D'où viendront les huîtres que vous servirez à Noël ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Depuis 2012, les ostréiculteurs français observent une surmortalité de leurs huîtres adultes.
Depuis 2012, les ostréiculteurs français observent une surmortalité de leurs huîtres adultes.
©Reuters

Slurp !

Les huîtres ont une place d'honneur sur nos tables en ces fêtes de fin d'année, mais les ostréiculteurs français, qui ont pourtant passé des mois à les dorloter, observent une surmortalité chez celles arrivées à l'âge adulte.

Atlantico : Les huîtres sont un produit incontournable de Noël mais depuis 2012, les ostréiculteurs français observent une surmortalité de leurs huîtres adultes. En cause, une modification de la température et de la salinité de l'eau, justement à l'origine du développement de bactéries pathogènes comme celle qui a attaqué jusqu'à 65 % d'entre elles. Alors aura-t-on suffisamment d'huîtres françaises pour garnir nos tables et ravir nos ventres d'ici quelques jours ? Combien de tonnes d'huîtres françaises seront sur le marché ?

Jean-Pierre Baud : Effectivement, sur le plan scientifique, depuis 2012, nous nous apercevons qu'il y a dans certaines régions des lots d'huîtres atteintes par des bactéries Vibrio non dangereuses pour l'homme mais qui posent problème pour certaines huîtres.

Il n'y aura certainement pas de grosses difficultés au niveau du stock mais sans doute une petite diminution par rapport aux années précédentes. Les huîtres resteront un produit festif pour cette fin d'année.

Hervé Genot : Ce phénomène de surmortalité ne touche pas tous les ostréiculteurs,et vient de démarrer. La mortalité des adultes n'est pas de même ampleur que celle des juvéniles depuis 2008, où à peu près tous les secteurs sont touchés.

Alors oui, nous aurons suffisamment d'huîtres françaises pour Noël. Il est possible que nous manquions de certains numéros : les numéros 3 seront peut-être moins présentes mais les numéros 4 (plus petites) et 2 (légèrement plus grosses) seront sur les étalages pour assurer assez d'huîtres pour Noël. Vous pourrez trouver grosso modo entre 80 et 90 000 tonnes d'huîtres françaises sur le marché. Si manque il y a, c'est surtout du côté des promotions des grandes surfaces, étant donné qu'il y aura moins d'huîtres.

Il n'y a pas que les huîtres adultes qui sont touchées, les jeunes huîtres sont également décimées par un virus Herpès à l'origine de la disparition de 60 à 80 % de ces dernières. Avec ces bactéries et virus, nos huîtres seront-elles toujours aussi bonnes ? La rareté des huîtres made in France va-t-elle se répercuter sur notre porte-monnaie ? A quel prix paierons-nous nos huîtres ce Noël ?

Jean-Pierre Baud : Cette bactérie qui touche les huîtres est spécifique aux mollusques et donc aucun impact sur l'homme n'est à craindre – du fait de la différence entre les invertébrés et les vertébrés.

En tant que consommateur j'ai remarqué une légère augmentation du produit depuis l'an dernier mais je sais que la profession fait en sorte de maîtriser ses prix afin de rester attractive.

Hervé Genot :Le goût des huîtres ne sera pas atteint. Mais il faut savoir que selon l'endroit où elles ont été élevées, les huîtres n'ont pas le même goût. En effet, le goût des huîtres diffère en fonction de la nourriture qui leur est donnée (les phytoplanctons). C'est pourquoi nous avons créé en Bretagne "les douze crus" : six en Bretagne Sud et six autres en Bretagne Nord ; plus un treizième, la Belon, ou l'huître plate.

Il y aura assez d'huîtres pour tout le monde et il n'y aura pas d'augmentation, sinon très légère. Il est vrai que le prix des huîtres en Bretagne a augmenté de 2 % mais cela revient à l'augmentation du coût de la vie. Mais il semblerait qu'en région parisienne, les huîtres seront chères – elles sont déjà à des prix aberrants. Autrement, 90 % des huîtres seront vendues à un prix normal.

Puisque les huîtres françaises seront moindres et que leur prix augmentera, d'où viendront les autres huîtres que nous dégusterons ?

Jean-Pierre Baud : Même si la production a légèrement baissé, nous restons autosuffisants. Il est vrai que les ostréiculteurs travaillent de manière étroite avec leurs collègues irlandais pour une partie de leur production mais la France reste le premier producteur d'huîtres en Europe.

Hervé Genot :L'importation d'huîtres s'est toujours faite, donc ce ne sera pas un fait nouveau. Il y aura des importations depuis l'Europe, notamment depuis l'Irlande. Mais les importations depuis l'Europe seront plutôt faibles car ce phénomène de mortalité est également familier à nos collègues européens. De plus, je vois mal le reste du monde nous vendre ses huîtres. C'est plutôt dans l'autre sens que les choses se font, mais à petite quantité : ce sont les riches qui achètent nos huîtres, à l'instar des Chinois, alors qu'ils produisent trois millions de tonnes d'huîtres.

L'ostréiculture française est-elle en danger ?

Jean-Pierre Baud :Je ne considère pas que l'ostréiculture française est en danger, mais on subit tout de même des coups : mortalité chez les juvéniles, et début de mortalité chez les adultes. Scientifiques et universitaires travaillent sur le sujet. Aussi, l'Etat essaye de subventionner des actions de recherche complémentaires pour essayer de comprendre et sortir de la crise. Donc pas de danger immédiat, mais une préoccupation de l'ensemble des acteurs vis-à-vis d'un problème qui devient malheureusement récurrent.

Hervé Genot : Si un ostréiculteur n'a pas connu deux à trois épisodes dramatiques, ce n'est pas un ostréiculteur. Par exemple, en Bretagne nous ne faisons que de la Belon (l'huître plate), l'huître indigène ; la Belon existe depuis deux cent mille ans avant J.-C. alors que l'huître japonaise n'existe que depuis quarante-deux ans sur les côtes françaises. Le problème qui se pose, c'est que l'huître creuse se fait à 95 % dans le monde. Quand nous avons connu la mortalité de l'huître plate, nous avons trouvé une autre huître. Il est vrai que depuis 2008 l'ostréiculteur prend un grand coup. Mais suite à cela, il y a eu des changements de stratégies d'entreprise et les ostréiculteurs ayant effectué cela s'en sortent bien. Aussi, nous mettons plus de collecteurs pour récolter plus de naissains et enrayer la baisse du taux de mortalité. En outre, certains ostréiculteurs partent chercher des juvéniles sur les rochers, et l'Etat et l'Ifremer commencent à chercher des espèces résistantes  - mais c'est beaucoup plus long, il faut le temps de la sélection. Là où il y a une inquiétude, c'est que de 2008 à 2012, seules les juvéniles étaient touchées par la surmortalité alors qu'à partir de 2012, dans certains secteurs très restreints, on a observé aussi la mortalité d'adultes. De plus, en 2013, le phénomène s'est étendu à d'autres secteurs.

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