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La déflation, pourquoi c’est mal (et ça fait mal)
©Reuters

Aïe !

Au regard des derniers chiffres publiés par Eurostat, soit une inflation de 0.9%, l’Europe se trouve aujourd'hui confrontée à une situation de quasi déflation. Bien que la compréhension du phénomène soit aisée ; lorsque le chiffre bascule dans le territoire négatif, la déflation est actée, il convient de rappeler les causes et les effets d’un tel phénomène.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Alors qu’une forte activité se traduit par une hausse de la croissance et une hausse des prix (afin de s’adapter à la demande), une faible activité ou une activité en baisse induit un phénomène inverse. La baisse globale d’un indice des prix est la conséquence d’une activité en baisse structurelle, en ce sens qu’elle est considérée suffisamment persistante pour générer une baisse des prix. Car les prix et les salaires ont une tendance naturelle à la viscosité, c’est à dire à ne pas répondre immédiatement à un contexte économique. Mais avec le temps, le marché s’adapte à la situation et suit le mouvement. Mouvement aujourd’hui à la baisse en Europe.

A priori, il y a peu de raison de s’effrayer de voir les prix baisser, cela est même régulièrement perçu comme une bonne nouvelle. Pourtant, il s’agit bien du phénomène économique le plus dévastateur qui soit, le simple exemple de 1929 l’atteste. Mais également le cas du Japon depuis 1997.

La déflation c’est l’inversion totale du mécanisme économique. La valeur de la monnaie devient le refuge absolu, incitant les acteurs économiques à privilégier la sécurité plutôt que la prise de risque. Pourquoi investir dans une activité dans une économie à la dérive alors que le « cash » prend de la valeur ? Et ce sans aucune fiscalité. La prise de risque devient vide de sens, l’investissement « productif » une hérésie. Alors qu’un peu d’inflation permet de sanctionner cette inaction, poussant l’investisseur à rechercher un rendement positif plutôt qu’une perte assurée en cash, la déflation est une prime au désinvestissement.

Dans ces conditions, l’attrait des investisseurs japonais pour leur dette locale n’est absolument pas une folie, elle permet aux investisseurs de protéger leurs avoirs tout en profitant d’un rendement invisible offert par la déflation.

La déflation est une prime à l’inaction, au désinvestissement, à l’attentisme qui détruit et défragmente l’ensemble de l’économie. Au niveau d’un Etat, le premier effet est la baisse des recettes fiscales. Bernard Cazeneuve a pu faire part de la baisse de revenus fiscaux pour un montant de 5.5 milliards d’euros, il est aujourd’hui probable que ce montant atteigne les 11 milliards. Ceci n’est qu’un avant-gout de ce que la Japon a dû subir dès 1997. Les recettes fiscales ont en effet baissé de 30% entre 1997 et 2012, laissant entrevoir un avenir radieux pour les prochains ministres du Budget européens.

Un Etat ressemble à un 38 tonnes lancé à pleine vitesse. Sa capacité de freiner les dépenses en peu de temps est réduite, voire inexistante, dans une situation de stagnation économique. Il est en effet assez clair que seuls les pays bénéficiant d’une expansion économique sont parvenus à redresser leurs comptes publics. Les pertes fiscales sont dès lors difficilement absorbables et la hausse d’impôts ne peut durer qu’un temps. Le recours à l’endettement devient la dernière solution, et voici comment le Japon se retrouve aujourd’hui à la tête d’une dette sur PIB de 245%. Cette dette n’est pas la conséquence d’une croissance sans fin du budget de l’État japonais, mais bien le seul recours d’un état privé de ses recettes fiscales, incapable de prendre conscience de son erreur monétaire.

Mais c’est bien la situation de l’emploi qui est la plus préoccupante. La faible activité économique engendrée par le mécanisme déflationniste a d’ores et déjà un effet de défragmentation de l’emploi. Hausse du chômage, baisse des salaires, hausse de la part des intérimaires, baisse du taux de participation au travail, « smicardisation » de la société. L’ensemble du marché du travail est fragilisé, précarisé, sur un cycle long qui a pour principale conséquence de modifier les mentalités mêmes de la population. Le découragement devient la règle dans un monde de lendemains qui déchantent.

La puissance psychologique de la déflation, invitant au sentiment de déclin est d’ores et déjà à l’œuvre en Europe. Car la baisse moyenne et progressive des chiffres de l’inflation est en train d’accoutumer les acteurs économiques, de les préparer à un mouvement de long terme. Ce mouvement est induit par l’inaction de la Banque centrale européenne. Son incapacité à venir soutenir les investisseurs incite ces derniers à se désinvestir de l’économie réelle pour se réfugier dans une monnaie forte.

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