Les 5 transitions inachevées qui nous séparent encore d'un nouveau boom de l'économie mondiale selon Morgan Stanley<!-- --> | Atlantico.fr
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Morgan Stanley a identifié cinq grandes transitions économiques actuelles.
Morgan Stanley a identifié cinq grandes transitions économiques actuelles.
©Reuters

High Five

Alors que les premiers pays semblent sortir de la crise, les grandes zones économiques du monde n'en sont pas moins affectées par d'importantes transitions de modèles. Des transitions fondamentales qui prennent toutefois place dans un monde profondément concurrentiel.

Bernard Marois

Bernard Marois

Bernard Marois est Docteur en Sciences de Gestion et professeur émérite en finance à HEC ainsi que Président du Club Finance HEC qui réunit plus de 300 professionnels de la finance.

Il est  également consultant auprès de grandes banques et d'organismes internationaux et travaille dans le domaine du "private equity" à travers un fonds d'amorçage dédié aux "start-ups".

Il a publié plus d'une vingtaine d'ouvrages dont Les meilleurs pratiques de l'entreprise et de la finance durables, à l'automne 2010.

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Atlantico : Morgan Stanley a identifié cinq grandes transitions économiques actuelles (voir ici) dans le monde qui si elles fonctionnaient pourrait générer une croissance du PIB global de 3% en 2013, 3,5% en 2014 et à peu près autant les années suivantes, toujours selon Morgan Stanley. Que penser de chacune de ces transitions ? Sont-elles pertinentes ?

Bernard Marois : Les questions soulevées par cette liste ne me semblent pas nécessairement être les bonnes. Je connais bien les gens de Morgan Stanley et ils ont tendance à essayer de systématiser les choses, de les réduire pour frapper les esprits, ainsi leur approche me parait quelque peu superficielle.

Il serait à mon avis plus judicieux de raisonner en thèmes plutôt qu'en zones géographiques : relations de change, matières premières, développement des consommations intérieures etc. La classification par zone me semble d'autant plus mauvaise que les zones sélectionnées sont hétérogènes "entre elles", et pour certaines en elles-mêmes.

Etats-Unis : du quantitative easing (QE) à un réajustement des taux d'intérêt

La question n'est pas tant les techniques de gestion de la politique monétaire qu'un problème de fond assez lourd à gérer : celui du retour d'une croissance plus ferme et plus durable. Ce retour passe par deux choses que les États-Unis doivent gérer de façon prioritaire : la croissance des inégalités qui explique que la consommation des classes moyennes soit en berne d'une part, et d'autre part, procéder à une réindustrialisation du pays qui passe en bonne partie par un dollars faible. On retrouve donc la question des taux d'intérêts bas or l'abandon du QE est incompatible avec cela. Si les Américains augmentent les taux d'intérêts, ils se protègent des bulles mais ils ré-apprécient le dollar et cela sera catastrophique pour l'industrie.

Japon : de la déflation à une inflation modérée

La déflation au Japon est récurrente depuis vingt ans et trouve son origine dans la décroissance démographique du pays qui entraine une stagnation économique durable et permanente. Par conséquent, tant que ce problème n'est pas réglé, toutes les autres politiques ne peuvent qu'échouer. Ce phénomène - prépondérant pour le Japon-, ainsi que son refus de l'immigration, pousse à la robotisation mais même cela ne suffira en rien à sortir de la déflation.

Europe : de la fracture financière à l'union bancaire

L'Europe a deux problèmes bien plus importants que l'Union bancaire. premièrement, il lui faut absolument réinstaller les conditions d'une croissance décente (ce n'est pas avec 0,5% de croissance que l'on va bien loin). Pour cela, il faut revoir les rythmes de réduction des déficits, de l'endettement etc. car en cela la Commission européenne a commis une énorme en imposant une pression conséquente à certains pays comme l'Italie, l'Espagne qui ont beaucoup de mal à retrouver la croissance. Or, l'Union bancaire va probablement finir par être mise en place et elle l'est déjà un peu puisque la plupart des banques européennes vont passer sous supervision de la BCE. Mais reconstruire de la croissance est bien plus difficile.

Le second problème n'est autre que l'euro : un euro fort, dans l'idée où les États-Unis maintiendraient une politique de taux d'intérêts faibles, poserait un sérieux problème de compétitivité et le pose déjà. Si ces deux questions ne sont pas réglées, c'est l'environnement politique, social et sociétal des Etats européens qui est en danger… si ce n'est déjà le cas.

Chine : d'une croissance basée sur les exportations à une croissance inspirée par les réformes

De récentes réformes chinoises ont été décidées lors du dernier congrès du parti. C'est une avancée importante, notamment la réforme agraire qui concernera tout de même 50% de la population. D'autres efforts notoires concernent la privatisation indirecte et la remise en concurrence de nombreux secteurs pour éviter que la corruption ne continue à handicaper l'économie et donc donner une impulsion à la consommation intérieure chinoise. La Chine est donc effectivement en train de basculer d'un modèle économique tiré par les exportations à un autre tiré par la consommation intérieure – et ceux bien que les exportations vont rester très importantes.

Ce développement de la Chine intérieure est toutefois un chantier titanesque et la transition, bien que d'ores et déjà engagée depuis les réformes d'octobre dernier, prendra probablement au moins de 5 à 10 ans !

Pays émergents : des modèles classiques "en panne" à de nouveaux modèles de croissance "durables"

Le concept même de "pays émergents" ou "économies émergentes" est dépassé : comment pourrait-on mettre dans le même panier, faire les mêmes recommandations économiques à la Russie et l'Inde ? L'un s'appuie sur sa croissance démographique et l'autre traverse un hiver démographique depuis longtemps, l'un repose sur ses exportations de matières premières et l'autre sur sa consommation intérieure et le développement de l'industrie… Entre la Chine d'un côté qui est "émergée" et d'autre part des pays comme la Birmanie et la Colombie, il semble encore plus évident qu'il est impossible de faire une analyse unique.

Il relève d'une vision très occidentale du monde que de penser que tous ces pays vont suivre une trajectoire unique et convergente. Il semble bien plus probable qu'ils suivront des logiques nationales reposant sur leurs avantages nationaux et une analyse pertinente doit être faite à ce niveau national plutôt que de manière globale en classant : pays émergents.

Ces différentes transitions identifiée par Morgan Stanley pourraient-elles coexister sans "empiéter les unes sur les autres" ?

Je ne vois pas de cohérence dans ces logiques puisque dans la mesure où il n'existe pas de gouvernement mondial, notre monde reste le théâtre d'une concurrence entre les zones géographiques voire entre pays. A partir de cela, les critères qui deviennent importants sont les taux de change, les accords commerciaux et bien sûr l'évolution du prix des matières premières. Si par exemple, le gaz de schiste venait à se développer de manière importante, les conséquences seraient immédiates et importantes pour des pays comme l'Indonésie ou le Venezuela…

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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