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La Belgique envisage l'euthanasie pour les mineurs : une très mauvaise réponse au douloureux défi de la fin de vie d'un enfant malade
©Reuters

Questions éthiques

Une commission sénatoriale belge a adopté mercredi, à une large majorité, une proposition visant à étendre aux mineurs atteints d'une maladie incurable la loi légalisant l'euthanasie. Le texte sera soumis, probablement dans les prochains mois, au vote des deux chambres du Parlement.

Alain de Broca

Alain de Broca

Alain de Broca est neuropédiatre au CHU d'Amiens. Il est l'auteur de Enfants en soins palliatifs : Des leçons de vie (éd. L'Harmattan, 2005). 

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Atlantico : La Belgique pourrait prochainement étendre l’accès à l’euthanasie aux mineurs. Est-ce là le meilleur moyen de gérer la fin de vie d’un enfant malade ?

Alain de Broca : La mort donnée n’est jamais une solution pour gérer une fin de vie. J'ai été durant dix ans assesseur aux juges des enfants, et lorsque vous tuez quelqu'un, même par accident, c'est un homicide. Ce n'est pas parce que la mort est validée par des médecins, des spécialistes de la vie, que l'acte deviendrait juste.

Pour que cette euthanasie soit réalisée, l’enfant devra bénéficier d’un accord parental. Un parent peut-il vraiment donner l’accord pour abréger les souffrances de son enfant ?

Effectivement, la souffrance des parents face à leur enfant malade est insupportable. Il est aussi dramatique de voir qu’il pourrait souffrir, c'est-à-dire avoir une existence difficile avec un handicap sévère, ce qui amène à vouloir lui éviter cela. C’est la raison pour laquelle en néonatalogie, on peut se poser la question, en cas d’enfant en soins palliatifs, de la possibilité d’accéder à une demande d’arrêt de soins thérapeutiques entraînant une survie artificielle.

Chez les grands enfants, on est dans les mêmes termes, lorsque l’enfant est trop fragilisé par une maladie incurable, inexorablement fatale, avec risque vital - c'est à dire, qui fait entrer la personne dans le champ des soins palliatifs pédiatriques. Dans ces situations on peut, ou plutôt il faut se demander tous les jours à quel moment on se place dans une obstination déraisonnable. C'est  ce que nous demande la loi Leonetti de 2005, qui permet d’accompagner au mieux les enfants, leur famille, la fratrie et la famille élargie, pour vivre moins mal le drame de la mort d’un enfant, en arrêtant les soins thérapeutiques qui n’auraient plus de sens. Pour autant, on n'arrêtera jamais les soins de confort, ou thérapeutiques qui apportent un bien être.

Cette extension de l’euthanasie aux mineurs ne serait-elle pas plus un moyen d’abréger les souffrances des parents que des enfants ?

Oui. Un enfant ne peut pas avoir envie de mourir. En 30 ans d'exercice, je n'en ai jamais vu. Mais il peut avoir envie de faire plaisir à ses parents. Il faut voir comment, par loyauté, il va dire des choses qu'il pense que ses parents veulent entendre. On s'aperçoit ainsi, par exemple dans les soins palliatifs que certains arrivent à dire qu'ils n'ont pas mal alors qu'ils se tordent de douleur parce qu'ils ont entendu leurs parents avoir peur de l'usage de la morphine.

Un enfant peut dire qu'il veut mourir mais je pense que c'est d'abord une réponse à l'attente des parents, d'autant que certains peuvent très bien dire devant eux qu'ils souffrent trop et qu'il vaut mieux qu'ils meurent. Je ne remets pas en doute la parole de l'enfant mais elle ne peut qu'être influencée par celle des parents, même si les questions existentielles surviennent très tôt. L'enfant ne vit que par le regard de ses parents.

Même s'il souffre énormément, l'enfant ne peut pas désirer mourir ?

Du point de vue des douleurs physiques, on n'a heureusement pas les mêmes niveaux de douleur chez les enfants que chez les adultes. Ils souffrent, mais il est exceptionnel de ne pas pouvoir atténuer quasi totalement les douleurs insupportables. Les parents décuplent la douleur de leur enfant. Ce n'est pas une critique des parents puisque, quand on aime quelqu'un, on projette sur lui sa propre souffrance. La prise en charge des douleurs intenses mène l’équipe à se mobiliser pour faire une réunion de concertation pluridisciplinaire éthique comme le demande l'application de la loi Leonetti et ainsi à trouver l’ajustement adapté.

C'est pour cela qu'il faut parler longuement aux parents, les accompagner. Quand la confiance a pu s’instaurer avec les équipes pédiatriques, il n'y pas d'obstruction à l'accompagnement de la vie en sa fin. Ce n'est pas la même chose. Cette fin sera naturelle : c'est la maladie qui emporte l'enfant.

Est-ce que l'euthanasie de l'enfant peut permettre aux parents de mieux appréhender le deuil ?

Certainement pas. Demander qu’une personne décède, même si elle souffre, c'est à chaque fois un drame atroce.Dès lors que l'on se sent responsable du décès, le deuil va être plus long. Parfois, il ne peut même pas commencer tellement il est difficile à imaginer puisque dans cette situation, la responsabilité en incomberait aux parents. On retrouve la même situation dramatique pour certaines familles qui sont amenées à demander une interruption médicale de grossesse pour le fœtus atteint d’une maladie grave. Leur deuil est d’autant plus difficile qu’ils sont les demandeurs par écrit d’arrêter la vie de leur fœtus.

L’application de l’euthanasie aux mineurs est-elle juste d’un point de vue éthique ?

Si l’éthique est "comment respecter au mieux l’humanité de l’être vulnérable présent devant un soignant", je ne vois pas bien comment la mort donnée, l’infanticide ici, s’intègre comme  une réponse à la définition de l’éthique.

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