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Les cheminots ont entamé un nouveau mouvement de grève.
Les cheminots ont entamé un nouveau mouvement de grève.
©Reuters

Le rail coince

Depuis mercredi 11 décembre 19 heures et jusqu'au vendredi 13 décembre à 8 heures, un mouvement de grève des cheminots perturbera le trafic. En cause : le rejet par les syndicats d'un projet de réforme ferroviaire qui changerait radicalement l'organisation structurelle de la SNCF.

Hervé Jégouzo

Hervé Jégouzo

Hervé Jégouzo est consultant en Dialogue et relations sociales au travail. 

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Atlantico : Les cheminots ont entamé un nouveau mouvement de grève pour protester contre un projet de réforme ferroviaire qui créerait une structure "SNCF" qui serait chargée de coordonner les activités commerciales d'une structure "SNCF Réseau" (pour l'aspect logistique) et d'une structure "SNCF Mobilité" (pour l'aspect commercial). Pourquoi les syndicats sont-ils contre ? 

Hervé Jégouzo : La réponse est dans la question. La structure qui va se créer va regrouper à la fois des compétences commerciales et des compétences logistiques. Or, les syndicats dans le ferroviaire se construits pour apporter à la fois des réponses de masse, mais aussi des réponses axées sur des métiers précis (conducteur de train, agent de quai). Or le système que la SNCF veut mettre en place va croiser les types de compétences. Il mélangera par exemple des fonctions d'agent de quai avec des compétences commerciales. Les organisations syndicales ne s'intéressent qu'au métier de base. Or cette vision des choses n'est qu'un mythe aujourd'hui.

Le deuxième point est que la SNCF met en place des réformes apportant plus de mobilité chez les agents, avec des gares rénovées et de nouvelles formules de transport proposées. La direction veut donc des salariés qui soient vraiment "agiles" sur plusieurs compétences. Or, les syndicats ne savent pas prendre en compte cette nouvelle diversité et la réalité des parcours individualisé des agents.

Les cheminots ont l'image d'une profession faisant presque toujours grève "contre" une réforme. Mais que proposent les syndicats ? Quelle est leur vision de ce qu'il faudrait faire pour améliorer la SNCF ? Quels sont les idées de réformes positives qui les fédèrent ?

Il y a à la SNCF un premier bloc CGT-SUD que je qualifierai "d'historique". Le deuxième bloc regroupe l'UNSA (qui est en pleine croissance parmi les agents) et la CFDT (plus en difficulté dans les dernières élections professionnelles). Les membres du premier bloc, eux, restent fermes sur la vision d'une organisation attachée au métier de base, comme je l'ai évoqué. Le bloc UNSA-CFDT, lui, est beaucoup plus ouvert à ces évolutions. Le directeur de la SNCF, Guillaume Pepy, connaît parfaitement les questions syndicales et il essaie de s'appuyer en interne sur l'UNSA et la CFDT pour neutraliser le bloc majoritaire CGT-SUD. Il y a une autre question où deux visions se forment, c'est celui de la position face à la concurrence, avec l'arrivée d'Allemands ou de Suisses sur le réseau d'ici deux ou trois ans. CGT-SUD refuse, officiellement, de se positionner, ne voulant envisager que une SNCF monolithique et monopolistique, là où l'UNSA et la CFDT sont plus favorables à l'idée de regarder la réalité des évolutions en face. Ils essaient même de se positionner de manière intelligente sur la question pour gagner en influence, là où le bloc CGT-SUD a tout à perdre.   

La grève aura sans doute un impact limité (7 trains sur 10 rouleront sur les grandes lignes, et 6 TER sur 10). Comment expliquer les différences entre les lignes, et pourquoi un impact général aussi faible sur la circulation ferroviaire ? 

La différence entre les lignes s'explique simplement par des logiques de bastion. Il y a des lieux où les organisations syndicales sont encore influentes. Mais il faut cependant comprendre que ces mouvements rentrent de moins en moins en résonance avec la masse des salariés. Les cheminots de la SNCF qui sont tous les jours au travail voient les changements se dérouler sous leurs yeux : des gares qui deviennent des petits centres commerciaux, une concurrence qui se développe, des missions qui se diversifient avec une activité de service plus grande demandée aux agents... A un moment, ils perçoivent le grand écart entre les discours et la réalité qu'ils vivent. Et c'est une erreur stratégique pour un syndicat comme la CGT de ne pas comprendre ces évolutions tout en pensant pouvoir garder leur influence.

Globalement, les récents mouvements sociaux de cheminots arrivent-ils à faire encore reculer les réformes que l'on veut appliquer à la SNCF ? Le pouvoir de blocage est-il encore réel ? 

C'est un long déclin ponctué d'échecs successifs. Il faut repenser à la situation que l'on connaissait encore en 1995 où la grève de la SNCF était puissante et déterminée, et où tout était paralysé. Aujourd'hui on est bien loin de tout ça. La SNCF n'est plus une entreprise qui vit en milieu fermé et les salariés sont mêlés tout cela. Les discours syndicaux correspondent donc de moins en moins à leurs attentes. Les syndicats ne font pas ce qu'il faut. Il ne s'agit pas de vendre son âme mais le discours idéologique empêche de défendre efficacement les intérêts des salariés concernés.

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