Gardasil : qui paie le plus cher les effets secondaires des polémiques de ce type (qu'elles soient fondées ou pas) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le vaccin contre le cancer du col de l'utérus vient d'être remis en cause.
Le vaccin contre le cancer du col de l'utérus vient d'être remis en cause.
©Reuters

Quitte ou double

Alors que l'année dernière à la même période explosait la polémique autour de la dangerosité des pilules de 3ème génération, entrainant ainsi de très nombreux arrêts brutaux de son utilisation, c'est désormais le Gardasil qui est pointé du doigt.

Nicole  Delépine

Nicole Delépine

Nicole Delépine ancienne responsable de l'unité de cancérologie pédiatrique de l'hôpital universitaire Raymond Poincaré à Garches( APHP ). Fille de l'un des fondateurs de la Sécurité Sociale, elle a récemment publié La face cachée des médicaments, Le cancer, un fléau qui rapporte et Neuf petits lits sur le trottoir, qui relate la fermeture musclée du dernier service indépendant de cancérologie pédiatrique. Retraitée, elle poursuit son combat pour la liberté de soigner et d’être soigné, le respect du serment d’Hippocrate et du code de Nuremberg en défendant le caractère absolu du consentement éclairé du patient.

Elle publiera le 4 mai 2016  un ouvrage coécrit avec le DR Gérard Delépine chirurgien oncologue et statisticien « Cancer, les bonnes questions à poser à mon médecin » chez Michalon Ed. Egalement publié en 2016, "Soigner ou guérir" paru chez Fauves Editions.

 

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Atlantico : Le vaccin contre le cancer du col de l'utérus, qui faisait déjà débat, vient d'être brusquement remis en cause. La polémique naissante vous semble-t-elle justifiée ?

Nicole Delépine : Le débat sur la dangerosité des médicaments me semble opportun. On ne peut pas pousser les Français à prendre toujours plus de médicaments de moins en moins testés et de moins en moins longtemps et leur refuser l’information.

Le drame du Gardasil ne date pas d’hier et malheureusement, comme d’autres, j’attirais déjà l’attention sur le danger de ce vaccin en 2011[1], son inutilité dans nos contrées et l’incroyable  légèreté avec lequel il avait été commercialisé après seulement six mois d’expérimentation. Qu’y avait-il de si urgent ?[2] Les accidents connus déjà  étaient signalés dont de nombreux mortels même si relativement rares

« Un rapport du National Vaccine Information Center américain estime que plus de 5 000 vaccinées ont dû consulter en urgence à cause de troubles cardiaques, syncopes, convulsions ou vertiges. Sans compter que dans le monde 29 décès de jeunes filles pouvant être reliés au vaccin Gardasil ont été répertoriées. » Nous avions calculé qu’en France au mieux, si ce vaccin marchait, nous ne préviendrions au maximum que 800 cancers d’ici trente ans. Cela justifiait-il de prendre tant de risques pour les jeunes filles d’aujourd’hui ? Et de mentir largement sur l’innocuité et l’efficacité ?

« L’efficacité du Gardasil dans la prévention du cancer du col de l’utérus n’a pas été démontrée et les campagnes de promotion ont été trompeuses. L’efficacité du Gardasil n’est pas établie car le vaccin n’a pas été essayé de manière adéquate dans le groupe d’âge à qui on l’administre actuellement »[3] Tout cela pour de l’argent démontré par les conflits d’intérêt détaillés dans mon livre et bien d’autres.

Le frottis annuel dans nos contrées favorisées parait la meilleure prévention du cancer du col et l’autoriser aux femmes une fois par an avait fait descendre drastiquement le taux de cancers du col à moins de 1500 par an dont 300 mortels. La publicité sur le Gardasil et les infections à HPV a comme effet pervers supplémentaire une focalisation sur la présence de HPV lors des frottis, présence qui est tout à fait normale. Il est évident que s’il on cherche le papilloma virus, on le trouvera et que la multiplication des conisations ou laser chez les jeunes filles en raison d’une micro-anomalie associée à la présence d’un virus est inadmissible et dangereuse..

