce, comparativement à d’autres Etats européens qui ont revu leur copie largement à la hausse. Le taux de prélèvement se situe ainsi à un niveau de 36% du PIB, contre un niveau proche de 47% en France. L’austérité britannique consiste en ceci ; garder des impôts faibles, réduire les dépenses publiques, en compensant les effets récessifs de ces mesures par de la relance, aussi bien monétaire (20% de PIB) que budgétaire. Il est à noter que la zone euro interdit les deux, et prive ainsi ses membres de telles mesures pourtant indispensables.

Car, à court terme, l’austérité est un poids à la croissance. Les mesures de réduction des dépenses publiques sont un effort politiquement couteux, mais permettent un rehaussement du potentiel de croissance sur le long terme.

Le graphique ci-dessous démontre l’effet récessif des mesures, en envisageant la progression qu’aurait connu le Royaume-Uni sans austérité, soit une perte de 3 points de croissance depuis 2010.

http://www.voxeu.org/article/when-time-austerity

Le courage de David Cameron aura été de se priver de ces 3 points de croissance afin d’affuter le potentiel futur de l’économie du Royaume-Uni.

Immigration

Le rapport du CEBR avance l’argument de la démographie pour justifier la prise de vitesse de l’économie britannique au cours des prochaines années. Et d’une démographie renforcée par une forte immigration. Les données Eurostat pour 2011 démontrent que la démographie du Royaume-Uni subit en effet un fort accroissement. Naturel d’une part avec un solde naissances - décès de 255 000 personnes, soit un niveau proche de celui de la France. Et migratoire d’autre part pour 235 000 personnes, contre 76 800 personnes en France. C’est ainsi que l’accroissement de la population est réalisé à 48% par la voie migratoire pour le Royaume-Uni contre 22% pour la France.

Données Démographiques Eurostat.

http://epp.eurostat.ec.europa.eu/statistics_explained/index.php?title=File:Demographic_balance,_2011_(1)_(1_000)-fr.png&filetimestamp=20130722111815

Mais ce que le CEBR ne semble pas voir est la tension politique qui existe aujourd’hui au sein du Royaume-Uni sur la question de l’immigration. Les conservateurs au pouvoir souhaitent voir ce solde baisser à un niveau de 75 000 personnes, freinant ainsi drastiquement les perspectives du centre de recherche économique. Le gouvernement s’étant d’ores et déjà engagé à réduire ce nombre à 100.000 personnes à l’horizon 2015. David Cameron déclarait en mars dernier « nous voulons des gens qui s’intéressent à ce qu’ils peuvent offrir à la Grande-Bretagne ».

Finalement, le CEBR trace sans doute une voie trop optimiste pour le Royaume-Uni pour les prochaines années. Malgré tout, le pays est sur la bonne voie, son important plan de relance monétaire a permis de mettre en œuvre des politiques de rigueur des dépenses publiques, tenir des impôts plus faibles qu’ailleurs ; et ainsi obtenir un taux de chômage en baisse à 7.4% de la population active. Les perspectives sont encourageantes. Mais malgré sa croissance, le Royaume-Uni n’échappe pas aux tensions relatives aux politiques d’immigrations, et cette ressource de développement ne sera sans doute pas au rendez-vous, au moins pas dans les proportions imaginées jusqu’alors.

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