Le chômage au plus bas depuis 4 ans au Royaume-Uni : mais quelles sont les bottes secrètes de l'économie britannique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre David Cameron parvient à faire baisser le chômage dans son pays.
Le Premier ministre David Cameron parvient à faire baisser le chômage dans son pays.
©Reuters

Habile Albion

Avec l'aide de son Chancelier de l’Échiquier George Osborne et dans la continuité de ses prédécesseurs, le Premier ministre David Cameron parvient à faire baisser le chômage dans son pays. Le résultat d'une relance monétaire menée conjointement avec une contraction budgétaire.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le Bureau National de statistiques Britannique a publié ce 18 décembre les derniers chiffres de l’emploi pour le Royaume. Plus de 30 millions de personnes ont un emploi, ce qui est un record, et le taux de chômage tombe quant à lui à un niveau de 7.4 %, soit une baisse de plus d’un point depuis le début de l’année. Ce sont 485 000 personnes supplémentaires qui ont un emploi depuis un an. Le Royaume-Uni atteint ainsi son plus bas niveau de chômage depuis avril 2009.


Source : Office for National Statistics

Source : Office for National Statistics

Afin de trouver une explication à cette situation bien plus favorable au Royaume Uni qu’à la France, il convient de mettre en perspective les différentes politiques publiques mises en œuvre.

Confronté à la crise, le Royaume-Uni s’est lancé dans une politique semblable à celle des Etats-Unis, et opposée en partie à celle pratiquée dans la zone euro. En effet, le pari du Premier ministre David Cameron et de son Chancelier de l’Échiquier (ministre des finances) George Osborne a été de mettre en place un policy mix partagé entre relance monétaire et contraction budgétaire. La relance monétaire ayant pour objectif de contrer les effets récessifs provoqués par la contraction budgétaire.

Depuis le début des années 80, les niveaux de dépenses publiques ont été parfaitement corrélées à la coloration politique des gouvernements en place ; entre travaillistes et conservateurs. Alors que l’arrivée de Margaret Thatcher, suivie de John Major,  voit la dépense publique baisser de 47 % à un niveau proche de 35 % du PIB, l’arrivée de Tony Blair au pouvoir, suivi de Gordon Brown, est à l’origine d’un retour de balancier, à un niveau de dépenses proches de 48 %. Puis c’est au tour de David Cameron de prendre la charge de baisser les dépenses à partir de 2010, pour atteindre un niveau de 43 % du PIB aujourd’hui. Les prévisions actuelles font état d’un niveau de dépenses de 40 % à horizon 2017. A l’opposé, la France va atteindre un taux de 57.1 % de dépenses publiques en 2013, un record.

Source : Economics help

Il est à noter que le gouvernement de David Cameron est régulièrement accusé de mettre en place un large plan d’austérité afin de parvenir à ce résultat. Mais le déficit public du Royaume-Uni a pu atteindre plus de 8 % au cours de l’année 2012, et sera supérieur à 7 % pour l’année 2013. Ce qui met certainement en perspective la notion d’austérité. Les dépenses publiques sont bien réduites mais cela ne suffit pas à résorber les comptes. Car le choix effectué par le gouvernement conservateur est de faire peser les efforts essentiellement sur la baisse des dépenses plutôt que sur la hausse des impôts. En effet, le taux de prélèvements obligatoires est aujourd’hui à un niveau de 36 % du PIB, contre un taux de 46,7% pour la France en 2013 (et en hausse de 5 points en 4 ans).

Source : Economics help

Cet effort de réductions des dépenses est particulièrement perceptible sur les salaires des fonctionnaires, en comparaison des salariés du secteur privé. Sur l’année écoulée, les salaires du public se sont ainsi contractés de 0.3 % alors que ceux du privé se sont accrus de 1.3 %.  Par contre, et contrairement à une idée reçue, la proportion de fonctionnaires au Royaume-Uni est comparable à celle observable en France, soit environ 20 % des emplois (quoi qu’en baisse à 18.8% au Royaume-Uni au dernier recensement).

Source : Office for National Statistics

La belle réussite du gouvernement britannique, qui a permis de voir revenir la croissance et l’emploi, n’est pourtant pas la victoire de l’austérité. Car cette réduction des dépenses publiques n’a été rendue possible, c’est à dire efficace, que parce que la banque centrale locale est intervenue. En effet, la Bank Of England a offert au pays un plan de relance de 375 milliards de livres, soit plus de 20 % du PIB du pays. Et c’est ce qui fait l’entière différence avec l’austérité à la mode européenne, qui consiste à tailler sèchement dans les dépenses sans aucun soutien monétaire d’autre part. Autant courir avec le pantalon sur les chevilles, comme peuvent le constater la Grèce, l’Espagne ou le Portugal. C’est ainsi que le chômage de la zone euro atteint aujourd’hui 12 % de la population active,  et que la croissance y reste totalement atone.

En décembre 2012, afin de pouvoir accélérer ses réformes budgétaires, George Osborne a appelé Mark Carney, alors gouverneur de la Banque centrale canadienne, au chevet de la banque d’Angleterre. Ce dernier est entré en fonction en juillet dernier et a eu pour mission d’offrir les conditions monétaires optimales permettant au gouvernement de continuer ses réformes sans impacter à la baisse l’activité britannique. Alors que les prévisions de croissance pour 2014 sont aujourd’hui de l’ordre de 2.4 %, le taux d’inflation vient de retomber à un niveau de 2.1 %, invalidant ainsi les craintes inflationnistes relayées par les opposants au plan de relance monétaire.

La leçon du Royaume-Uni à l’Europe est d’avoir compris assez tôt l’enjeu monétaire de la crise. C’est bien grâce cette simultanéité budgétaire et monétaire que le pays est parvenu à ce résultat. Et ce, sans martyriser son secteur privé par un harcèlement fiscal.

Car la réduction des dépenses et les "réformes de l’offre" sont bel et bien essentielles, et ont pour objectif d’accroitre le potentiel de croissance de l’économie. Il s’agit là du rôle d’un gouvernement. De son côté, Mark Carney et la Banque d’Angleterre veilleront à ce que ce potentiel ne reste pas lettre morte, et soutiendront l’activité jusqu’à ce l’économie atteigne son plein régime. Les derniers chiffres viennent attester du succès de la stratégie des conservateurs anglais.

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