"I see music" : ce que la petite phrase de Beyoncé dit de la musique pop 30 ans après l'apparition de MTV <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Beyonce et son mari.
Beyonce et son mari.
©Reuters

Destiny clips

La chanteuse Beyoncé, superstar d'envergure mondiale, a surpris le monde entier avec un album non annoncé qu'elle a accompagné d'une petite phrase, "I see music", qui résume à elle seule comment la musique est aujourd'hui pensée.

Julien Péquignot

Julien Péquignot

Julien Péquignot est enseignant-chercheur en Sciences de l'Information et de la Communication et coauteur avec Laurent Jullier du livre Le clip. Histoire et esthétique (Armand Colin, 2013). Son site : http://julienpequignot.wordpress.com/

Voir la bio »

Atlantico : "I see music ! It is more than just what I hear"("Je vois la musique ! Elle est bien plus que ce que j'entends") a déclaré la superstar Beyoncé qui a pris de court le monde entier avec un album surprise. Que révèlent ces mots de la façon dont notre société perçoit la musique ? Est-elle devenue, dans nos esprits, indissociable de contenus visuels ?

Julien Péquignot : La musiquen'est pas indissociable de l'image dans l'esprit des gens pour la simple et bonne raison qu'on la trouve et l'écoute encore sans. Toutefois, il est clair que l'image a une place très importante dans l'industrie musicale, et ce depuis les années 1960. Si le clip est devenu le principal vecteur d'image associé à la musique, il a été précédé par les comédies musicales produites à Hollywood dont certaines sont des mythes.

Ainsi, dans tous les genres de musique populaire l'image a pris une place très importante qui permet à l'artiste, voire à la maison de disques ou au label se créer un "image-inaire" qui lui est propre et qui permet de contrôler son image sur le plan de la communication.

Qu'apporte concrètement à un morceau un support visuel comme un clip ? Le rend-il nécessairement plus impactant ou arrive-t-il qu'il le desserve, voire devienne un facteur limitant pour certains publics ?

Par définition, puisqu'un morceau accompagné d'un clip n'existe pas sans clip, il est difficile d'évaluer l'impact réel du clip sur le succès d'un morceau. Comme je le disais précédemment, le clip permet de créer une imagerie qui relaie plus ou moins de contenu du morceau, mais surtout l'image de l'artiste et comment il veut être perçu. Ainsi, le clip d'un morceau est à la fois au carrefour et à l'origine d'un succès musical et il n'est pas possible de lui imputer seul un succès ou un échec. S'il est limitant ou attirant pour certains publics, c'est parce que le contenu du morceau, celui du clip, le contexte et l'image généraux qui entourent l'artiste attirent ou repoussent globalement ces publics. Il s'agit d'une logique de plus grande ampleur dont le clip est un élément.

De Michael Jackson à Miley Cyrus, certains clips sont-ils devenus indissociables du morceau qu'ils accompagnent ?

Il faut se méfier des classements de clips aux chorégraphies mythiques puisque ces mêmes classements alimentent en fait la dimension mythique qu'ils décrivent. Dans le cas de Michael Jackson, il est en effet peu cohérent de dire que ses clips sont mythiques puisque les chorégraphies qu'ils contiennent font partie intégrante de son œuvre et ne sont pas le produit uniquement des clips.

Au niveau français, s'il est une artiste qui me semble avoir marqué par ses clips, c'est bien Mylène Farmer dont on qualifiait à l'époque de "petits films" ses clips comme celui de Pourvu qu'elle soit douce. A noter également, les clips de Björk, qui associée au réalisateur Michel Gondry a créé un univers visuel riche et identifiable. Enfin, je terminerais par Life on Mars de David Bowie et Bohemian Rhapsody du groupe Queen.

On constate globalement que les clips les plus mémorables sont ceux des groupes ou des artistes eux-mêmes mémorables, ayant marqué leur époque, ce qui va dans le sens de la force du clip mais aussi de son inclusion totale dans un univers plutôt que comme une force indépendante.

Rendus très populaires par la démocratisation de la télévision, les clips ont-ils toujours autant la cote à l'ère de la musique mobile ? La multiplication des écrans est-elle justement la plus belle des opportunités pour le clip musical ?

Les clips ont quasiment créé Youtube au sens où ils en constituent l'épine dorsale et drainent l'essentiel du trafic sur cette plateforme. Par le biais des réseaux sociaux, les clips sont de plus partagés et sont devenus une sorte de carte de visite des artistes. Au sein des plateformes de mise en ligne aujourd'hui remplies de "clips" réalisés par des particuliers sur leurs vacances ou leur nouveau record sur un jeu vidéo, le tout accompagné de musique, les clips officiels restent malgré tout les vidéos les plus regardées et servent véritablement de vitrine artistique.

Martin Solveig a expliqué sur un plateau de télévision qu'il pensait ses morceaux comme quelque chose de global, pas uniquement comme une expérience auditive. La musique "seule" est-elle appelée à disparaitre ?

A disparaitre, probablement pas, mais il est certain que comme c'est le cas depuis longtemps, la musique et l'image sont très complémentaires. Les Beatles eux-mêmes faisaient des films musicaux qui n'étaient pas vraiment des clips. Elles sont si complémentaires et depuis si longtemps, qu'il semble d'ailleurs difficile d'imaginer comment elles pourraient l'être plus ! 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !