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L'activité française continue de se contracter et l'Europe paie les pots cassés
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Larguée

Les prévisions Markit d'activité manufacturière en Europe publiées ce lundi indiquent que la France connaît un repli général d'un point, de 48.5 à 47 par rapport à novembre alors que l'Allemagne voit ses chiffres se stabiliser à 55,2 contre 55,4 le mois précédent.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Atlantico : Comment interpréter ces chiffres qui marquent toujours plus nettement la rupture entre les économies allemande et française ? Que disent-ils de la situation de l'économie française ?

Philippe Waechter : Il y a effectivement une différence assez nette et déjà relevée le mois dernier entre la France et la zone euro en général et l'Allemagne en particulier. Dans cette enquête Markit, la France fait, depuis deux mois, beaucoup moins bien que ses partenaires européens. La situation allemande apparait robuste alors que celle de l'économie française semble d'un seul coup plus fragile. L'économie française qui s'était inscrite dans la dynamique de reprise constatée dans l'ensemble des pays européens, ne semble plus participer au jeu de la même façon.

La principale raison de ce changement brutal s'observe sur les flux de nouvelles commandes. Au mois de novembre, lorsque l'on disposait des résultats de l'ensemble des pays de la zone euro, on constatait que les nouvelles commandes chutaient rapidement en France alors que ce n'était pas le cas dans les autres pays de la zone. Aux Pays-Bas, en Autriche, en Allemagne ou même en Irlande, elles s'étaient vivement accélérées. Elles ne progressaient que très lentement en Italie et se contractaient marginalement en Espagne. Cette divergence avec l'ensemble de la zone euro s'est accentuée en décembre (pour l'instant on ne dispose que des chiffres de la zone euro, de l'Allemagne et de la France).

En novembre, cette divergence était encore plus marquée sur les flux de nouvelles commandes à l'exportation. Pour tous les pays cet indicateur progressait alors qu'en France il se contractait rapidement. Avec l'Allemagne, cette divergence s'est accentuée en décembre. On peut en avoir une illustration simple : en octobre, les indices de nouvelles commandes à l'exportation étaient quasiment identiques en Allemagne et en France - avec même un léger avantage pour la France. En novembre, les flux de nouvelles commandes à l'exportation en Allemagne avaient accéléré alors qu'elles s'étaient contractées en France. Cette divergence est encore plus marquée en décembre.

Ce changement de tendance s'observe autant dans le secteur manufacturier que dans les services.

Le manque de demande adressée aux entreprises est la principale explication de cette divergence avec la zone euro. Cela peut provenir d'une incertitude plus importante en interne liée à l'incapacité de se projeter dans le futur. La peur du lendemain peut modifier les arbitrages entre aujourd'hui et le futur immédiat. Si la situation sur le futur proche est plus marquée, alors il est rationnel pour un consommateur d'être plus prudent dans ses dépenses. Cela peut expliquer le coup d'arrêt de la demande interne mais pas celle des exportations. Au regard de l'amélioration de la situation des principaux partenaires de la France, cela traduit une perte de compétitivité spécifique. A priori, il n'y a pas de rupture dans les indices de prix quand on compare avec ceux de la zone euro. Il n'y a donc pas de perte spontanée de compétitivité prix. On ne peut pas faire l'hypothèse non plus d'une perte de qualité des produits français en si peu de temps. Cela peut traduire une inquiétude, une interrogation sur la situation française mais quels sont les facteurs qui expliqueraient depuis deux mois ce décrochage spécifique de l'économie française.

On peut aussi visualiser la situation différemment. La semaine dernière la Banque de France a publié son analyse mensuelle de la conjoncture française. Elle concluait à une accélération supplémentaire de la croissance de l'économie française au dernier trimestre. Sa prévision de croissance passait en effet de +0.4% à +0.5%.

Comment l'indice a-t-il évolué au cours de l'année ? Au regard de ces résultats, que penser des prévisions de croissance sur lesquelles table le gouvernement ? Faut-il plutôt s'attendre à une récession ?

Les indices français ont évolué en phase avec les indices européens mais la France n'a jamais eu le rôle de leader dans cette amélioration. L'inconnu est ce décrochage marqué au cours des deux derniers mois. L'enquête de l'Insee retraçant le climat des affaires en France est stable depuis septembre et même si les commandes ne sont pas très dynamiques elles ne présentent pas un décrochage aussi marqué que dans l'enquête Markit évoquée plus haut. La Banque de France comme indiqué plus haut est nettement plus optimiste.

Ce qui est préoccupant est la plutôt bonne cohérence entre cet indicateur calculé par Markit et l'évolution trimestriel du PIB. Le chiffre de croissance pour 2013 sera peu affecté par un chiffre moins fort que celui attendu par l'Insee (0.4%) ou la Banque de France (0.5%). En revanche, cela pénaliserait le point de départ pour 2014 si le dernier chiffre de l'année était faible. C'est cela qu'il faudra regarder avec précision.

La France empêche-t-elle véritablement la reprise dans la zone euro comme l'en accuse le Financial Times (voir ici) ?

La France si l'on suit cette enquête est effectivement un frein à la croissance de la zone euro. D'abord parce qu'elle évolue en sens inverse de ses principaux partenaires, ce qui peut pénaliser leurs exportations et donc l'ensemble de l'activité de la zone. Ensuite, la taille de l'économie française accentue ce phénomène.

Ce qui ressort principalement de l'ensemble des enquêtes que l'on peut compulser sur l'Europe est que la France n'est pas leader, loin de là dans la phase de reprise de l'activité. La France, comme je le notais plus haut, a plutôt était suiveuse et peu capable de tirer la zone euro vers le haut. La dynamique interne à l'économie française n'est pas suffisamment forte pour avoir ce rôle et c'est cela qui est le plus préoccupant. L'économie française peine à se réorganiser pour retrouver une allure de croissance plus robuste? Peut-être que des réformes structurelles seraient elles utiles? C'est cela la source d'inquiétude car au-delà se pose la question de l'emploi et des revenus. Pour l'instant ces trois questions, croissance, emplois et revenus ne sont pas résolues et depuis longtemps. C'est cela qui doit mobiliser toutes les énergies.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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