La répétition des examens et de la recherche de virus normalement présents chez toutes les femmes à un moment ou à un autre est nocive pour la sécurité sociale et pour la tranquillité psychologique des femmes et de leurs jeunes filles. Elle est également contradictoire avec la vaccination systématique : d’une part il leur est dit : « vaccinez-vous vous serez tranquille » et d’autre part « faites-vous suivre ! »

Dans l'affaire de la pilule de troisième génération, on a spéculé sur la hausse des délivrances de pilules du lendemain et des IVG. Est-ce avéré ? Peut-on quantifier les conséquences des brusques retournements d'humeur issus des polémiques sur un médicament ?

D’après les gynécologues réunis récemment en congrès, il y a eu réellement un bond de 20% des IVG suite à un arrêt brutal des pilules de troisième et quatrième génération. Il ne me semble pas s’agir de retournement « d’humeur » mais bien d’inquiétudes plus ou moins légitimes d’une population qui ne peut plus faire confiance à ses institutions. Lorsque pendant des années l’agence du médicament a dit « circulez, il n’y a rien à voir » à propos du médiator et que finalement la population a appris que depuis plus de 15 ans beaucoup connaissaient les gros risques  de la molécule, la perte de confiance intervient inéluctablement.

Logiquement, lors d’une nouvelle alerte à l’occasion d’une information qui filtre, l’angoisse reprend avec interruptions brutales des traitements parfois pas plus dangereux que celui qui les remplacera. En ce qui concerne la pilule, il est évident que longtemps on a caché la dangerosité relative de ce médicament. Beaucoup de très jeunes filles ont été mises à la pilule « pour le cas où » sans avoir conscience pas plus que leurs mères qu’elles absorbaient quotidiennement un vrai médicament qui par définition n’est jamais totalement dépourvu de danger. Le risque d’accidents vasculaires est par exemple certain avec toutes les catégories de pilules particulièrement chez les fumeuses. Les gynécologues ne sont pas convaincues de la différence réelle de risque entre les quatre catégories de pilules sur le marché et la réaction ministérielle immédiate a jeté le trouble, d’autant plus que contredite quelques mois plus tard par l’agence du médicament européenne.

Pour éviter ces vagues de déstabilisation, il faudrait que  les Français reprennent confiance en leurs autorités sanitaires et la première étape à franchir dans ce but est la disparition réelle et visible des conflits d’intérêt à tous niveaux.

Malheureusement, malgré la loi de déc. 2011 visant à les éradiquer, suite à l’affaire du Médiator et les efforts personnels du PR Maraninchi à l’agence du médicament, les conflits d’intérêt restent cachés si ce n’est autorisés. La loi a été vidée de son sens par le ministère actuel à tel point que le conseil national de l’ordre a protesté !

Auriez-vous d'autres exemples de polémiques qui ont pu amener un nombre important de patients à changer soudainement leur traitement, sous la peur des effets sur leur santé ? Y avait-il un point commun avec la question de la pilule de "troisième génération" ?

La polémique sur les statines - médicaments anti cholestérol - largement justifiée d’ailleurs car sa prescription très large a été mise en cause de nombreuses fois et récemment par le livre des professeurs Even et Debré a conduit de nombreux patients à se poser la question de l’opportunité de poursuivre leur traitement fastidieux et souvent mal toléré. Le scandales qui avaient défrayé la chronique dans les années 2000 à propos des accidents de l’une d’entre elles auraient dû calmer l’enthousiasme pour ce médicament pseudo-miracle aux effets secondaires en particulier musculaires importants.

Mais la publicité est particulièrement efficace sur les cardiologues matraqués dans les congrès et les prescriptions ont repris mais là aussi les indices s’accumulent dans la tête des patients qui viendront à abandonner à l’occasion d’une prochaine controverse.

Comment expliquer l'extrême sensibilité de l'opinion publique sur ces questions, prête à réagir assez brusquement (jusqu’à l'abandon soudain de traitement) au premier cas négatif alors que des millions de personnes sont traitées sans encombres ? Y a-t-il une perte de confiance envers le médicament ? A-t-on du mal à admettre qu'il n'existe pas de médicaments sans danger ?

On doit toujours rappeler qu’il n’y a pas d’effet médicamenteux sans risque de complication. Prescrire un médicament c’est avant tout peser les avantages de la prise du médicament chez un malade donné et les risques qu’on lui fait courir. Si la population perd confiance, c’est parce que l’information sur les médicaments relayée par le ministère est habituellement conçue par les publicitaires des Big pharma et à sens unique, centrée sur ce qu’il peut apporter, et n’évoque pas les risques.

Lorsque la population s’en rend compte, à l’occasion d’un accident médiatisé, la colère d’avoir été trompé submerge le patient  et le fait douter de tout. D’autant plus que dans son subconscient existaient déjà des doutes en fonction du matraquage antérieur disproportionné avec les autres enjeux médicaux oubliés, en fonction du prix exorbitant du médicament, ici de ce vaccin à 450 euros dix fois plus cher que les autres vaccins semant un doute sur le caractère « philanthropique » de la démarche. Les citoyens ne sont pas si naïfs que cela et le jour où un signe net apparait, il s’additionne à leurs informations enregistrées dans l’inconscient dont la réaction brutale sur « apparemment » un cas mais en fait sur la synthèse de nombreuses autres informations glanées progressivement.

L’exemple du Gardasil est typique. Il a bénéficié d’une campagne de promotion très importante et mensongère (la preuve de son efficacité dans la prévention du cancer n’existe pas et a pourtant été présentée comme certaine) et il n’a jamais été fait mention de complication possible (alors que de très nombreuses complications ont été rapportées dans les pays étrangers plus respectueux du droit des citoyens). En France, la vaccination fait partie des tabous médicaux peut être parce que Pasteur était français et surtout parce que l’industrie a pris le contrôle des experts et du ministère de la Santé et fait au besoin le chantage aux emplois

La France reste l'un des pays au monde où la consommation de médicaments est la plus élevée. Comment expliquer ce paradoxe entre défiance pour certains traitements, mais fort attachement à l'utilisation de thérapies médicamenteuses, jamais anodines, pour quasiment tous les maux ?

La consultation médicale n’est pas payée à son juste prix (combien coute un diagnostic de panne de votre voiture ou de votre ordinateur par des gens dont la formation professionnelle a été beaucoup plus courte et dont la responsabilité financière est bien moins élevée ?). La consultation médicale à 23 euros est la plus basse de tous les pays européens et est à comparer au trajet d’un transport ambulancier (avec un infirmier) à 60 euros le quart d’heure… Le résultat est une consultation médicale beaucoup trop courte, durant laquelle il est impossible de passer le temps indispensable pour faire admettre l’absence de prescription médicamenteuse.

Il est beaucoup plus simple et plus « sûr » de donner un médicament (sans insister sur ses risques éventuellement  cachés par le laboratoire) que d’expliquer que le médicament est inutile d’autant que trop de patients jugent encore la qualité d’un médecin au nombre des examens et des médicaments qu’il prescrit.

De plus la pression collective rend difficile cette position qui pourrait être contestée juridiquement le cas échéant. Entre la pression collective, sociale, juridique, le médecin a plus vite fait de céder. Il faut tirer le chapeau aux nombreux qui résistent quand même. En France le médicament reste « magique »…


[1] La face cachée des médicaments Nicole Delépine 2011 ED Michalon

[2] Le papillomavirus humain (PVH) est responsable d’infections sexuellement transmissibles très contagieuses. Les données épidémiologiques suggèrent qu'environ 80 % des femmes, en ont été atteintes au moins une fois dans leur vie. Mais cette infection est l’une de celles dont on guérit le plus facilement. « Dans 90 % des cas, même pour les formes les plus dangereuses, le système immunitaire élimine spontanément la maladie», explique Abby Lippman chercheur au département d’épidémiologie de l’Université McGill de Montréal. La probabilité d’être infectée par les souches de la maladie susceptibles de provoquer des cancers (VPH 16 et 18) est évaluée à moins de 3 % des femmes de la population européenne ainsi que l’a montré une étude réalisée en 2003 sur la population générale féminine de Barcelone  . Sanjose S, Almirall R, Lloveras B, Font R, Diaz M, Muñoz N, et al. Cervical human papillomavirus infection in the female population in Barcelona, Spain. Sex Transm Dis. 2003;30(10):788-93.

[3] Gardasil vaccination evaluating risks versus benefits, wednesday, february 23, 2011 by: Rosemary Mathis, Director of sane vax.Inc.

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