Les professionnels du logement reprennent les armes contre Cécile Duflot<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Cécile Duflot, ministre du Logement.
Cécile Duflot, ministre du Logement.
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Contrairement à ce que laissent entendre les membres du cabinet de Cécile Duflot, les professionnels du logement ne désarment pas contre son projet de réforme. Toutes catégories confondues, ils sont bien décidés à le faire savoir dès demain.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

Voir la bio »

Des administrateurs de bien aux associations de propriétaires, en passant par les assureurs spécialisés, les agents immobiliers et promoteurs : pas question de bloquer la circulation mais ils quand même à deux doigts de rejoindre les pigeons et autres plumés. Alors que le projet de loi ALUR, repassera à l’Assemblée le 17 décembre, les professionnels du logement, qui avaient accepté de laisser la ministre essayer de trouver un compromis acceptable, s’aperçoivent aujourd’hui que, contrairement à ce qu'il leur avait été dit, le projet n’est pas compatible avec le maintien d’un équilibre à long terme. De là à penser que la ministre avait habilement demandé un armistice le temps d’affronter les adhérents de son mouvement, il n’y a qu'un pas, que dans la majorité, où on ne l’aime guère,  on a franchi allègrement. 

[LES AUTRES ARTICLES DE VOTRE ÉDITION ATLANTICO BUSINESS]

Le point qui cristallise le plus gros des critiques, c’est évidemment le projet de GUL, la  garantie universelle des loyers. Un système qui reviendrait à  garantir le paiement des loyers en cas de défaillance du locataire. Pour Cécile Duflot, c’est une avancée sociale au profit des locataires qui ne devrait pas déplaire aux propriétaires. Sauf que les experts du secteur ont su démontrer depuis trois mois toutes les perversités d’un tel système.

La première de ces perversités revenant à déresponsabiliser complètement les locataires et les dissuader de payer leur loyer. La seconde perversité étant de savoir qu’il faut payer le prix d’une telle mesure. Et combien ?

La première solution prévue par Cécile Duflot a été de créer une taxe supportée par le propriétaire et le locataire dont le produit aurait été géré par une agence publique créée à cet effet au sein de l’administration. Cette agence aurait récolté la taxe, puis mesuré les sinistres et dédommagé les propriétaires.

Pendant des semaines, il a été impossible de savoir exactement ce qu’allait représenter cette nouvelle taxe. Cécile Duflot a commencé par parler de 500 millions, puis de 800 millions par an. Pour les professionnels de l’assurance qui gèrent ce type de risque, comme Galian, le coût global de l’opération aurait été bien supérieur compte tenu d’un assouplissement des conditions de rentrée en locatif.

Aujourd’hui, les professionnels de la location ont tendance à refuser un locataire si le taux d’effort dépasse les 30%. C’est-à-dire si la part du loyer dans le total du revenu dépasse les 30%. Le projet de loi Duflot dans sa première mouture retenait un taux d’effort pouvant aller jusqu’à 50%. Il est évident qu'avec un tel taux on facilitait la location à des catégories fragiles, mais en autorisant la location à ces conditions on augmentait aussi le taux de risque et de mauvais payeurs.  Avec de telles conditions, Georges Isaac, le président  de Galian, a calculé que le coût pour l’État de cette GUL dépasserait 1,5 milliards d’euros. Ces estimations n’ont jamais été démenties par l’administration ou les parlementaires chargés de l’étude.

Dans ces conditions, le taux de la nouvelle taxe aurait grimpé très vite. Du coup, les parlementaires de la majorité ont eux-mêmes émis de sérieux doutes sur l’équilibre du système proposé. Dans la conjoncture actuelle d’overdose fiscale, Bercy, Matignon et l’Elysée ont fait savoir à Cécile Duflot qu'il lui fallait trouver une autre solution si possible avec les professionnels de l’assurance, qui savent gérer ce type de risque.

Sans remettre en cause l’objectif d’une garantie universelle des loyers, qui était une des promesses politiques initiales, beaucoup dans la profession avaient pensé à un système qui aurait pu fonctionner comme l’assurance automobile. L’assurance automobile est obligatoire mais gérée par des privés qui sont en concurrence. Aves des bonus pour les bons risques et des malus pour les mauvais. Au moins le système est équitable.

L’assurance logement aurait pu être obligatoire avec une réassurance de l’État s’il souhaitait ajouter des critères particuliers pour faciliter le logement des personnes fragiles : par exemple assouplir le taux d’effort.

En début de semaine, en plein congrès de la FNAIM, dans un climat très hostile à la ministre du Logement, son cabinet a fait savoir aux parlementaires qu'elle allait abandonner le financement de la GUL par une taxe mais qu'elle allait néanmoins la financer sur le budget du logement. Alors, le président de la FNAIM a réussi à calmer ses adhérents en soulignant quelques points positifs de cette loi. N’empêche que le fond du problème demeure et toute la profession, y compris les agents de la Fnaim, le savent. Ils ont fermés 3000 agences cette année soit 18.000 emplois détruits.

Le secteur immobilier est complètement en panne. Les promoteurs constructeurs n’ont pas ouverts de nouveaux chantiers. Les carnets de commandes sont vides alors que les financements existent avec des taux d’intérêt très attractifs. Les propriétaires d’immeubles hésitent à mettre en location compte tenu des mesures de blocage prévues dans la loi et surtout du manque de visibilité sur les régimes des loyers.

Or, si les Français ont du mal à se loger, si les loyers sont trop élevés, c’est parce que le parc de logement est trop faible. Aucune règlementation administrative ne résoudra le problème si on ne libère pas l’offre.

Enfin, la profession de l’immobilier, et une grande partie de la représentation parlementaire, ont été abasourdis d’apprendre cette semaine que Cécile Duflot avait les moyens de «dégager 500 ou 600 millions d’euros» sur ses budgets d’intervention logement pour démarrer le financement de cette GUL. Ces 500 ou 600 millions étaient-ils sans affectation ? Alors que le gouvernement cherche à faire des économies partout… c’est étonnant !

Ces 500 ou 600 millions libérées en 24 heures sont-ils le résultat d’un arbitrage au détriment des aides à la construction, à la location ou à l’accès à la propriété ? Personne ne le sait. Ce que l’on sait en revanche c’est qu'un ministre a donc le pouvoir de dégager une ligne budgétaire aussi vite et aussi importante sans en référer au Budget ou  à la Commission des finances. Les députés apprécieront. Voilà un aspect du droit administratif qui avait dû leur échapper.

Le sujet vous intéresse ?

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !