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Assurance vie : la petite disposition du projet de loi de finances rectificative qui réussit à générer deux méga scandales pour le prix d’un
©D.R.

Fichage à tous les étages

Le Projet de loi de finances rectificative 2013 réserve aussi une petite surprise scandaleuse pour les libertés individuelles : la création d'un fichier de l'assurance vie pour tous les contrats supérieurs à 7500 euros. Un atteinte à la vie privée sans consultation de la CNIL qui se double d'un autre scandale puisque si les assureurs sont pris pour cible rien n'est fait du côté des banques qui constituent pourtant le "lieu" moyen de fraude fiscale.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Avec la création d’un fichier central des contrats d’assurance-vie, le Parlement vient de franchir une nouvelle étape dans la violation officielle de la vie privée. On pourrait presque appeler les différents textes qui sont passés cet automne et cet hiver la "législation des suspects", tant elle place les citoyens sous un contrôle soupçonneux de l’Etat.

De façon assez curieuse en effet, le législateur a inventé le FICOVI, ou fichier central des contrats d’assurance-vie, qui recense les avoirs placés par les épargnants sur un contrat d’assurance-vie dont le montant est supérieur à 7.500€. Cette mesure est née d’un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2013, dont l’un des principaux objets consistait à aménager la fiscalité de l’assurance-vie.

L’auteur de l’amendement n’est autre que Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, socialiste de son état, et grand défenseur d’un plumage en règle de l’assurance-vie. Il a même rendu, fin juin, un rapport appelant à réduire fortement les avantages fiscaux dont bénéficie ce produit.

On se souviendra au passage que Christian Eckert appartient à la coterie des fonctionnaires (en l’espèce, il est enseignant), détachés sur un mandat de parlementaire qui leur permet de progresser dans leur carrière d’origine et d’améliorer leurs droits à leur retraite de la fonction publique, tout en percevant leurs indemnités (puis leur retraite...) de parlementaire. Quand on bénéficie de si peu d’avantages financés par le contribuable, il est bien normal de poursuivre de sa hargne les Français qui mettent quelques sous de côté.

Après avoir déclaré que la fiscalité de l’assurance-vie était trop avantageuse, le député Eckert a donc décidé de ficher ses détenteurs. Les intéressés apprécieront la manœuvre, en relisant attentivement la position de Christian Eckert sur la déclaration de patrimoine des élus. Voici un florilège de ce qu’il écrivait :

« ce patrimoine, dont les origines réelles sont multiples, qui tient à ma vie privée, en partie antérieure à mes mandats électifs, concerne aussi la vie professionnelle de mon épouse et celle de mes ascendants ou descendants.

Je suis donc défavorable à sa publication. »

Quel délice de lire sous la plume d’un député l’appel au respect de la vie privée lorsqu’il s’agit de son propre patrimoine, et l’appel au fichage lorsqu’il s’agit du patrimoine des citoyens...

Officiellement, il s’agit de lutter contre la fraude. L’argument ne manque pas de piquant, quand on se souvient que tout paiement d’un contrat par un assureur fait d’ores et déjà l’objet d’une déclaration à l’administration fiscale. Bien évidemment, l’intention du gouvernement est tout autre : l’objectif consiste bel et bien à connaître à chaque instant les moindre détails de la situation patrimoniale des Français.

Certains ont soutenu que cette mesure transposait le principe de la déclaration des avoirs aux Etats-Unis. La comparaison est intéressante par les oublis qu’elle comporte...

D’abord, aux Etats-Unis, les avoirs déclarés sont ceux détenus par des Américains sur des comptes à l’étranger, pas sur des comptes aux Etats-Unis. Nuance de taille : le fisc américain a mis cette mesure en place pour lutter contre l’évasion fiscale, pas pour lutter contre l’épargne de ses résidents.

Ensuite, aux Etats-Unis, la déclaration concerne tous les avoirs financiers, et ne se limite pas à l’assurance-vie. En France, seule l’assurance-vie est concernée. Les PEA y échappent. Pourquoi M. Eckert favorise-t-il les produits bancaires en les exonérant des contraintes qui pèsent sur les produits d’assurance ?

Cette exception mérite sans doute d’être mise en relation avec les petits coups de pouce dont les banquiers ont bénéficié de la part de Pierre Moscovici. Ainsi, après une séparation minimaliste des activités bancaires, tout à fait conforme aux vœux des banquiers, le gouvernement a-t-il distrait discrètement, cet été, une partie de la collecte du livret A pour abonder les fonds propres des banques. Avant de préserver le PEA des désagréables mesures d’alignement fiscal dont l’assurance-vie a souffert.

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