La suppression du jour de carence ? "Une faute politique, morale et idéologique", selon François Sauvadet<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Marylise Lebranchu veut supprimer le jour de carence dans la fonction publique.
Marylise Lebranchu veut supprimer le jour de carence dans la fonction publique.
©DR

Etrange...

Pour l'ancien ministre de la Fonction publique François Sauvadet, la décision de Marylise Lebranchu de supprimer le jour de carence dans la Fonction publique est incompréhensible au regard de ses résultats probants sur l'absentéisme dans la fonction publique.

François  Sauvadet

François Sauvadet

François Sauvadet est Président du Conseil Général de Côte d'Or, vice-président de l'UDI et ancien Ministre de la Fonction Publique.

 

Voir la bio »

Atlantico : La mise en place en 2011 d'un jour de carence dans la fonction publique a permis de faire baisser de façon drastique l'absentéisme  dans la fonction publique : -43,2 % dans les collectivités territoriales et -40,6 % dans les établissements de santé entre 2011 et 2012. Pas mal, pour une mesure "injuste" et "inefficace", selon les mots de Marilyse Lebranchu. Quel regard portez-vous sur ces résultats ? Est-ce que leur ampleur vous surprend ?

François Sauvadet : Pas vraiment, pour deux raisons :

D'une part, Madame Lebranchu aurait dû reconnaître elle-même que la mesure était efficace puisqu'elle avançait comme argument à sa suppression qu'elle n'avait pas rapporté autant que prévu. Ce qui voulait dire qu'il y avait eu moins d'arrêts de courte durée et donc que cette réforme était efficace. Mais il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ! Mme Lebranchu a préféré, au mépris de toute logique, en tirer la conclusion idéologique que le jour de carence devait être supprimé !

Il ne s'agit pas de dire que les fonctionnaires sont des tire-au-flanc ! Mais il est établi que l'absentéisme de courte durée est plus élevé dans la Fonction Publique. Dès lors, il n'est pas étonnant que l'instauration du jour de carence ait produit des effets. D'autant plus que ce sont les arrêts de courte durée qui avaient été particulièrement ciblés : outre le salaire, les primes avaient également été supprimées ; en revanche, les arrêts de longue durée n'étaient pas touchés.

Pensez-vous qu'il faille aller encore plus loin et aligner le nombre de jour de carence dans la fonction publique à ceux en vigueur dans le privé ?

Je souhaite en effet rapprocher les régimes, afin que tous les Français soient traités de la même façon. Mais la situation est complexe. Cette réforme répondait à un impératif d'équité avec le secteur privé qui se voit imposer trois jours de carence. Mais environ 2/3 des salariés des grandes entreprises sont couverts par une mutuelle complémentaire financée par l'entreprise. 

Si on instaurait les 3 jours de carence dans la Fonction Publique en l'état on créerait une nouvelle injustice ! Il faudrait donc au préalable rouvrir les négociations sur la mutuelle obligatoire des fonctionnaires, discussion que j'avais engagée en tant que ministre.

Cette question ne peut qu'être abordée dans une réflexion plus large sur le rapprochement des statuts publics-privés, mais ce n’est pas le sujet du jour.

Quel regard portez-vous sur la suppression du jour de carence dans la fonction publique qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2014 ? Dénoncez-vous l'idéologie, voire le clientélisme du gouvernement et du Parti socialiste sur ce sujet ?

Je dénonce très clairement une triple faute : politique, morale et idéologique !

Faute politique tout d'abord. Dans le contexte budgétaire que nous traversons, cette mesure permettait de diminuer l'absentéisme et donc d'améliorer le fonctionnement de nos administrations et de nos services publics. Tout le monde le sait. Elle était aussi un facteur d'économie budgétaire. Mme Lebranchu a donc fait en choix démagogique en la supprimant.

Faute morale ensuite, car face à la crise, nous ne pouvons pas donner l'impression que certains sont exonérés des efforts collectifs.

Faute idéologique, car on refuse de voir l'efficacité de la mesure et qu'on décide de sa suppression sans même établir une évaluation de son application, et sans fournir d’éléments chiffrés sur l’évolution de l’absentéisme dans la Fonction publique de l’État.

Pour ce qui est du clientélisme, si c'est ce que le Gouvernement a en tête, il sera probablement déçu car sa politique à l'égard de la Fonction Publique est désastreuse et très mal perçue. Hormis l'Education Nationale, les ministères sont compressés et on privilégie l'embauche à tour de bras (qui sera lourde de conséquences pour les prochaines décennies) plutôt que la revalorisation des personnels en place.

En résumé c'est une décision ahurissante !

Les fonctionnaires ont compris qu'ils seraient sacrifiés sur l'autel du clientélisme électoral qu'a constitué l'annonce des 60 000 embauches dans l’Éducation nationale et qu'ils vivraient cinq années de vaches maigres. Pour apaiser ces tensions le gouvernement a donc fait le choix d'accorder la suppression du jour de carence, qui n'aura aucun effet sur leur pouvoir d'achat. C'est humiliant pour les fonctionnaires et c'est une faute grave à l'égard de nos compatriotes.

A lire également : "L'étrange défaite de la France dans la mondialisation", Olivier Marteau, (Atlantico Editions). Pour acheter ce livre en quatre parties, cliquez sur les liens ci-dessous :

Partie 1 : Nos faux champions du CAC 40

Partie 2 : Une élite incapable de relever le défi

Partie 3 : Un échec singulier parmi les pays développés

Partie 4 : La société civile minée par la bulle étatique

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !