Free peut-il réussir son pari sur la 4G ?<!-- --> | Atlantico.fr
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"La 4G est un puissant marqueur de différenciation."
"La 4G est un puissant marqueur de différenciation."
©Reuters

Toujours plus loin

En annonçant vouloir diviser les prix de la 4G par deux, Free tente un nouveau pari sur le marché de la téléphonie mobile. Si le premier a changé la vie des consommateurs en faisant drastiquement baisser l'ensemble des prix, ce défi apparaît encore plus ambitieux.

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Atlantico : Dans une interview accordée la semaine dernière à Complément d'Enquêtes, Xavier Niel a dénoncé l'installation des réseaux 4G, système comparable à de la "fausse monnaie" selon lui. Le patron de Free a ensuite enchaîné en déclarant "On les laisse remonter leur prix, et quand ce sera chose faite, on recommencera à les diviser par deux. Pourquoi on s’en priverait ?". Au delà des déclarations, Free dispose-t-il vraiment des moyens nécessaires à la réalisation de son pari ?

Pascal perri :La 4 G est un investissement important (entre 1 et 2 milliards d’euros pour commencer), mais très vite elle va devenir un standard. Pour les opérateurs historiques, la 4G est un puissant marqueur de différenciation. La minute de téléphone est devenue une commodité, c’est-à-dire un service sans contenu valorisé. Avec le haut débit associé à la 4G, ces acteurs historiques cherchent à reconquérir de la valeur.

Xavier Niel parle de leurs tarifs parce que c’est aussi son ADN de dénoncer les rentes. Rappelez vous le lancement de Free : une conférence de presse à l’américaine, jean et chemise blanche avec un champ lexical qui ne laissait aucune place au doute. Xavier Niel parlait des consommateurs en expliquant que les entreprises de l’oligopole les avaient pigeonnés. Aujourd’hui les consommateurs s’approprient très vite les nouveautés. Free n’aura pas d’autre choix que de proposer un service de base comparable aux autres. La posture de dénonciation ne pourra pas durer éternellement. Il faudra passer au sérieux et financer le développement de la 4G.

Plusieurs compétiteurs dénoncent une opération de com' et affirment qu'un tel projet mettrait des années à se réaliser. Qu'en est-il concrètement ?

Les réseaux physiques coutent chers et constituent des charges amortissables. De surcroît, leur déploiement prend du temps. Le fonds de commerce de Xavier Niel c’est la posture de dénonciation des profits illégitimes au détriment des consommateurs. Les faits lui ont en partie donné raison.

Rappelons que les 3 opérateurs historiques ont été condamnés par l’Autorité de la concurrence à une amende record pour entente tarifaire. Ce marché de la téléphonie a été totalement cartellisé. Que les concurrents de Free dénoncent un bluff de Xavier Niel est dans l’ordre des choses. Tous les acteurs ont leur propre rôle et jouent sur leurs points forts. Pour Free, c’est le prix, pour les autres c’est une novation technologique. Mais les deux modèles vont converger comme dans d’autres secteurs. Les offres chères et complexes se simplifient et les offres simples montent en gamme.

Les autres gros opérateurs du marché (Orange, Bouygues, SFR) disposent-ils de moyens de riposte face à la stratégie de Free ou seront-ils de nouveau forcés à s'aligner ?

Quand un opérateur low cost arrive sur un marché, non seulement il propose des prix en rupture, mais il oblige aussi tous les acteurs historiques à revoir leurs stratégies tarifaires, y compris sur les services Premium. Quand Free a débarqué, les autres entreprises de téléphonie ont du changer leurs prix sur des services comparables au nouvel entrant mais ils ont aussi du baisser de plus de 20 euros/mois les prix de leurs abonnements hauts de gamme. Ils y ont perdu une partie significative de leurs revenus. Qu’on le veuille ou non, c’est Free qui donne le tempo en matière de prix sur ce marchéet les autres n’ont d’autres choix que de se différencier soit en proposant un service unique, soit en s’engageant dans la guerre des prix. Le paysage de la téléphonie va changer. Je ne vois pas comment les numéros 2 et 3 du marché vont pouvoir survivre sans changer la géographie de leur capital.

La question du réseau reste un problème pour Free alors que l'entreprise vient de maintenir son engagement d'assurer la couverture de 75% de la population française d'ici 2015. S'agit-il d'un talon d'Achille pour la stratégie future de M. Niel ?

Depuis son lancement, Free a profité d’un accord d’itinérance avec Orange. Pour dire les choses simplement, le nouvel entrant a utilisé les tuyaux de l’ancien monopole. Free a été instrumentalisé par Orange pour briser la concurrence de SFR et Bouygues.

Pour comprendre, il faut savoir que le développement d’Orange répond à une logique de seuil. L’ancien monopole reste en dessous des 50% de parts de marché pour éviter un changement de règles du jeu. Au delà de 50%, de nouvelles contraintes imposées par la règlementation pèseraient sur ses épaules. Avec une grande finesse tactique, Orange est parvenu à affaiblir la concurrence en jouant sur un 4e acteur. L’accord d’itinérance n’était rien d’autre qu’un accord d’intérêts objectifs communs : tu es l’ennemi de mon ennemi, tu es donc mon ami !

La page qui s’ouvre maintenant est d’une autre nature. Free investi dans le développement de son réseau mais cet investissement est une charge lourde. Dans toutes les activités en réseau, le client final participe à l’amortissement de l’outil de transport. Il incorpore ses coûts de développement dans les prix payés par les consommateurs. La course technologique n’est sans doute pas la meilleure nouvelle de l’année pour Free !

Note : Xavier Niel est un actionnaire minoritaire du site atlantico.

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