Le dimanche ne doit pas être un jour comme les autres : qui est d'accord (et pourquoi) et qui ne l'est pas<!-- --> | Atlantico.fr
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Leroy Merlin a été contraint de fermer ses magasins franciliens le dimanche.
Leroy Merlin a été contraint de fermer ses magasins franciliens le dimanche.
©Reuters

Messe, bricolage ou famille ?

Alors que le rapport Bailly, remis lundi 2 décembre au gouvernement, prône une adaptation sans perte des valeurs de la France, le Premier ministre a quant à lui déclaré que "le dimanche n'est pas un jour comme les autres". Panorama des Français qui partagent ce point de vue.

Jean Viard

Jean Viard

Jean Viard est directeur de recherches CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po.

Il est spécialiste des temps sociaux (les 35 heures et les vacances), des questions agricoles et de l'aménagement du territoire. 

Il est l'auteur de Penser les vacances (Editions de l'Aube, 2007), et Eloge de la mobilité : Essai sur le capital et la valeur travail (Editions de l'Aube, 2008) et plus récemment de : La France dans le monde qui vient aux Editions de l'Aube.

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Atlantico : Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a déclaré que "le dimanche n'est pas un jour comme les autres" et qu'il ne faut pas le banaliser. Pourquoi le dimanche a-t-il toujours une dimension particulière dans l'esprit des Français ?

Jean Viard : Il est clair que le dimanche n'est pas un jour comme les autres et ce pour de nombreuses raisons. Tout d'abord, il y a la raison religieuse que tout le monde connait qui trouve son origine dans la dimension sacrée du dimanche pour les catholiques. Toutefois, il est important de rappeler que le dimanche n'a pas toujours été chômé, en tout cas pas durant le 19ème siècle et que ce n'est qu'en 1906 que cela a été remis au gout du jour.

De ce constat, apparait donc l'autre origine, sociale celle-ci, de l'importance du dimanche dans l'esprit des Français : celle d'une victoire ouvrière importante. De la même façon, cette notion s'est élargie au samedi après-midi qui a été accordé aux femmes en 1916 pour les remercier de leur effort pendant la guerre et pour qu'elles puissent préparer le dimanche de leurs maris. C'est dire à quel point cela est important au sein de notre société.

Enfin, le dimanche représente traditionnellement un temps consacré à la famille, qui en étant non travaillé pour tout le monde permet de se livrer à des activités qui doivent être faites nécessairement en famille. Ce débat a notamment fait surface à propos de l'ouverture des magasins d'ameublement qui par nature implique bien souvent que les achats soient faits en couple mais aussi qu'ils soient faits à un moment libre de toutes contraintes pour des raisons pratiques.

Les groupes sociaux sont-ils également touchés par cette considération du dimanche ? Comment se répartissent les préoccupations sur le sujet ?

Il est très clair que la France n'est pas touchée également par la problématique du dimanche et du travail dominical. Tout d'abord sur la question des rites, les populations catholiques pratiquantes sont bien évidemment plus exposées à la question que les autres.

Par ailleurs, il est clair que l'Ile-de-France est bien plus concernée par la question que ne l'est la province. Cela s'explique à la fois par les modes de consommation que par les modes de vie. Pour un jeune d'Ile-de-France, passer son week-end dans un centre commercial n'a rien de surprenant. C'est peut-être là où nous pêchons en séparant totalement la culture, en l'enfermant dans les musées plutôt que, comme les anglo-saxons, de la faire venir là où sont les gens.

Enfin, notre société est de plus en plus décalée au sens où 30% des Français qui travaillent le font désormais selon des horaires décalés. Si les salariés réguliers ne veulent pas travailler le dimanche, de nombreux groupes sociaux ne voient aucun problème à cela : il y a notamment 7 millions de gens qui vivent seuls, sans famille, et qui n'y voient donc aucun problème. Évoquons également les étudiants dont certains ne demandent qu'à travailler  et qui sont au nombre de 100 000 a déjà le faire.

Les jeunes se sentent-ils moins attachés à ce jour que le sont leurs ainés ?

Non ! Contrairement aux années post mai 1968, la famille n'est plus vue aujourd'hui comme quelque chose de repoussant, au contraire. L'allongement de la durée de vie, en augmentant le nombre de générations se côtoyant, renforce les structures familiales et rend de plus en plus important le rituel du repas familial dominical qui était devenu assez désuet.  

La laïcité et le multiculturalisme français n'impliquent-il pas nécessairement de remettre en cause le dimanche chômé de manière obligatoire ?

S'il est clair que le dimanche est sans aucun doute un jour particulier et qu'il doit le rester, quelques adaptations sont toutefois nécessaires pour correspondre aux évolutions de la société. Le dimanche chômé doit rester une règle mais pourquoi ne pas faire d'exception pour les gens dont la confession implique de ne pas travailler le vendredi ou le samedi ? Certains quartiers vivent ainsi le tout s'équilibrant assez bien.

Par ailleurs, certains mondes s'arrêtent de fonctionner certains jours alors pourquoi n'arrêterions nous pas une partie du notre le dimanche ? Dans la mondialisation que nous connaissons, il s'agit d'un marqueur lié à notre histoire qu'il est important de savoir conserver.

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