Les meilleurs livres de l'année 2013 et ce qu'on peut attendre du cru 2014<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Les meilleurs livres de l'année 2013 et ce qu'on peut attendre du cru 2014
©Reuters

Palmarès

Parce qu'il n'y a pas que le prix Goncourt, voici les ouvrages qui ont bousculé, touché ou fait sourire les lecteurs cette année.

Atlantico : Quels sont, selon vous, les meilleurs livres publiés en 2013 ?

Barbara Lambert : 

  • N°1 : Nue de Jean-Philippe Toussaint, Minuit, 170 p.

Il méritait le Goncourt, et de loin… La docte Académie a préféré récompenser un énième roman d’Histoire et de guerre, certes bien fait, mais sans grande originalité. Se priver de Nue, c’est se priver d’une expérience rare, à la fois trouble et lumineuse, étrange et joyeuse : impossible de lâcher le livre une fois qu’on l’a commencé. La forme est courte — 170 pages, à peine —, l’écriture fluide, sobre, et non dénuée d’humour. Si l’on sourit souvent des maladresses du narrateur, perdu et éperdu d’amour pour Marie, on est d’un bout à l’autre du roman émerveillé — émerveillé, oui — par les images que convoque l’auteur. A titre d’exemple, la scène inaugurale du livre suffit, où l’on assiste au défilé d’un mannequin entièrement nu vêtu d’une robe de miel et ceint d’une écharpe composée d’un essaim d’abeilles. D’emblée, on est ailleurs — ailleurs, et pourtant dans un univers familier. Par un jeu subtil d’échos et de renvois, Toussaint parvient à nous faire voir, sentir et ressentir ce que voient, sentent et ressentent ses personnages : un jardin sous la lune, l’odeur du chocolat brûlé, mais aussi — surtout — les doutes, les craintes, les espoirs, les points d’aveuglement et d’illumination d’un couple qui s’est plusieurs fois perdu et retrouvé et qui, cette fois, ne se lâchera plus. Faites la nique aux Goncourt : ne vous privez pas de ce plaisir-là !

  • N° 2 : Avec les hommes de Mikaël Hirsh, Editions Intervalles, 122 p.

Deux romans, à peine, et déjà deux sélections au prix Femina : Mikaël Hirsh n’a pas attendu de se faire un nom pour imposer son talent. L’histoire commence des plus classiquement par une scène de retrouvailles entre deux anciens camarades de Normale, l’un, devenu Brestois — Paul —, l’autre, écrivain célébré — le narrateur —, de passage dans la cité bretonne à la faveur d’une signature. Dans le café où les deux hommes se retrouvent, Paul, l’élève brillant, promis à la plus belle des carrières, raconte l’amour immense et trop grand qui l’a, au sens propre, abîmé — ou dans lequel il s’est volontairement abîmé. Et puis, des années d’obscurité plus tard, l’amour qui revient, l’air de rien, par la voie de l’amitié : l’amour vrai, fulgurant, évident. Cet amour auquel le narrateur, malgré la reconnaissance et le succès, n’a pas accès. Dans la vie réelle, en tout cas. Car il lui reste l’écriture qui impose le don et l’oubli de soi, et qui est une autre manière d’aimer.

  • N° 3 : Il faut beaucoup aimer les hommes de Marie Darrieussecq, POL, 312 p.

"Une femme rencontre un homme. Coup de foudre. L’homme est noir, la femme blanche. Et alors ?" Contrairement à ce que laisse entendre la quatrième de couverture, Il faut beaucoup aimer les hommes parle moins de l’amour d’une femme blanche pour un homme noir que d’amour, tout court, de la relation à l’Autre, cet inconnu, cet étranger, on ne peut mieux incarné par "l’homme noir". D’une certaine manière, et pour prendre à revers la formule de Freud, on pourrait dire qu’ici "l’homme est le continent noir". Ce continent que Solange voudrait conquérir et qui lui échappe. Assez étonnamment, Marie Darrieussecq plante le décor à Hollywood : ses héros sont des acteurs en vue, proches de George (Clooney) et de Steven (Soderbergh). Aussi somptueux qu’impénétrable, Kouhouesso travaille d’arrache-pied à l’adaptation d’Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, qu’il veut tourner in situ — en Afrique, donc — où Solange, qui lui a arraché trois apparitions dans le film, le suit, l’attend, le guette, l’espère. Car il faut beaucoup aimer pour aller "au cœur des ténèbres", se donner à l’Autre, tout simplement…

  • N° 4 : L’échange des princesses de Chantal Thomas, Le Seuil, 336 p.

Avis aux sceptiques : ce livre n’est pas un simple roman historique, c’est un roman tout court, écrit dans une langue vive et belle, cinglante, parfois crue et très contemporaine. 1721 : pour pacifier les relations franco-espagnoles et, accessoirement prolonger son bail de quelques années, le Régent, Philippe d’Orléans, a une idée de génie : marier l’Infante d’Espagne Maria Ana Victoria (4 ans) avec le futur Louis XV (11 ans) et "en échange", la fille du Régent, Mlle de Montpensier (12 ans) avec le prince des Asturies, futur roi d’Espagne (14 ans). Ce qui revient à "faire épouser une fille de la famille d’Orléans par un fils de Philippe V, véritablement pétri de haine pour cette famille et spécialement pour le Régent". A-t-on vu plus diabolique, diplomatiquement parlant ? Quant à définir les implications de l’étincelant projet sur le plan humain… C’est précisément ce à quoi s’emploie Chantal Thomas. Car ici, le fait historique, avéré, sert seulement à démonter, et démontrer, la monstruosité de la machine politique pour mieux mettre au jour les souffrances de ces enfants jouets. Si les auteurs du pacte "n’attachent pas une seule pensée à l’âge des fiancés", la romancière, elle, ne pense qu’à cela…

  • N° 5 : La passion suspendue, de Marguerite Duras, entretiens avec Leopoldina della Torre, Le Seuil, 190 p.

