Baisse en vue ? Le FMI classe la France parmi les marchés immobiliers nettement surévalués<!-- --> | Atlantico.fr
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Les prix vont-ils baisser en France ?
Les prix vont-ils baisser en France ?
©Reuters

Accès à la propriété

D'après un rapport du Fonds monétaire international, les prix de l'immobilier en France seraient surévalués. Cependant, aucune contraction de l’activité des marchés ou montée de la sinistralité ne permet d'abonder dans ce sens.

Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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Atlantico : D’après le rapport de deux économistes du FMI, Hites Ahir et Prakash Loungani, les prix de l’immobilier ont augmenté dans 31 pays développés et émergents sur 51 en 2013, alors que de telles hausses n’étaient constatées que dans neuf d’entre eux  au deuxième trimestre de 2009, époque à laquelle la crise immobilière battait son plein. Quelles déductions faut-il en tirer ?

Michel Mouillart : Si nous avons assisté à deux crises, ce n’est pas pour autant qu’elles se sont ressemblé. La grande dépression de 2008-2009 a été associée à un blocage du financement de l’immobilier presque partout - c’était la crise des subprimes - et une explosion du nombre de ménages en faillite, en Espagne, en Irlande, aux Etats-Unis, au Portugal, etc. car ils ne pouvaient plus faire face aux remboursements, notamment du fait de la variabilité des taux auxquels ils avaient contracté. Les établissements de crédit ont, dans tous ces pays, fait valoir leur gage hypothécaire, ce qui signifie qu’ils ont bradé les biens pour se rembourser. On se souvient des centaines de milliers de ménages américains à la rue du jour au lendemain. C’est cette réalisation du gage qui a provoqué l’effondrement des prix dans ces pays. Et ne croyons pas que la baisse des prix soit toujours une bonne chose, au regard notamment des conséquences humaines qu’elle peut impliquer.

Dans d’autres pays les prix n’ont pas connu une forte évolution. Ils n’ont pas beaucoup bougé avant, ni après, comme en Autriche ou en Allemagne. La France a pour sa part connu une petite baisse, non pas à cause d’une faillite des ménages, mais parce que le marché de la revente, en se bloquant, s’est trouvé associé à la réalisation de transactions qui n’étaient pas à des prix aussi élevés que celles qui ne se réalisaient plus. Autrement dit, les biens immobiliers aux prix les plus élevés ont été retirés du marché, ce qui a fait mécaniquement baisser les prix. Mais ça, c’était avant.

Ce qu’on voit maintenant, c’est que la crise financière et économique, cette crise des dettes souveraines, n’est pas aussi forte que celle de 2008-2009. Elle est moins intense, et les pratiques bancaires dans les pays concernés par les fortes baisses ont été moins aventuristes que par le passé. On n’a donc pas assisté au grand mouvement de baisse des prix. Et lorsque les marchés ont repris un peu partout, les prix ont commencé à remonter doucement, comme ils l’avaient fait à l’été 2009 et en 2010. Ce n’est donc pas la même crise, pas à la même intensité, mais la sortie est du même type. On le voit bien, en France comme ailleurs.

Mais attention, cette fois-ci la grande différence réside dans le fait que des pays, qui ont connu une sagesse des valeurs par le passé, connaissent cette fois-ci une montée sensible des prix. L’Allemagne, notamment : ce modèle cité tellement de fois en exemple voit ses prix progresser d’une manière que personne ne pensait pouvoir observer (Berlin, Hambourg, Cologne…). Pourquoi ? Pas parce que le modèle financier allemand s’est emballé : mais la situation allemande a rappelé que les prix montent lorsque la demande est forte et très solvable. A Berlin, les prix ont augmenté fortement à cause du déménagement de l’administration centrale fédérale de Bonn vers la nouvelle capitale, notamment. On a vu que la pression sur les prix accompagnait une pression sur la demande dont le pouvoir d’achat est élevé. C’est une situation qui s’observe partout parce qu’après deux crises, les ménages pauvres et modestes sont sortis du marché.

(Pour voir l'image en plus grand, cliquer dessus.)

Source: site officiel du Fonds monétaire international

Le rapport souligne également que parmi un grand nombre de pays membres de l’OCDE, le ratio du prix des maisons par rapport aux loyers est supérieur aux moyennes historiques. Quelles en sont les raisons ?

