Réforme de la fiscalité : et déjà les premiers dégâts...<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Marc Ayrault commence aujourd'hui à consulter les partenaires sociaux pour sa grande réforme de la fiscalité française.
Jean-Marc Ayrault commence aujourd'hui à consulter les partenaires sociaux pour sa grande réforme de la fiscalité française.
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Ayrault commence aujourd'hui à consulter les partenaires sociaux et les responsables politiques mais les interrogations se multiplient, engendrant des inquiétudes qui paralysent l’action économique. Le système français n’avait pas besoin d’un tel risque.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Quel pataquès. La première série de dégâts atteint les investisseurs étrangers. Pierre Moscovici, le ministre de l’Économie est arrivé à Pékin ce matin pour une visite officielle de deux jours. Il est descendu de l’avion en situation d’extrême fragilité. Il venu à Pékin pour finaliser des accords avec des investisseurs chinois qui veulent s’engager dans l’hexagone. On en a besoin de ces investisseurs. Après le voyage de François Hollande, il y a six mois, la diplomatie française a vanté auprès des chinois l’intérêt qu’ils auraient à participer au redressement français.

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Or, plutôt que de dérouler le potentiel des entreprises françaises et développer des argumentaires, plutôt que de décrire des scénarios de reprise, le ministre de l’Économie sait très bien qu'il va passer ces deux jours à expliquer en détail ce projet de réforme fiscale annoncé par Jean-Marc Ayrault mais dont il ne connait ni l’ampleur, les modalités, ni l’agenda et pour cause il n’était pas au courant. En clair, Pierre Moscovici arrive à Pékin complètement décrédibilisé.

Comment signer des contrats dans ces conditions. Si les investisseurs étrangers veulent des assurances c’est évidemment sur la sécurité fiscale, sa stabilité et son efficacité. Comment signer avec un ministre de l’Économie qui est tenu à l’écart de l’essentiel, c’est-à-dire l’avenir de la fiscalité. Ce projet annoncé par le Premier ministre, contre l’avis de François Hollande, à des fins purement politiques puisqu’il s’agissait de regrouper les forces de la majorité sous son nom, n’aura que peu d’effets concrets à court terme sauf qu'il sème le doute sur la stabilité du système français.Plutôt que de faire son job de ministre qui est de vendre l’économie française, il va être obligé d’expliquer qu’il n’a pas forcément perdu le sien. Un peu rude.

La deuxième série de dégâts a hypothéqué directement notre position au sein de la zone euro. Pierre Moscovici, encore lui, n’a pas pu cacher vendredi à Bruxelles qu’il y avait sur ce point, un désaccord de fond au sein de la gouvernance française. Il a, certes, précisé qu’il était sur la même longueur d’onde que le Premier ministre, il a nié de pas avoir été informé sauf que tout le monde savait à Bruxelles qu’il n’a été informe de ce projet que quelques heures avant la publication de l’interview dans le journal Les Échos. Les dirigeants de la zone euro savent bien qu’il existe des problèmes politiques en France mais, les instrumentaliser pour les gérer la fiscalité française, c’est un cap que peu de pays en Europe auraient osé franchir, tant les risques de déstabilisation sont grands.

Il y a une chose que nos amis européens ne digèrent pas, c’est de ne pas avoir été informé. Si la France a véritablement l’intention de réformer toute sa fiscalité, les dirigeants européens ne comprennent pas que l'on n’intègre pas ce chantier dans une démarche de coordination avec les européens. La France n’arrête pas de revendiquer une harmonisation fiscale et sociale, elle entame ce qui pourrait être le chantier du quinquennat et elle fait comme si l’Europe n’existait pas.

Pierre Moscovici n’a pas su répondre à ce type de question. La seule réponse qu’il a apporté c’est de s’afficher ostensiblement en compagnie de son directeur du trésor, Ramon Hernandez, considéré à Bruxelles comme l’un des plus sérieux et des plus puissants en Europe, alors que l’Élysée et Matignon ne se privent pas de faire circuler la rumeur de son départ  ou de son éviction. Pour le ministre, « il n’en est pas question …pour l’instant. » Pierre Moscovici fait ainsi de la résistance face à Jean-Marc Ayrault. En attendant, il a perdu vis-à-vis de Bruxelles, une partie de son crédit qui n’était pas mauvais. Loin s’en faut.

La troisième série de dégâts affecte évidemment l’administration de Bercy. Que l’Élysée et Matignon veulent reprendre du pouvoir sur Bercy qu'ils estiment trop puissant, c’est naturel et fréquent. Tous les gouvernements  ont livré ce type de bataille. Mais que le Premier ministre et le président de la République laissent entendre qu' ils ont l’intention de répudier publiquement sans l’aval et l’avis du ministre de l’Économie, les deux  principaux directeurs de l’administration centrale, celui du trésor et celui du budget, s’inscrit dans une démarche pour le moins peu commune et revient à humilier l’administration des finances. On peut lui faire beaucoup de critiques à cette administration, mais pas celle de ne pas être sérieuse et performante.

Après tout, la France s’est sortie de toutes les crises financières et monétaires qui ont balayé l’Europe depuis 2008 grâce à l’expertise de ces deux personnages. Ajoutons que si la France trouve sur les marchés financiers l’argent dont elle a besoin pour honorer ses échéances, soit plus de 15 milliards d’euros par mois à des taux très bas, c’est aussi grâce à leur crédit, leur professionnalisme et leur connaissance du milieu des financiers internationaux.

Reste l’opinion publique qui ne comprend vraiment pas pourquoi la France se lance aujourd’hui dans une telle opération. Si le Premier ministre espérait remonter dans les sondages après une telle annonce, c’est raté. La grande majorité des Français sont contre parce qu’ils ne voient pas comment dans la situation actuelle, une telle réforme pourrait faire plus de gagnants que de perdants. Les Français n’ont pas besoin d’agitation fiscale, ils ont besoin d’une promesse de baisse des impôts. Et ils savent très bien que toute promesse de baisse ne sera crédible que si et seulement si, elle s’accompagne d’une baisse des dépenses publiques et sociales. Le Premier ministre n’annonce ni baisse des impôts, il travaille à prélèvement constant, ni recul des dépenses publiques.

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