Comment la pagaille du débat sur la réforme fiscale parvient à éclipser l'objectif de réduction de la dépense publique<!-- --> | Atlantico.fr
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vue d'une éclipse solaire le 21 mai 2012.
vue d'une éclipse solaire le 21 mai 2012.
©Reuters

Éditorial

Il faudrait réaliser 45 milliards d’économies au cours des années 2015 à 2017, alors qu’on s’est encore contenté d’expédients pour le prochain budget.

Michel Garibal

Michel Garibal

Michel Garibal , journaliste, a fait une grande partie de sa carrière à la radio, sur France Inter, et dans la presse écrite, aux Échos et au Figaro Magazine.

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Le débat sur la réforme fiscale est en train de déboucher sur une gigantesque pagaille. Il a envahi le monde des médias, où tous les ténors de la politique interviennent avec un déluge de mots, d’expressions techniques qui créent une agitation artificielle, contribuant à brouiller les cartes dans un dossier particulièrement complexe et à développer l’anxiété au sein d’une population qui n’en a pas besoin : d’ailleurs la première conséquence visible est une baisse du moral des Français.

Il est difficile de prendre au sérieux les ambitions affichées au départ par Jean-Marc Ayrault. François Hollande a adopté  selon son habitude une attitude ambiguë. Nul ne croit en effet à la possibilité d’aboutir à une transformation  rapide d’un système trop complexe en  raison des oppositions qui se manifesteraient, notamment dès que l’on voudrait toucher aux multiples niches fiscales dont bénéficient de nombreuses catégories de la population.

En fait, le pouvoir entend surtout utiliser ce qui pourrait devenir un brûlot comme une arme politique, à la fois pour détourner l’opinion du lancinant problème de l’emploi tout en affichant un souci d’asseoir davantage les prélèvements sur ceux qui sont en haut de l’échelle des revenus. C’est ainsi que Michel Sapin prône de faire de la CSG, qui rapporte 90 milliards d'euros, un impôt progressif à l’instar de l’impôt sur le revenu, dont le rendement est de 75 milliards.

L’idée paraît d’autant moins réalisable que la moitié des Français ne payent pas l’impôt sur le revenu, alors que 2% des contribuables acquittent 40% du montant total, ce qui témoigne de l’ampleur de la progressivité déjà mise en place. Au demeurant, un rapport établi l’an dernier pour l’Assemblée nationale concluait à l’impossibilité de fusionner deux modes de prélèvements aussi disparates, car il y aurait au moins neuf millions de perdants, ce qui serait impensable. De plus, il faut prendre en compte l’ensemble de la fiscalité : impôt sur le revenu, CSG, taxes locales, cotisations sociales et ISF peuvent conduire à une taxation de 80%, alors qu’en Allemagne  les prélèvements ne peuvent dépasser 45%. Et malgré sa hargne à l’encontre des hauts revenus, le gouvernement a dû se résoudre à rétablir l’an prochain le plafond de 75% pour l’ISF, afin d’éviter une confiscation pure et simple du patrimoine de certains contribuables.

De toute manière, la méthode choisie par Matignon est antiéconomique, car c’est l’idéologie qui domine : il s’agit de montrer que l’on s’achemine vers un égalitarisme considéré comme le parangon de la vertu. L’idée fondamentale est de pratiquer une fiscalité redistributrice et même punitive, là où elle devrait au contraire être incitative et favoriser la croissance. On prône une fiscalité surréaliste, qui n’est d’ailleurs adoptée nulle part ailleurs, même pas dans les pays qui se réclamaient du marxisme, comme si l’exception française devait là aussi s’imposer au monde.

Et pendant ce temps, le débat fiscal éclipse celui de la réduction de la dépense publique. Il faudrait pourtant réaliser 45 milliards d’économies au cours des années 2015 à 2017, alors qu’on s’est encore contenté d’expédients pour le prochain budget, en recourant à la « politique du rabot » qui n’est plus de mise. Mais dans les sphères gouvernementales, on n’ose toujours pas s’attaquer au périmètre exorbitant du champ d’action de l’Etat : pour agir, il faudra attendre une contrainte extérieure telle que la remontée déjà amorcée des taux d’intérêt.

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