On l’adule, on la déteste, parfois les deux à la fois… Dans ce livre d’entretiens heureusement réédité, Duras apparaît telle qu’elle est : irritante, capricieuse, mais aussi vaniteuse (si j’ai eu le Goncourt, dit-elle, c’est qu’"il n’y avait aucune raison valable de ne pas me le donner"), injuste — à propos, notamment, d’Hiroshima, mon amour de Resnais, dont elle dit que c’est "son" film, à elle —, et avide d’argent ("Je suis toujours contente, avoue-t-elle sans ciller, quand on me paie davantage"). Insupportable, Marguerite, et pourtant… Quand elle parle de sa mère "folle" et de ses frères, particulièrement de l’aîné, qu’elle haïssait et adorait en même temps, elle redevient touchante. Quand elle dit — ô combien plus finement — que l’amour est le sujet de tous ses livres parce que les livres ne devraient parler que de cela, Marguerite redevient irrésistible, absolument.

  • N°6 : Demain, Berlin, par Oscar Coop-Phane, Finitude, 174 p.

Cela pourrait être un petit opus générationnel de plus, un petit livre mode, donc jetable, sur le thème "sex and drugs and techno". En racontant l’immersion volontaire de trois vingtenaires dans les paradis artificiels berlinois, Oscar Coop-Phane va plus loin que cela. Car il se dégage de Demain, Berlin un petit air toxique, empoisonné, fort désagréable à respirer mais qui, par ce seul fait, dénote, en même temps qu’une inspiration romantique des plus pures, un vrai talent d’écrivain. Signe qu’il en est et qu’il ne saurait non plus se renier, le jeune auteur s’est inspiré pour son prochain roman du Feu follet de Pierre Drieu La Rochelle, adapté au cinéma par Louis Malle et incarné à l'écran par l'irrésistible et vénéneux Maurice Ronet. Rendez-vous est pris pour septembre.

François Cérésa : 

  • Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre,Albin Michel

Le prix Goncourt de cette année est un très bon choix. Ce n'est pas un livre formidablement bien écrit. Disons que l'écriture est propre même si ce n'est pas de la grande littérature. En revanche, l'histoire (sur deux soldats rescapés de la Première Guerre mondiale) est vraiment bien ficelée. L'auteur a d'ailleurs l'habitude d'écrire des polars, et ça se sent. 

  • Ceux de 14 de Maurice Genevoix, Flammarion

Ce livre a été réédité à l'occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale. L'écriture de l'auteur est très émouvante - une belle écriture classique à la française - associée à un thème très fort : la guerre dans les tranchées. 

  • Le Colosse de Maroussi de Henry Miller, Buchet Chastel

 Il s'agit d'une réédition également. C'est un livre tout simplement formidable, plein d'humour et bien écrit. C'est un auteur qu'on a tendance à oublier et qui mérite d'être relu. 

  • L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puértolas, Dilettante

Au départ, j'étais assez mitigé mais le résultat est plutôt amusant. Ca fait du bien dans ce concert nombriliste ambiant. Certains ont comparé l'auteur à Marcel Aymé, il ne faut pas pousser non plus... Puértolas raconte une histoire virevoltante et distrayante avant tout. 

  • L'Identité malheureuse de Alain Finkielkraut, Stock

C'est un essai dont la conclusion est la suivante : le métissage à tous crins voulu par les autorités bien pensantes est une erreur. Ce n'est pas un livre réac', contrairement à ce qu'on a pu entendre, c'est un livre qui voit ce qui se passe et qui en tire un constat. Evidemment, ça ne plait pas aux ramollos du bulbe...

  • Le Poète russe préfère les grands nègresd'Edouard Limonov, Flammarion

 C'est un Ruskov assez inclassable ! Il a créé le Parti national-bolchevique, s'est opposé à tous les régimes en place, il a fait de la prison. Son livre raconte l'histoire d'un type qui a quitté la Russie et qui devient grouillot aux Etats-Unis. Le personnage principal découvre son homosexualité, ce qui est assez amusant de la part de Limonov qui joue parfois les fachos. C'est un livre très bien écrit et très bien traduit. 

Que peut-on attendre de l'année 2014 d'un point de vue littéraire ?

François Cérésa : Personnellement, je n'attends pas grand-chose de l'année à venir. Sans doute d'ailleurs à cause du climat ambiant que j'évoquais à propos du livre de Finkielkraut. Et s'il y a des surprises qui ne sont pas dans le sillon de ce qu'il faut penser ou aimer, elles seront dégagées par les pseudos critiques littéraires qui envahissent les rédactions des hebdomadaires et qui n'ont rien dans le ventre...

Parmi les jeunes pousses encensées par la critique, il n'y a, à mon sens, pas beaucoup de tempérament ou de caractère. Quand ils ne sont pas dans la droite ligne de la pensée unique, il s'agit de jet-setteurs qui jouent les faux rebelles et à l’impertinence très mesurée. On attend toujours des auteurs qui ont vraiment des choses à dire, et pas seulement de petites histoires à raconter.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !