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ISF : impôt juste ou injuste ?
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Réforme fiscale

Alors que le gouvernement a confirmé mi-avril la suppression du bouclier fiscal et le maintien de l'Impôt sur la fortune pour les patrimoines supérieurs à 1,3 million d'euros, certains s'interrogent sur le bien fondé de notre système fiscal et notamment de l'ISF.

Patrick Nodé-Langlois

Patrick Nodé-Langlois

Patrick Nodé-Langlois est un ancien haut dirigeant d'un grand groupe industriel.

Il est administrateur de la chaîne KTO.

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Ancien dirigeant d’un grand groupe industriel, aujourd’hui à la retraite, j’ai payé et je paie encore beaucoup d’impôts. Je ne me plains pas, même si j’estime que notre système fiscal redistributif n’est pas aussi juste qu’on veut bien le dire. Je m’explique par quelques exemples.

J’ai quatre enfants, tous mariés et douze petits-enfants. Ma femme n’a jamais travaillé pour pouvoir élever nos quatre enfants. Une de nos filles et une de nos belles filles ne travaillent pas pour la même raison. Quelle reconnaissance a la Société pour le travail de la mère au foyer ? Elle est nulle parce que cette pratique est considérée comme ringarde. Et pourtant, n’y a-t-il pas plus noble métier que d’élever des enfants ? N’est ce pas un travail d’intérêt général ? Construire des familles solides et engagées coute cher, même avec des allocations familiales. Ce sont généralement des familles, appartenant à la classe moyenne supérieure, qui subissent une forte pression fiscale et qui vont encore trinquer avec ce qui se profile à l’horizon.

Un autre exemple qui montre qu’il y a des nantis dont on ne parle pas ou peu : les agents de la SNCF ou de l’EDF, qui ont des transports gratuits, de l’électricité bon marché grâce entre autre à la contribution au service public que le consommateur paie, des dépenses maladies remboursées à 100 % à la SNCF. On pourrait citer aussi l’exemple des billets gratuits dont bénéficient le personnel d’Air France et leur famille, avantage défiscalisé jusqu’à il y a peu et dont la fiscalisation a entrainé une grève ! On voit que les niches fiscales n’existent pas que pour les riches.

Les paroles d’un président de la République font florès ces temps-ci dans certains milieux politiques : « Il y a ceux qui gagnent de l’argent en travaillant et ceux qui en gagnent en dormant ». Parmi ces derniers qui vivent des revenus de leur patrimoine, on trouve les retraités. Ils ont constitué leur patrimoine tout au long de leur vie professionnelle, à partir de revenus ayant payé l’impôt, ou l’ont reçu de leurs parents en paiement de l’impôt sur les transmissions ; l’ISF est en quelque sorte un impôt sur l’impôt. La majorité des retraités ne sont pas des nantis ; les revenus de leur patrimoine complètent bien souvent une modeste retraite. Cela ne les empêche pas de pratiquer ce que Benoît XVI appelle dans sa dernière encyclique, Caritas in Veritate, l’économie du don en étant des bénévoles dans de nombreuses associations travaillant pour l’intérêt général ou en s’occupant tout simplement de leurs petits enfants. C’est une évidence qui mériterait d’être reconnue par la Société dans son ensemble et par le législateur en particulier.

Un patrimoine qui nous échappe

J’en viens à l’ISF : impôt juste ou injuste ? On oublie que c’est la valeur virtuelle d’un patrimoine qui est taxée, valeur soumise aux fortes pressions de la spéculation immobilière ou mobilière, animée essentiellement par les marchés internationaux. Dans les lieux de vacances les plus prisés, ce sont les étrangers qui font monter les prix et non les français qui en sont de moins en moins capables. Le résultat de cette politique absurde est que notre patrimoine va passer petit à petit entre les mains d’étrangers qu’il s’agisse de sociétés immobilières, de riches citoyens de pays émergents ou de fonds d’investissement. Or j’ai l’intime conviction qu’il ne peut y avoir de société solidaire (mot dont on abuse), qu’avec des familles solides, ce qui suppose un certain patrimoine transmissible. L’ISF : un impôt sur la fortune ? Ou un impôt sur la famille ?

Notre pays est miné par un égalitarisme absurde et une jalousie qui n’existe nulle part ailleurs dans les pays occidentaux. En Amérique du Nord où j’ai vécu de nombreuses années, l’américain moyen ne se demande pas comment faire payer plus d’impôt à son concitoyen qui crée des richesses et est plus riche que lui ; il se demande simplement comment il peut faire pour avoir une réussite identique. En France la question est comment mieux profiter de l’assistanat en faisant payer plus les riches.

Avant de remettre à plat notre système fiscal, confiscatoire pour certains, injuste pour d’autres, ne devrait on pas commencer par réorganiser la dépense publique pour une plus grande efficacité et une plus grande justice. Je ne recule pas devant payer l’impôt, et sans doute plus d’impôt dans l’avenir. Mais en contribuable responsable je demande à être convaincu que cette contribution est bien utilisée. Que voulez vous, savoir que la pilule du lendemain est gratuite pour les plus jeunes, que l’avortement est remboursé par la sécurité sociale alors qu’il s’agit bien souvent d’une méthode contraceptive, que les régions engagent des demandes somptuaires inutiles, que chaque fois qu’il y a un problème monté en épingle par les médias on crée un comité Théodule qui augmente forcément les dépenses de fonctionnement, qu’on préfère tailler dans les dépenses d’investissement que de fonctionnement et j’en passe, tout cela me fait bondir. Nos gouvernants actuels ne manquent pas de courage, mais oseront ils résister à l’idéologie gaucho-marxiste, aux corporatismes et aller jusqu’à supprimer cet impôt qui relève plus de la lutte des classes que de la justice fiscale. Ayant entendu le président Sarkozy sur ce sujet, on peut l’espérer.  

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