On a souvent constaté que les prix avaient décroché des indices de loyers. C’est rassurant, car cela signifie qu’à la différence de ce qui se dit souvent, la spéculation sur l’indice des loyers est rare. Et surtout parce que très souvent la situation des pays représentés dans ce graphique correspond à des modèles où l’achat a toujours, et continue d’occuper une large place : les modèles espagnol, portugais, américain, irlandais, etc. sont des modèles où le  locatif est souvent relégué. La qualité du produit est alors moindre dans ce secteur que dans celui de l’achat.

Mais si on prend le contre-modèle allemand, ce n’est pas cela qui s’est produit, puisque les Allemands ont toujours été attachés au locatif. On a souvent dit qu’il n’y avait jamais eu de grand dérapage sur les prix, ce qui était vrai tant que la demande était atone. Mais les fameux miroirs des loyers se sont brisés depuis 2011-2012. Les hausses de loyers dans les grandes villes (Berlin, Hambourg, Cologne, pour ne citer qu’elles) sont de même rythme que les hausses de prix. Car lorsque la demande est forte face à une offre insuffisante, les valeurs dérapent dans les mêmes conditions, et aucun mécanisme n’est capable d’enrayer cela.

On a donc un modèle avec effet "qualité" des produits vers lequel la demande se porte plus volontiers, et un contre-modèle allemand avec des évolutions des valeurs très modérées tant que la demande n’était pas trop forte. Dans le cas de la France, le décrochage entre les prix et les loyers signifie que ces derniers ne sont pas montés aussi vite que cela est souvent dit. Cela signifie aussi, et la dernière enquête Budget de famille publiée par l’Insee le montre, que comme cela s’était déjà observé dans les années 90, tous ceux qui ne pouvaient accéder à la propriété sont restés dans le locatif. On retrouve ici cet effet pouvoir d’achat/pression de la demande. Souvenons-nous aussi que depuis 25 ans, on assiste à une formidable amélioration de la qualité du parc de logements, et notamment de celui qui donne lieu à accession à la propriété. Quand on regarde les logements dits inconfortables aujourd’hui, on s’aperçoit qu’ils sont portion réduite, à 2 ou 3 %. On était à 15 % il y a 30 ans. Cela signifie que cette amélioration de la qualité en France due au développement de l’accès à la propriété s’est retrouvée dans les prix.

Les prix sont-ils surévalués, et finiront-ils par se corriger ?                       

Les prix à l’achat seraient surévalués si on avait constaté une forte contraction de l’activité des marchés du fait de la hausse des prix (ce qui n’a jamais été le cas), ou si on avait constaté une montée de la sinistralité (je ne parle pas des sinistres en Espagne par exemple, qui eux sont le résultat de la réalisation des gages). Il n’y a pas eu de sinistralité en France, et il n’y en a toujours pas. Paradoxe : la hausse des prix de l’immobilier, que tout le monde a qualifiée de rapide (ce qui est vrai en pourcentages), ne s’est pas traduite par une envolée des taux d’effort des ménages (cf. enquête Budget de famille). Bien au contraire, le taux d’effort a baissé. S’il y avait eu surévaluation des prix, on aurait eu une, voire deux des conséquences logiques : blocage du marché et/ou explosion des taux d’effort, ce qui n’a pas été le cas.

Plus précisément dans le cas de la France, qui occupe le milieu de ce classement des marchés dits surévalués, quelle évolution les prix de l’immobilier pourraient-ils connaître ?

Les prix vont continuer à monter. La reprise constatée depuis le printemps 2013 s’est faite suivant le modèle de la sortie de la crise de 2008-2009, ou du début des années 1990. Par exemple, au troisième trimestre 2013, l’Insee nous disait que les prix ont augmenté de 1,4 %. Cela veut dire que la consolidation de la reprise, et l’accélération du redémarrage, s’accompagnera, non pas d’une flambée, mais d’une tendance à la remontée des niveaux des prix. Elle sera certes moins forte qu’au sortir de la crise du début des années 1990. Ne nous attendons pas à un grand ajustement à la baisse. Si je devais en tirer une conclusion, je dirais que les ménages qui n’ont pas écouté les prédictions ont eu raison, car ils ont acheté quand les prix et les taux d’intérêt étaient un peu plus bas. Ceux qui y ont cru achèteront à des prix un peu plus élevés et à des taux moins avantageux…

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