100 ans et toutes ses dents : comment la Fed a enfin appris à éviter que les récessions ne se transforment en naufrages absolus<!-- --> | Atlantico.fr
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La Banque centrale américaine fête ses 100 ans.
La Banque centrale américaine fête ses 100 ans.
©Reuters

Joyeux anniversaire

La Banque centrale américaine, malgré ses errements, aura largement contribué au succès économique du pays au cours de ce siècle. Elle a également à son actif le financement de deux guerres mondiales. Une réussite dont pourrait s'inspirer la BCE...

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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La Réserve fédérale des Etats-Unis fête son centenaire en ce 23 décembre 2013. 100 ans plus tôt, à 14h30 le Sénat venait valider le « Glass Owen Bill », et ce, quelques minutes avant le départ des derniers trains à destination du sud, permettant aux sénateurs de retrouver leurs familles pour les fêtes. La Réserve fédérale suscite depuis lors tous les fantasmes, le complot, l’oligarchie bancaire, alimentés notamment par l’histoire de la rédaction des bases de cette loi, quelques années plus tôt, au cours d’une réunion tenue dans le plus grand secret entre les principaux banquiers du pays et le sénateur Nelson Aldrich en novembre 1910, sur l’île de Jekyll. Depuis un siècle, la Fed écrit l’histoire monétaire, aussi bien par ses erreurs que par ses succès, retraçant ainsi la chronologie de ce qui est, de fait, le plus grand pouvoir économique au service de l’Etat. 

Selon les mots de son actuel président, Ben Bernanke, l’histoire de la Fed est synonyme des « Grands » évènements de l’histoire moderne de l’économique américaine, et celle-ci débute avec la « Grande » expérience qu’est la création de cette Banque centrale. Elle sera suivie de la « Grande dépression de 1929, de la Grande Inflation des années 1960 et 1970, de la Grande modération de 1984 à 2007 et de la Grande récession, que nous traversons depuis 2007.

A l’origine, l’objectif de cette Réserve fédérale était de fournir au pays une monnaie « élastique » lui permettant d’absorber les chocs économiques. Les crises financières se succédaient et la nécessité de faire naitre une telle institution s’imposait pour tenter de préserver le pays de ces turbulences. Mais le premier rôle concret de la Fed sera de fournir un support financier à un pays qui s’apprête à entrer en guerre sur le territoire européen.

La première défaillance de la Banque centrale date évidemment de 1929, qui est la première et la plus grande erreur que l’institution aura commise. Sous la prévalence des « liquidationistes » d’alors, sorte d’ancêtres des partisans de l’austérité d’aujourd’hui, qui considéraient que la dépression avait la vertu de venir corriger les excès passés, la FED n’aura pas offert le soutien monétaire nécessaire à l’économie. Et pourtant, le choc qui a donné naissance à cet effondrement économique est venu de la Fed elle-même, soucieuse qu’elle fût de lutter contre la spéculation boursière de cette fin des années 20. 

Les liquidationistes s’enferment ainsi dans un cadre moral qui n’a aucune accroche dans la réalité. Ce qui peut également se traduire par les mots de Bernanke lui-même sur cette théorie « La Fed manquait surtout du cadre intellectuel qui lui aurait permis de comprendre ce qui se passe et ce qu’il y avait à faire ». La Fed se reprend en délaissant l’étalon or. C’est à la suite de la Grande Dépression que l’objectif de plein emploi, inscrit aujourd’hui comme objectif monétaire,  deviendra une évidence pour les dirigeants américains. 

Quelques années plus tard, la Seconde guerre mondiale pointe à l’horizon et la Fed se mettra, avec succès et comme en 1914, au service de l’effort de guerre. 

Les années 1950 et 1960 seront couronnées de succès, la stabilité économique permet au pays de continuer à sa développer dans une période qui reste encore une référence en terme de croissance et de maitrise d’inflation. Mais, parce que les dirigeants ont surestimé la capacité de l’économie à supporter une croissance rapide sans inflation, la fin des années 1960 va être témoin de l’épisode suivant; la Grande inflation. Ironiquement c’est en 1963 que Milton Friedman écrivait cette phrase restée célèbre, « L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ». Mais ce sont les méthodes de contrôles des prix et des salaires qui ont été préférés pour lutter contre ce phénomène, avec une évidente absence de résultats. 

L’arrivée de Paul Volcker à la tête de l’institution en 1979 marque un net revirement de doctrine, et la Fed accepte la vision monétariste de Friedman afin de lutter contre l’inflation. Le problème est réglé en moins de deux ans. A cet instant, il est alors accepté que la recherche de la stabilité des prix est aussi importante que la recherche du plein emploi.

De 1984 à 2007, la Fed dirigée par Paul Volcker, puis par Alan Greenspan parvient à offrir un cadre de stabilité des prix et de plein emploi à l’économie américaine. Cette période sera nommée « Grande modération »  et va être le terreau du dernier épisode en date, la Grande récession.

Les erreurs de 1929 seront commises une nouvelle fois en 2008, l’inaction de la Banque centrale permet à la crise de mordre sur l’économie réelle. La recherche de la stabilité des prix prédomine encore et le chômage s’envole en conséquence. Après quelques mois, Ben Bernanke parviendra à reprendre ses esprits et à imposer la mise en place de plans de relance monétaire qui vont ouvrir la voie à une sortie de crise. 

Le centenaire de la Fed est ainsi accompagné de statistiques encourageantes pour le pays, un retour de la croissance à 4,1% au dernier trimestre et un chômage en baisse à 7%.

La Banque centrale américaine, malgré ses errements, aura largement contribué au succès économique du pays, et à son installation au premier rang des puissances économiques mondiales. Elle a également à son actif le financement de deux guerres mondiales. Elle est ainsi factuellement une réussite. 

Plus récemment, elle est devenue le fer de lance de la réflexion monétaire, inspirant derrière elle un grand nombre de banquiers centraux. Aussi bien dans sa capacité de maîtriser l’inflation dès le début des années 1980, que dans sa lutte contre la déflation de la période récente. Seule la Banque centrale européenne, orgueilleuse de ses 10 bougies, ne souhaite pas suivre la voie tracée par la Réserve fédérale américaine. Les 19,5 millions de chômeurs de la zone euro payent aujourd’hui le prix de cet orgueil.

A lire également, de Nicolas Goetzmann :Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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