Francfort, c'est plus fort que toi... Comment la hausse de l'euro depuis mai 2012 a totalement balayé la baisse du coût du travail obtenue grâce au crédit d'impôt compétitivité<!-- --> | Atlantico.fr
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La hausse de l'euro a balayé la baisse du coût du travail.
La hausse de l'euro a balayé la baisse du coût du travail.
©Reuters

Chassez le naturel…

L'euro a progressé de plus de 6,5% depuis l'entrée en fonction de François Hollande, quand dans le même temps le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), vanté par l'exécutif, n'a permis de baisser le coût du travail que de 2,6%. Cherchez l'erreur…

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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En ce 10 décembre 2013, l’euro se traite à 1.3770 USD, soit une progression de plus de 4% depuis le début de l’année et de plus de 6.5% depuis l’entrée en fonction de François Hollande. Bien que cet écart ne soit pas d’une très grande ampleur, il reste cependant suffisant pour venir annihiler la tentative du gouvernement de restaurer un semblant de compétitivité aux entreprises françaises.

Cette tentative était basée sur la mise en place du CICE, ou Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont le mécanisme permet un abaissement du coût du travail. Afin de financer cette mesure, le gouvernement s’apprête à appliquer une hausse de la TVA, mais également des baisses de dépenses publiques (?) ou encore en s’appuyant sur la fiscalité écologique.

Il s’agit là de la mesure phare du gouvernement, qui a tenu en haleine l’ensemble du débat économique français dans le courant de cette année 2013. L’économiste Mathieu Plane, dans une note de l’OFCE, établissait en 2012 une perspective quant aux résultats d’une telle mesure : 23 000 emplois créés en 2013. Un an après, Jean Marc Ayrault déclare sur Europe 1 "le CICE, c’est concret, ça a permis de créer 15 000 emplois !", "c’est l’Insee qui le dit !". Mais non, l’Insee et le Dares indiquent que "selon l’estimation flash de l’emploi salarié réalisée par l’Insee et la Dares à partir des résultats provisoires (..) dans l’ensemble des entreprises (..) les effectifs salariés baisseraient de 0.1 % au 3e trimestre 2013 (soit -17 000 emplois). Sur un an, ils fléchiraient de 0.7 % (soit -107 700 emplois)".

L’absence de résultats du CICE en cette année 2013 est un réel problème car Mathieu Plane estimait : "En revanche, l’impact du CICE est légèrement récessif de 2014 à 2016, la perte de pouvoir d’achat des ménages liée aux hausses d’impôts (TVA), et à la réduction des dépenses publiques l’emportent sur la baisse des prix et le rétablissement des marges des entreprises". De la même façon, une récente étude de l’OCDE précise "qu'une dévaluation fiscale (baisse de charges financée par une hausse de la TVA) peut avoir des effets transitoires, mais les effets permanents réels tendent à être minimes. Cet outil ne peut être un substitut à de plus profondes réformes”. (OECD : Fiscal Devaluation : can hit help to boost competitiveness?).

Beaucoup de bruit pour rien. La hausse de l’euro est venue emporter tous les espoirs de Jean-Marc Ayrault. Le gouvernement ne paraît pas comprendre que la logique de la Banque centrale européenne est de comprimer la demande intérieure, ce qui tend aujourd’hui à rehausser le niveau de la devise. Alors que les estimations font état d’une baisse du coût du travail de l’ordre de 2.6 % pour le secteur marchand grâce au CICE, permettant ainsi une amélioration de la compétitivité, il est impossible de ne pas constater la hausse de 6.5 % de la valeur de l’euro. Si l’objectif était de permettre aux entreprises d’être mieux positionnées à l’exportation, il est regrettable de constater que cette hausse est venue briser tous les efforts du gouvernement dans cette entreprise.

Mais même concernant les partenaires européens, et donc en évitant toute influence de la valeur de la monnaie, le constat est le même. Comme le rappelle le FMI dans une note consacrée à la "dévaluation fiscale" le résultat est  simple : "si tous les pays poursuivent le même processus fiscal, personne n’obtiendra de gains de compétitivité".

Les espoirs de Jean-Marc Ayrault sont incompatibles avec la politique menée par la Banque centrale européenne. Après 19 mois d’exercice du pouvoir, cette réalité semble encore invisible à l’œil nu du gouvernement ; car la poursuite d’une stricte politique de stabilité des prix empêche bien toute efficacité de ce type de mesure.

Afin de se rendre compte de cet état de fait, il n’est pas inutile de constater que la relance monétaire japonaise a permis une baisse de plus de 27 % du yen par rapport à l’euro, et ce depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande. Ce qui permet de mettre en exergue les ambitions du gouvernement de Jean-Marc Ayrault ; alors que le Japon gagne 27 %, notre objectif ne se chiffre qu’à 2.6 %...sur le seul coût du travail.

Mais cette baisse du yen n’est que la conséquence d’une politique monétaire dont l’objectif réel n’est pas de gagner en compétitivité, mais bien de relancer l’activité intérieure. Car c’est bien le rôle d’une banque centrale. Mais la BCE et le traité de Maastricht en ont décidé autrement. Aussi longtemps que la BCE ne sera pas réformée, nous serons condamnés à observer les gouvernements s’écraser sur cette réalité, et de proposer des réformes aussi mesquines qu’inefficaces. Le Japon applique aujourd’hui un programme nourri d’une ambition ; le retour en force. A l’inverse, la France navigue dans une petite logique comptable du type de cette dévaluation fiscale. Après l’échec du CICE en 2013, il reste à en financer le coût en 2014, ce sera le rôle de la hausse de la TVA au 1er janvier prochain.

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