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Angela Merkel et François Hollande.
Angela Merkel et François Hollande.
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

En cette fin 2013, la construction européenne est complètement plantée. Les deux pays qui auraient pu débloquer la situation et initier une évolution ont enlisé la politique européenne dans un festival de langue de bois et d’hypocrisie politique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le dernier sommet européen n’a débouché sur rien et la visite d’Angela Merkel à Paris n’a fait que respecter la forme d’une tradition. Le couple franco-allemand va continuer de faire chambre à part pour que l’un n’empêche pas l’autre de dormir. L’Allemagne sur ses certitudes et la France sur ses illusions. Les communiqués qui ont été publiés à l’issue du sommet de Bruxelles et les commentaires délivrés par la Chancelière et le Président après la rencontre de l’Élysée, sont une caricature de politiquement correcte. 

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Si on résume, le sommet de Bruxelles aurait permis selon la France, des avancées considérables sur la voie de l’unité européenne avec notamment la constitution d’une Europe bancaire. D'après le Président français, "c’est un progrès considérable qui vient après la réforme des institutions européennes, la mise sous contrôle préalable des procédures budgétaires et le changement d’attitude de la BCE".

Avec Angela Merkel, il a repris la plupart de ses conclusions en insistant sur le fait que la France et l’Allemagne étaient d’accord pour améliorer les mécanismes de rapprochement et de solidarité. Si les opinions publiques trouvent dans ce spectacle diplomatique européen, des raisons de penser que l’Europe est capable de nous apporter des solutions pour sortir de la crise internationale et protégera l’espace européen, ça se saurait.La

vérité, c’est que l’Europe est désormais plantée. Il n’existe aujourd’hui aucune force politique pour la relancer. Ni en Allemagne, ni en France. Tout ce qui a été dit et écrit depuis quatre jours sonne faux.
Passons sur le président de la République qui s’est félicité de la réforme des institutions qui a permis de stabiliser l’Europe monétaire. Passons aussi sur le fait qu’il était violemment contre la règle d’or pendant la campagne et qu'il a été oblige de l’accepter. Passons aussi sur la politique de Mario Draghi : il a fait exactement ce que le traité de Maastricht l’autorise à faire. Il a baissé les taux d’intérêt aussi bas qu'il le pouvait. Il refinance les banques en contrepartie de créances. Alors, il peut être plus ou moins regardant sur la qualité de ces garanties apportées mais il ne peut pas, comme le président de la FED, transformer la BCE en une vaste déchetterie pour imprimer de la monnaie. Il ne pourra pas le faire tant qu'il n’aura pas un gouvernement unique à qui s’adresser.

Plus grave, il n’a même pas des gouvernements capables de se coordonner autour d’un règlement de copropriété qui serait accepté par tous. Il y a dans cette copropriété, que représente la zone euro, des habitants qui dépensent sans compter, qui font du bruit et qui ne paient pas leurs charges. Mario Draghi se réfère en permanence à l’actionnaire qui paie les factures des autres. En cette fin d’année, la France a quand même eu la pudeur de ne pas réclamer une mutualisation des dettes. Si François Hollande avait à nouveau parlé de ce fantasme, il y avait de fortes chances pour qu’Angela Merkel le prenne assez mal cette fois-ci.

L’affaire de l’Europe bancaire est une supercherie. On s’est mis d’accord sur un ensemble de règles de fonctionnement, François Hollande a dit que l’on s’était mis d’accord pour garantir les dépôts des particuliers jusqu’à 100.000 euros par compte mais, ça existait déjà depuis 2008. Le fait nouveau, c’est que la BCE va pouvoir jeter un œil au bilan des banques. Le fait nouveau, c’est qu’une banque en difficulté pourra aller à Bruxelles demander à bénéficier d’une procédure d’urgence. Mais les risques ne seront pas mutualisés pour autant. Chaque pays financera la déconfiture de sa banque.

Autrement dit sur le fond, rien ne change. Les parents restent responsables de leurs enfants et pas de ceux du voisin. Et c’est très bien comme cela. Pas question pour le contribuable allemand de payer pour sauver une banque espagnole. Angela Merkel l’a dit haut et fort mais elle n’a pas été contrecarrée par la France. On voit mal François Hollande demander quelques milliards d’euros pour venir en aide à une banque catalane. Donc, tout ce qui s’est passé relève plus du théâtre d’ombre que d’une réalité. Le scénario idéal reste totalement théorique. 

La logique devrait être celle-ci :
Acte 1 : Le fonctionnement de la zone euro amène les états membres à coordonner leurs politiques économiques, budgétaires et fiscales.
Acte 2 : Cette logique aurait naturellement conduit à des transferts de pouvoir au profit de nouvelles institutions.
Acte 3 : Le scenario aurait enfin accouché de structures et de gouvernances fédérales.

Ce scénario a été conçu, au départ, par Jacques Delors. La droite libérale et centriste ne s’y opposait pas. Par la suite, la gauche social-démocrate s’est coupée en deux au moment du référendum sur l’Europe et la campagne présidentielle a été muette sur la question européenne.  Par la suite, la rigueur de la crise a aussi renforcé la réaction protectionniste et anti-européenne. Du côté allemand, c’est l’inverse. Angela Merkel a beaucoup parlé de l’Europe mais pas forcément pour en faire plus. Au moment de la grande négociation avec le SPD, elle a finalement accepté « le concept » d’un salaire minimum mais elle a obtenu que le SPD se calme sur ses envies naturelles de faire du fédéralisme.

La seule chose qui pourrait débloquer la situation serait le rétablissement économique de la France. L’Allemagne ne demande qu'une chose : que chacun des partenaires respectent le règlement européens et le plan de charges. Donc pour l’instant, toute évolution des structures européennes est bloquée. Tout le reste n’est que du cinéma politique à l’adresse des électorats nationaux. Quand Angela Merkel vient à l’Elysée, elle parle à ses électeurs allemands. Quand François Hollande parle, c’est pour être entendu des Français. L’Europe est plantée. Elle bougera, quand les chefs d’Etat et de gouvernement cesseront de mentir à leurs électeurs.

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